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Barrage de la Renaissance : Une entente tardive

Ola Hamdi, Mardi, 20 septembre 2016

Après 10 mois de négociations, l'Egypte, le Soudan et l'Ethiopie ont conclu cette semaine l'accord sur l'étude technique du barrage de la Renaissance.

Barrage de la Renaissance : Une entente tardive
Le barrage de la Renaissance est achevé à 75 %.

L’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie ont signé cette semaine, après 10 mois de réunions, les contrats avec les deux cabinets français BRL et ARTELIA, chargés d’effectuer l’étude technique sur le barrage éthiopien de la Renaissance, dans la capitale soudanaise Khartoum. La signature des contrats a été conclue en présence des ministres de l’Irrigation des trois pays. Selon le contrat, les deux cabinets français vont procéder à deux études. La première est une modélisation et une simulation des ressources en eau et du système de génération hydroélectrique dans le bassin du Nil oriental, et la seconde est une évaluation des effets environnementaux sociaux et économiques de la construction du barrage. Les deux études devront être achevées dans un délai de 11 mois. La commission tripartie (formée par l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie) aura 4 mois supplémentaires pour examiner les résultats de l’étude technique et mettre en oeuvre ses recommandations. L’étude coûtera 4 millions d’euros. Les gouvernements égyptien, soudanais et éthiopien ont convenu de payer chacun 1,5 million d’euros. L’accord a été conclu les 19 et 20 septembre. Une grande célébration a été organisée au terme de ces négociations en présence des ministres de l’Irrigation des trois pays et les représentants des bureaux français. « L’accord a été paraphé dans une atmosphère amicale et positive. Nous avons révisé chaque mot du contrat en consultation avec notre cabinet juridique », indique Ahmad Bahaa, membre de la délégation égyptienne à Khartoum.

Le projet du barrage de la Renaissance remonte à 2010 lorsque Addis-Abeba a annoncé sa volonté de construire un barrage sur le Nil bleu pour générer l’électricité et soutenir ses efforts de développement. L’Egypte, qui dépend à 90 % du Nil pour s’approvisionner en eau potable et alimenter son secteur agricole, redoute que le barrage éthiopien n’affecte le débit du fleuve. Le Caire considère aussi que ses droits historiques sur le Nil sont garantis par deux traités datant de 1929 et 1959, lui accordant ainsi qu’au Soudan des droits sur 87 % du total du débit du Nil, et un droit de veto sur tout projet en amont du fleuve. Après de multiples négociations, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan (l’autre pays concerné par l’impact du barrage) ont convenu d’engager deux cabinets de conseil européens pour faire l’étude sur l’impact du barrage. Le choix a porté dans un premier temps sur un cabinet français et un autre hollandais. Et un accord de principe a été signé à Khartoum, obligeant les trois pays à respecter les résultats des études élaborées par les deux cabinets. Mais suite à des divergences entre les deux cabinets de conseil, le cabinet hollandais a annoncé son retrait du projet, mettant ainsi l’Egypte dans une mauvaise passe. Il a été finalement convenu de choisir un cabinet français à la place du cabinet hollandais qui s’est désisté.

Nader Noureddine, expert en ressources hydriques, pense que cet accord sur l’étude technique intervient très tardivement. « Cet accord aurait dû être conclu depuis longtemps déjà. Les retards répétés qui ont eu lieu au cours de l’année écoulée n’ont pas joué en faveur de l’Egypte. Or, le côté éthiopien va achever la construction du barrage avant même que l’étude ne soit terminée », regrette Noureddine. Mohamad Nasr Allam, ancien ministre de l’Irrigation, partage la même opinion. « A quoi servira l’étude technique puisque les Ethiopiens poursuivent la construction du barrage ? Admettons que l’étude technique conclut à la nocivité du barrage, que pourra faire l’Egypte ? », interroge Allam.

Craintes de certains

L’avancement rapide des travaux de construction du barrage et le retard dans l’accomplissement des études techniques alimentent des craintes de certains que l’Egypte ne se retrouve face au fait accompli et ne soit pas en mesure d’agir si le barrage a un impact négatif sur son alimentation en eau. Abbas Charaqi, expert hydrique au centre des recherches africaines de l’Université du Caire, affirme : « L’étude technique était censée servir de repère pour déterminer certaines spécificités du barrage, comme la hauteur, la capacité de stockage et la sécurité. Or, l’étude s’est limitée à l’eau et à l’environnement seulement ».

Mais les responsables égyptiens se veulent rassurants. En effet, ce qui compte pour eux c’est le fonctionnement du barrage et le débit de l’eau dans celui-ci, non pas sa construction. « L’Egypte a reconnu le droit de l’Ethiopie à construire le barrage. Ce qui intéresse à présent l’Egypte c’est de savoir comment il sera utilisé. L’Egypte a demandé à ce que le niveau du lac derrière le barrage ne dépasse pas certaines limites », affirme un expert ayant requis l’anonymat au ministère de l’Irrigation.

Il rejette les craintes soulevées sur la non-faisabilité des études techniques ou le retard dans leur réalisation, en affirmant que les négociateurs égyptiens ont bien revu les détails de l’accord du point de vue technique et juridique.

Abbas Charaqi pense que la situation ne sera pas mauvaise pour l’Egypte car la région où est construit le barrage est montagneuse. « Le stockage de l’eau derrière le barrage sera temporaire, et l’Ethiopie est obligée de laisser passer cette eau dans le cours normal du Nil ».

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