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En quête d’un nouveau partenariat

Chaïmaa Abdel-Hamid, Jeudi, 08 septembre 2016

La visite cette semaine en Inde du président Abdel-Fattah Al-Sissi confirme la stratégie de l'Egypte qui consiste à se rapprocher des pays de l'Est. Le chef de l'Etat a appelé à un renforcement de la coopération économique, sécuritaire et militaire avec New Delhi.

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a effectué du 1er au 3 septembre une visite de trois jours à New Delhi à l’invitation de son homologue indien Pranab Mukherjee. Dans un communiqué, le porte-parole de la présidence, Alaa Youssef, a déclaré que « les entretiens du président Sissi ont été centrés sur le renforcement de la coopération bilatérale dans les domaines de l’économie, de l’investissement et du développement, et ce, à la lumière de la grande expérience de l’Inde. L’objectif est d’augmenter et de diversifier les échanges commerciaux qui ont jusqu’ici atteint environ 4 milliards de dollars par an ». Lors de sa visite, le chef de l’Etat a rencontré le président indien Pranab Mukherjee, le vice-président Mohammad Hamid Ansari, le premier ministre Narendra Modi, ainsi que nombre de hauts responsables et d’hommes d’affaires. Le chef de l’Etat était accompagné d’une délégation de haut rang comprenant des ministres, des responsables et des hommes d’affaires. « La contribution des entreprises indiennes aux projets nationaux, actuellement mis en vigueur en Egypte, était également au menu des pourparlers, outre les sujets régionaux et internationaux d’intérêt commun », a ajouté Alaa Youssef.

Lors d’une conférence de presse conjointe avec le premier ministre indien Narendra Modi, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a déclaré avoir donné à son gouvernement des ordres pour élaborer un plan complet visant à promouvoir la coopération économique et commerciale entre Le Caire et New Delhi. Le chef de l’Etat a ensuite prôné pour l’augmentation des investissements mutuels et le renforcement des échanges commerciaux bilatéraux de manière à garantir les intérêts des deux nations.

Par ailleurs, le premier ministre indien, Narendra Modi, a déclaré que son pays était « prêt à coopérer avec l’Egypte, afin de réaliser des objectifs économiques et sécuritaires communs ». Pour lui, le partenariat égypto-indien vise à « réaliser l’essor des relations commerciales, et à échanger les données en matière de lutte contre le terrorisme, le blanchiment d’argent et le trafic de drogue ».

L’économie en premier lieu

Plusieurs projets ont été proposés récemment par le gouvernement indien, dont notamment la création d’une cité médicale qui sera intégrée au sein de la nouvelle capitale administrative dont la construction est prévue à l’est du Caire. Cette cité devrait être trois fois plus grande que l’hôpital Qasr Al-Aïni au Caire, qui est l’un des plus grands centres hospitaliers en Egypte. Le projet, proposé par la société NMC Healthcare, l’une des plus grandes sociétés de soins médicaux indiennes, représente un investissement de l’ordre de 1,6 milliard de dollars. Le projet comprendra des facultés de médecine, un institut de soins infirmiers opérant selon les dernières technologies mondiales, et six hôpitaux. Il s’étendra sur une superficie de 600 feddans.

D’autres projets sont sur la table comme la création d’une université indienne, d’une usine d’électronique et de téléphones portables, d’une usine de tracteurs, ainsi que plusieurs projets pétrochimiques. En outre, un accord sur un grand projet dans l’industrie alimentaire devrait être conclu en juin 2017 sur 25 000 m2 dans la cité Sadate.

Les relations entre l’Egypte et l’Inde se sont récemment renforcées dans le domaine économique. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a été multiplié par cinq au cours de la dernière décennie, et a atteint 4,7 millions de dollars durant l’exercice 2014/2015, en dépit du ralentissement économique mondial, selon les dernières statistiques.

De plus, l’Inde est le deuxième plus grand importateur de produits égyptiens. L’Egypte vend à l’Inde du gaz, du pétrole, du coton et des produits agricoles. Alors que les exportations indiennes vers l’Egypte englobent les produits pétrochimiques, les viandes et les pneus. L’Egypte espère aussi attirer davantage d’investissements. 52 entreprises indiennes sont en activité sur le marché égyptien. Un chiffre que Le Caire entend doubler dans les 2 prochaines années.

Lutte contre le terrorisme

Les discussions n’ont pas uniquement porté sur les relations économiques. Elles ont également porté sur la coopération sécuritaire et militaire. En effet, le président égyptien s’est dit favorable à un renforcement du partenariat sécuritaire et militaire entre l’Egypte et l’Inde, surtout dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit de l’une des plus importantes préoccupations pour les deux pays. Dans le Nord-Sinaï, l’Egypte mène une guerre contre des groupes terroristes, alors que l’Inde est aux prises avec des groupes extrémistes sur sa frontière avec le Pakistan.

Pour Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, la visite du président égyptien a une grande importance dans le contexte d’une politique qui vise à se rapprocher des pays de l’Est comme la Russie, la Chine, le Kazakhstan et d’autres pays encore. Cette orientation vers l’Est se traduit par la volonté du Caire de ne plus compter uniquement sur l’Occident ou les Etats-Unis qui ont beaucoup baissé leurs investissements en Egypte et qui ont imposé à l’Egypte certaines restrictions après la révolution du 30 juin, bien que ces restrictions aient été allégées par la suite.

« Dans le fond, cette visite a une grande importance pour l’économie, car l’Egypte a besoin d’investissements. L’Inde représente pour l’Egypte un marché d’investissements très large dans plusieurs domaines. Mais outre l’économie, la coopération sécuritaire s’est imposée avec force durant cette visite. C’est un dossier très important aussi bien pour l’Egypte que pour l’Inde », analyse Mourad. Et d’ajouter : « L’Inde compte des groupes extrémistes qui menacent la sécurité de ce pays. La coopération sécuritaire portera notamment sur l’échange d’informations, et une concertation au niveau des services de sécurité dans les deux pays pour lutter contre le terrorisme. On peut aussi envisager, même si cela n’a pas été annoncé officiellement, une coopération dans le domaine de l’armement, surtout que l’Inde est un pays très évolué dans le domaine de la fabrication des armes sophistiquées qui ne sont pas différentes des armes occidentales et qui sont beaucoup moins chères que les armes américaines ou russes ».

La spécialiste des relations internationales, Nourhane Al-Cheikh, explique que le rapprochement avec l’Inde est très important pour l’Egypte. « Elle est la septième puissance économique au monde, selon un rapport de la Banque mondiale d’avril 2016. Et le neuvième plus grand pays au niveau des dépenses militaires et le plus grand en Asie. C’est aussi une force nucléaire très importante », dit-elle. Et d’ajouter que le plus important aussi c’est que l’Inde a connu des conditions économiques très semblables à celles de l’Egypte aujourd’hui. Ce qui en fait un exemple très important et une expérience à suivre dans le domaine de l’autosuffisance. Au moment de son indépendance en 1947, la situation alimentaire de l’Inde était très mauvaise, et beaucoup d’observateurs prévoyaient une évolution catastrophique du pays. Nehru, le nouveau premier ministre indien de l’époque, a déclaré en 1948 : « Tout le reste peut attendre, mais pas l’agriculture ». Le pays a surmonté sa crise en mettant en oeuvre une révolution verte qui, grâce à une agriculture à haut rendement, a pu apporter en quelques années l’autosuffisance alimentaire au pays, réalisée dès les années 2000 avec l’arrêt des importations de nourriture et la croissance des stocks régulateurs.

Aussi sur le plan stratégique, l’expérience indienne est très importante. Ce pays est un allié très important de la Russie, dans le domaine militaire, car c’est le plus grand importateur d’armes russes au monde et fabrique aussi des armes conjointement avec la Russie. De plus, l’Inde garde des relations très profondes tant avec l’Occident qu’avec l’Amérique.

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