L’ancien grand mufti d’Egypte, Ali Gomaa, a survécu vendredi à une tentative d’assassinat, lors de la prière de vendredi à la cité du 6 Octobre. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi l’a appelé suite à l’attaque et lui a confirmé « la détermination de l’Etat de combattre le terrorisme et de propager un islam modéré ». L’attaque a été dénoncée par des forces politiques, des institutions religieuses dont Al-Azhar, ainsi que par l’Occident. Selon les témoignages de son garde du corps à la chaîne privée Dream, trois hommes circulant à moto ont tiré par des armes automatiques, d’une distance de 14 mètres, dans sa direction alors qu’il entrait dans une mosquée. Gomaa n’a pas été touché, mais l’un de ses gardes du corps a été légèrement blessé. Les forces de sécurité sont toujours à la recherche de ses agresseurs qui ont pris la fuite. Selon des sources sécuritaires, plus de 65 suspects ont été arrêtés au cours de ces derniers jours, et sont actuellement interrogés. Cette campagne sécuritaire vise notamment des restants des cellules terroristes dans les quartiers de Kerdassa et Nahia, dans le gouvernorat de Guiza. L’ancien grand mufti est l’une des principales figures de l’islam sunnite modéré en Egypte. « Après l’attaque, destinée à semer la peur, j’ai dirigé la prière du vendredi pour envoyer un message à ces gens-là », a dit Gomaa dans une interview à la télévision publique. Il a ajouté que s’il venait à mourir, des millions prendraient sa place. « Je continuerai à publier des livres qui dénoncent le radicalisme et la violence des Frères musulmans ».
Connu pour sa modération en matière de religion et membre du Conseil des oulémas d’Al-Azhar, cheikh Ali Gomaa critique toujours les groupes radicaux et l’idéologie fondamentaliste des Frères musulmans. Il est également un proche du président Abdel-Fattah Al-Sissi et l'un des oulémas qui ont soutenu la révolution du 30 juin qui s’est soldée par la chute du président islamiste, Mohamad Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans. « C’est le radicalisme idéologique de Sayed Qotb, un des cadres historiques de la confrérie des Frères musulmans, qui alimente l’extrémisme au sein de la confrérie. C’est de cette doctrine takfiriste que Daech tire ses fatwas aussi », a dit Gomaa dans son émission hebdomadaire à la télévision publique.
Un groupe inconnu
C’est dans ce contexte que la confrérie a été montrée de doigt et accusée, sans fard, de la responsabilité de cet attentat. Pourtant, quelques heures à peine après l’attentat manqué, un groupe baptisé « Sawaed Misr, Hasm » (les bras de l’Egypte, détermination), l’a revendiqué sur un compte Facebook. Le mouvement a publié des photos de la tentative d’attentat, promettant de multiplier les attaques contre ceux qu’ils ont nommés « les hommes de la religion au service du régime ». En fait, depuis la chute du président islamiste Mohamad Morsi, en juillet 2013, le terrorisme est monté en flèche, notamment au Sinaï, où les forces de l’armée et de la police sont régulièrement prises pour cibles. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, plus de 500 policiers ont été tués. Le gouvernement accuse les Frères musulmans d’implication dans la violence qui frappe le pays depuis 2013.
Mais qui est ce groupe ? Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, indique qu’il s’agit d’un des micro-groupes qui font partie de petites cellules terroristes, ayant été formées sous les auspices des Frères musulmans depuis la chute de Morsi. Il précise que ces groupuscules ont fait leur première apparition peu de temps après l’évacuation du sit-in de Rabea. Ils sont affiliés à des groupes comme la Gamaa islamiya, le salafisme djihadiste et des jeunes des Frères musulmans. Leur but est de maintenir l’instabilité et d’épuiser les appareils de sécurité par des actes limités mais sporadiques. La campagne sécuritaire contre les Frères et les groupes terroristes issus du salafisme djihadiste du Sinaï les a poussés, depuis 2013, vers une sorte de partenariat contre ceux qu’ils considèrent comme un ennemi commun « l’Etat, l’armée et la police ». « Cette multiplication des micro-cellules terroristes est née de la conviction des mouvements djihadistes que le processus politique n’a pas été le bon choix du mouvement islamiste. C’est surtout les jeunes des Frères musulmans qui deviennent de plus en plus convaincus que la violence est leur choix pour exister », estime Ban. En ce qui concerne leur tactique, il indique que ces groupuscules oeuvrent en accord avec une nouvelle stratégie consistant à lancer des attaques ciblées et imprévisibles. « L’attentat raté de Ali Gomaa dévoile que ces jeunes ne disposent ni de moyens ni d’expérience. Ils attaquent des points vulnérables et pas très bien protégés. Toutefois, il ne faut pas minimiser le danger de ce genre d’opérations sporadiques qui épuisent les forces de sécurité et dont les effets sont retentissants. Et c’est exactement leur but : maintenir l’instabilité et l’a véhiculée pour se venger de l’Etat et saper les efforts déployés en vue de redresser l’économie », prévient-il.
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