L’ambassadrice et ancienne ministre, Mouchira Khattab, est officiellement annoncée candidate de l’Egypte au poste de directrice générale de l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Un poste qu’aucun Arabe n’a occupé depuis la création de l’Unesco en 1945. Le mandat de l’actuelle directrice générale, la Bulgare Irina Bokova, qui avait été élue en 2009 à la tête de l’Unesco, puis réélue en 2013 pour un deuxième mandat de quatre ans, n’expire qu’en 2017. Les élections devront se tenir en octobre 2017.
D’ici là, beaucoup reste à faire pour Mouchira Khattab. « Khattab peut représenter la culture de l’Egypte, du monde arabe, de l’Afrique et de la région méditerranéenne. Les relations de l’Egypte avec l’Unesco remontent à plus de 70 ans, et l’Egypte a été parmi les premiers 20 pays qui ont ratifié la charte de sa création », a déclaré le premier ministre, Chérif Ismaïl, mardi 19 juillet, à l’annonce de sa candidature à partir du Musée égyptien, symbole de la civilisation. La candidature de Mouchira Khattab au poste de secrétaire générale de l’Unesco a été saluée par les milieux diplomatiques, politiques et culturels en Egypte. Le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a déclaré qu’il intensifierait les contacts avec les pays et les instances internationales, pour obtenir un soutien africain et international pour la candidature de Khattab. « Lors de ma participation au sommet africain, les ministres africains ont promis de soutenir la candidature de l’Egypte à l’Unesco en tant que candidate officielle de l’Afrique », a affirmé Choukri. Il a ajouté qu’un conseil a été formé pour soutenir sa campagne électorale. Ce conseil regroupe des statures des personnalités publiques, des intellectuels et des écrivains, dont Ismaïl Séragueddine, président de la Bibliothèque d’Alexandrie, l’intellectuel Gaber Asfour, ancien ministre de la Culture, le savant Farouq Al-Baz, l’archéologue renommé Zahi Hawas, l’écrivain Mohamed Salmawy et l’ambassadrice Nadia Makram.
En fait, Mouchira Khattab n’est pas le premier candidat de l’Egypte à briguer le poste de directeur général de l’Unesco. En 2009, l’Egypte avait proposé son ancien ministre de la Culture Farouk Hosni à ce poste, mais sa candidature avait échoué en raison de ses propos sur les livres israéliens, qui avaient jugés « antisémites ». Affaire qui lui a fait perdre le combat qu’il menait malgré l’absence d’autres candidats arabes.
Cette fois-ci, la candidate de l’Egypte est confrontée au même défi, à savoir convaincre la communauté internationale de l’aptitude de l’Egypte à occuper ce poste. Mais elle est aussi confrontée à la fragmentation des voix arabes, puisqu’elle n’est pas la seule candidate comme était le cas de Farouk Hosni. L’ambassadeur du Qatar à Paris avait annoncé en décembre que son pays briguerait le poste avec la candidature de son ministre de la Culture, Hamad bin Abdel-Aziz Al-Kawari. Le Liban soutient officiellement la candidature de Véra Lacoeuilhe au poste de directeur général de l’Unesco, et l’ancien ministre de la Culture, Ghassan Salamé, a lui aussi présenté sa candidature. Ces candidats seront en compétition pour l’obtention du soutien des sept pays arabes qui ont le droit de vote aux élections, à savoir l’Egypte, le Maroc, le Soudan, le Qatar, le Liban, Oman et l’Algérie. A cet égard, Khattab a dit qu’elle souhaitait qu’il y ait un seul candidat arabe pour éviter de fragmenter en vain les voix, surtout que la compétition sur ce haut poste est déjà ardue. « Il fallait mieux unifier les voix pour un seul candidat arabe. La réussite d’un candidat arabe sera une victoire pour tous les pays arabes d’avoir un représentant à cette haute institution internationale, un but qui nécessite d’unifier les rangs des pays arabes pour l’atteindre. Je souhaite que la compétition soit honnête », espère Khattab. Elle ajoute que sa campagne commence par l’analyse des raisons qui n’ont pas permis auparavant à l’Egypte de réussir à obtenir ce poste. « La campagne inclut des visites qu’on va effectuer dans 58 pays membres du bureau exécutif de l’Unesco pour étaler le programme de l’Egypte. Mêler la politique à la culture a été la raison principale de l’échec de Farouk Hosni à remporter la victoire. Je trouve que c'est une erreur de mêler la politique aux affaires de l’Unesco dont le rôle est culturel et humain. Je ne travaille pas à la politique, mon champ de travail qu’il faut évaluer c’est le développement humain. La question que doivent se poser les Etats-Unis ou n’importe quel autre pays, est si Mouchira Khattab est apte de servir à l’Unesco », estime-t-elle.
La politique en arrière-plan
Selon le diplomate Mohamad Al-Orabi, chef du comité des affaires étrangères au parlement, la carrière de Khattab est un atout qui peut lui permettre d’obtenir le poste. Selon lui, le message essentiel qu’il faut véhiculer au monde à travers sa campagne électorale c’est que la culture est l’arme la plus influente à la lutte contre le terrorisme et le fanatisme idéologique. Souhait partagé par le politologue Moustapha Kamel Al-Sayed, même s’il trouve que la mission ne sera pas facile. Selon lui, la difficulté de ce combat ne réside pas uniquement dans la capacité de résister jusqu’au bout pour obtenir le soutien de parties nombreuses et influentes. Mais la difficulté réside surtout dans le fait que pour les grands postes, la politique joue son jeu dans la détermination des positions des différents Etats. « Les polarisations aiguës ont fait de la culture, de l’enseignement et du patrimoine humain un champ de concurrence pour gagner des positions d’influence. Et parfois même pour s’ingérer dans les droits des peuples de sauvegarder leur identité. Khattab s’est engagée dans un combat difficile qui ne concerne pas uniquement sa personne et ses ambitions, mais concerne toute l’Egypte et son rôle civilisationnel ainsi que le monde arabe, qui défend sa présence culturelle et morale, et surtout sa capacité de coexister et d’entrer en action avec les autres cultures », dit-il.
Pour étayer la situation, Al-Sayed retrace le schéma de la compétition. Il explique qu’il existe le bloc des pays africains qui pourra soutenir la candidate égyptienne, mais il nécessite beaucoup de concentration pour qu’il ne change pas de position et ne se plie pas aux pressions et tentations. « Les Etats africains sont la proie facile des influences européennes et israéliennes. Vient ensuite le bloc de l’Amérique latine, dont la majorité des pays est soumise au pouvoir américain, malgré les relations spéciales qu’ils entretiennent avec des Etats méditerranéens. Il y a enfin les Etats-Unis, avec leurs nombreuses stratégies, leurs alignements clairs dont il faut se méfier », se méfie Al-Sayed.
Des défis de taille. Mais les observateurs misent sur la bonne gestion de la campagne électorale et la promotion de la candidate égyptienne.
Une carrière prometteuse
Militante des droits de l’homme et ancienne diplomate, Khattab a exprimé sa conviction que « le respect effectif des droits de l’homme sans aucune discrimination était le seul moyen efficace de parvenir au développement durable ». Ex-ambassadeur d’Egypte en Afrique du Sud, en République Tchèque et en Slovaquie, elle avait notamment servi entre 2009 et 2011 comme secrétaire d’Etat à la Famille sous l’ancien président Hosni Moubarak. Auparavant, elle était la secrétaire générale du Conseil national de l’enfance et de la maternité. Elle fut également experte, vice-présidente et rapporteuse de la Commission des Nations-Unies sur les droits de l’enfant à Genève de 2002 à 2010. Elle est parvenue à retirer les réserves égyptiennes par rapport à la Convention relative aux droits de l’enfant (Cde) de 2003. En 2013, Khattab était classée troisième militante des droits de l’homme les plus influentes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. « Femme dynamique et animée par le désir de bâtir un consensus autour des questions cruciales, Mouchira Khattab possède les atouts nécessaires pour briguer ce haut poste. Elle a à son actif un grand nombre de réalisations à la fois concrètes et largement reconnues dans les domaines de la diplomatie, de l’éducation, de la culture, du développement durable et des droits humains », dit le diplomate Mohamad Al-Orabi.
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