La « maison des journalistes » a toujours été une tribune pour la défense des libertés.
Le tribunal administratif vient d’ordonner, dimanche, la suspension des élections du chef du syndicat des Journalistes et le renouvellement partiel par moitié de son conseil d’administration. Ces élections qui se tiennent normalement tous les deux ans en mars avaient été ajournées jusqu’au mois d’octobre 2011 à cause de la révolution. Le mandat en cours n’est donc pas terminé. En préconisant de reporter les élections au mois d’octobre, le tribunal a ainsi donné raison aux 12 journalistes qui avaient intenté un procès pour suspendre ces élections.
La controverse part du fait que le règlement intérieur du syndicat fixe ces élections au mois de mars, mais aussi du fait que Mamdouh El Waly, actuel chef du syndicat, est un proche des Frères musulmans et qu’il a notamment échoué, selon certains, à défendre les droits des journalistes et les droits fondamentaux de liberté d’expression et d’opinion pendant les mois de débat sur la Constitution.
Les plaignants, eux, estiment que les personnes en place devraient avoir la possibilité de terminer leur mandat et donc de tenir leurs promesses électorales : accroître les ressources du syndicat, préparer un nouveau projet de loi sur la presse et modifier le règlement intérieur du syndicat pour le mettre en conformité avec les changements introduits par la nouvelle Constitution.
En réponse à cette décision de justice, Gamal Fahmi, premier sous-secrétaire du syndicat, affirme que le conseil du syndicat fera appel devant la Haute Cour administrative. « Ce n’est pas un jugement définitif. Je ne comprends pas sur quelle base juridique il s’appuie », dit Fahmi. Il ajoute qu’il est dans l’intérêt des journalistes et du fonctionnement du syndicat de tenir ces élections.
A contrario, Hatem Zakariya, président de la commission législative du syndicat, a exprimé sa satisfaction vis-à-vis de la décision qui maintient le conseil administratif et son chef dans leurs fonctions. « Il n’est pas bon de forcer la sortie de ceux qui sont en place actuellement, alors qu’ils n’ont pas encore pu réellement travailler à l’exécution de leur programme », ajoutait-il.
Ces élections se tiendraient à une période sensible, avec une dizaine de titres qualifiés d’« opposition » qui ont fermé, alors que le versement des retraites des journalistes a été suspendu depuis novembre, et qu’à part la carte de compensation financière (montant fixe versé à tout journaliste certifié), rien n’a encore été fait pour améliorer les conditions de travail des journalistes. Les tâches, qui incombent au chef du syndicat des Journalistes, que des élections aient lieu ou non, s’annoncent difficiles.
Yéhia Qalache, ancien candidat au poste de chef du syndicat, présente les raisons de son refus du report des élections : « Après l’annulation par la Cour constitutionnelle de la loi n°100 des syndicats professionnels, chaque syndicat doit suivre son règlement intérieur. Celui des Journalistes stipule que l’assemblée générale doit se réunir au mois de mars chaque année pour examiner son bilan et tenir des élections partielles ». Pour appuyer son argument en faveur d’un retour à la normale, il cite en exemple le cas de Kamel Zoheiry, chef du syndicat en 1979, qui avait écourté son mandat dans une situation similaire.
51 candidats
Le comité chargé de recevoir les candidatures a déjà clos les inscriptions mercredi dernier sur une liste de 5 candidats à la présidence : Diaa Rachwan et Abdel-Mohsen Salama, tous deux d’Al-Ahram, Noura Rachad et Sayed Al-Eskandarani, d’Al-Gomhouriya, et Mohamad Maghrabi, d’Al-Chaab. Mamdouh El Waly a déjà déclaré qu’il ne se présenterait pas aux élections, afin de se consacrer à plein temps à la fondation Al-Ahram, dont il est devenu le PDG. Pour les 6 sièges à renouveler au conseil d’administration, 51 candidats se présentent, dont des membres du conseil d’administration, candidats à leur propre succession.
Diaa Rachwan avait déjà été candidat en 2009 contre le PDG de Dar Al-Hilal, Makram Mohamad Ahmad, qui était alors le candidat proche du gouvernement et l’avait emporté au second tour. Rachwan, qui se revendique du courant indépendant, base sa campagne sur l’autonomie financière et politique du syndicat. Directeur du Centre des études politiques et stratégiques d’Al-Ahram, il assure qu’il va oeuvrer pour trouver de nouvelles ressources, afin d’améliorer la situation financière des journalistes et de développer la profession, mais aussi de garantir l’indépendance du syndicat. « Mon programme électoral comprend la révision et la modification de tous les articles liés à la presse dans la Constitution, ainsi que des lois de la circulation de l’information et celles relatives à la protection de la révolution », explique-t-il.
Il n’y a pas de candidat à proprement parler islamiste en lice pour la présidence. « Les Frères musulmans vont traiter avec le syndicat de la même manière que le PND le faisait. Ils ont déjà infiltré les fondations de presse en changeant leurs rédacteurs en chef et leurs PDG. Ils ont aussi institué le Conseil consultatif et le Conseil suprême du journalisme. Les articles concernant la liberté d’expression et d’opinion dans la Constitution font aussi partie de leur attirail de contrôle sur le journalisme égyptien », explique Yéhia Qalache qui met l’absence de candidat islamiste sur le compte de l’échec de l’expérience de Mamdouh El Waly.
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