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Revue de presse: La foire aux paris

Najet Belhatem, Mardi, 12 février 2013

Plusieurs éditorialistes commencent à tirer la sonnette d’alarme autour de la probable chute de l’Etat. Quelques extraits.

L’Etat égyptien va-t-il à sa chute ? « L’Egypte vit actuellement dans une phase de vide réel. Et il semble que l’avenir est ouvert à toutes les probabilités. Les Frères tablent sur la dislocation du Front du salut et sur la baisse de l’enthousiasme des jeunes et leur incapacité à soulever la rue, ce qui les pousse à refuser toute concession et à insister sur la tenue des législatives au plus tôt. Or, c’est un pari perdant, car le refus des forces libérales d'entamer des élections sans garantie de pro­bité va nous envoyer à la case départ de nou­veau. De quoi engager l’Egypte dans une phase d’instabilité qui peut mener à la guerre civile. Et comme l’armée n’attendra pas d’en arriver là, certains parient sur elle comme dernier recours. L’armée a échoué dans sa gestion de la phase transitoire et a transformé l’Egypte en un fruit mûr qui est tombé entre les mains des Frères. Et l’échec des Frères dans la gestion de ce qui restait de la phase de transition va jeter le fruit entre les mains de l’institution militaire. Et certains médisants voient que cette dernière attend ce scénario mais ne le précipite pas, car elle est sûre que la bêtise des Frères va certainement y conduire. L’Egypte est-elle donc destinée à choisir entre l’hégémonie des Frères et le retour de l’armée ? N’y a-t-il pas de troisième voie ? C’est une question adressée à une élite qui apparemment est habituée à l’échec », écrit Hassan Nafea dans le quotidien Al-Masry Al-Youm.

Justement à propos de cette élite, l’auteur fait un retour dans l’Histoire pour montrer comment à chaque fois celle-là n’a pas été à la hauteur des aspirations du peuple. « Dans l’histoire de l’Egypte contemporaine, il y a eu deux révolutions avec un écart d’un siècle. La Révolution de 1919 et celle du 25 janvier 2011 mais la stérilité de l’élite égyptienne est appa­rue au grand jour dans la période post-révo­lutionnaire … Au moment où le peuple montre son aptitude à faire tous les sacrifices pour obtenir sa liberté et sa dignité, les élites égyp­tiennes qui se succèdent prouvent, par leur incapacité à gérer la post-révolution, qu’elles sont atteintes de maladies graves qui dévoi­lent une aptitude à la division et un penchant presque instinctif pour la corruption et l’op­pression ».

Le retour de l’armée sur la scène politique est de plus en plus évoqué dans cette phase de blocage total. « Le Conseil suprême des forces armées a géré la phase de transition et a com­mis toutes les erreurs imaginables, de telle sorte que cela a mené à remettre le pays à la confrérie des Frères musulmans. Et cette der­nière a commencé un processus vu par l’insti­tution militaire comme devant mener à la chute de l’Etat. Les Frères veulent-ils vrai­ment la chute de l’Etat ? Et que peut faire l’institution militaire pour empêcher l’effon­drement de l’Etat et sa chute ? », écrit Emad Gad dans le quotidien Al-Tahrir. L’auteur fait une analyse selon laquelle les Frères musul­mans vont à leur perte : « L’Egypte est plus grande que les ambitions d’une faction qui veut dominer seule. L’Egypte est multiple et a une nature spéciale, elle a digéré des civilisa­tions et a assimilé des conquérants pour en faire des Egyptiens … Tous ceux qui ont gou­verné ce pays savent parfaitement que ce pays ne peut être gouverné que par une conciliation entre un large éventail d’Egyptiens. Nasser a réalisé cela, il a été le fils de son époque et de son environnement, et c’est pour cela que les Egyptiens continuent à brandir ses portraits à chaque crise. Ensuite Sadate est venu et n’a pas respecté cette équation en partie, et il a fini assassiné parce qu’il a penché vers une faction en qui il a vu un soutien face aux cou­rants nationalistes et de gauche. Puis est arrivé Moubarak qui a voulu sortir complète­ment de l’équation en voulant léguer le pou­voir à son fils mal-aimé par la population, alors que l’armée jugeait que le poste lui reve­nait. Moubarak a ignoré tous les messages de l’armée disant que cela était inacceptable et peut conduire le pays à un désastre ». L’auteur ajoute que l’armée s’est préparée pour des­cendre dans la rue en mai 2011, date choisie par Moubarak, pour introduire son fils. L’armée, selon lui, avait des informations selon lesquelles des mouvements de protesta­tion allaient se déclencher. « Et soudain les scénarios se sont entremêlés et une poignée de jeunes est sortie pour dénoncer la police. Ils n’ont pas brandi de slogans pour faire tomber le régime ou pour demander le départ du pré­sident. Mais la lenteur du président a mené à la radicalisation des revendications, ce qui a eu un écho favorable au sein de l’armée ». L’armée attend-elle donc un autre écho et sur­tout cette fois-ci un autre timing favorable ? Nul ne le sait.

Justement, selon Mohamad Sabrine, édito­rialiste qui écrit pour le quotidien Al-Ahram, les tenants du pouvoir tablent sur le temps et l’opposition aussi. « Les premiers voient que nous approchons des législatives et à ce moment-là tout sera tranché, et les seconds parient sur le bouillonnement de la rue qui précipitera l’arrivée à une solution politique répondant à leurs revendications ou sur un grand bouleversement soit par les urnes ou en dehors de celles-ci. Mais les uns et les autres oublient que le pari sur le temps est un jeu dangereux, eu égard aux développements sur le terrain qui dépassent les forces politiques. Le jeu risque de leur échapper. Il suffit d’une allumette pour provoquer le grand incendie et pousser l’Egypte à la chute ».

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