50 000 citoyens se rendent quotidiennement au Mogammae.
Qui en Egypte ne connaît pas le fameux Mogammae de Tahrir ? Ce bâtiment du centre du Caire, fréquenté quotidiennement par plus de 50 000 citoyens, est une réminiscence de l’époque socialiste et une véritable icône de la bureaucratie égyptienne. Le gouvernement vient d’ordonner son évacuation. Celle-ci se déroulera par étapes et ne sera achevée qu’en juin 2017. Le bâtiment âgé de 64 ans abrite 1 310 bureaux et administrations, et 10 000 employés de différents ministères. « Certains ministères, comme le ministère de la Solidarité sociale, ont déjà évacué leurs bureaux », affirme le général Mohamad Ayman Abdel-Tawab, vice-gouverneur du Caire. Et d’expliquer : « L’évacuation du Mogammae vise à fluidifier le trafic au centre-ville. Quant au destin du bâtiment, il sera déterminé par le Conseil des ministres ». Des informations circulent selon lesquelles le gouvernement entend convertir le bâtiment en complexe hôtelier cinq étoiles. Mais selon le général Abdel-Tawab, la décision finale n’a pas été encore prise. « L’une des possibilités en effet est de convertir le Mogammae en hôtel de luxe avec restaurants et piscines. Quoi qu’il en soit, le bâtiment restera un monument phare du Caire », dit-il.
Le Mogammae a été construit sur le site d’une ancienne caserne de l’armée britannique en 1951, conçue par l’ingénieur Mohamad Kamal Ismaïl. Il s’étend sur une superficie de 28 000 mètres carrés, a une hauteur de 55 mètres et compte 14 étages.
Certains fonctionnaires du Mogammae regrettent leur départ. C’est le cas de Samia, 45 ans. « J’ai passé 22 ans de ma vie ici et j’ai beaucoup de souvenirs. Jusqu’à maintenant nous ne savons pas où nous irons ». Sékina, 50 ans, qui a passé 30 ans dans ce bâtiment, est ni pour ni contre la décision. « Dans tous les cas, ils vont faire ce qu’ils veulent sans nous consulter. J’ai passé ma vie à cet endroit, mais si les responsables nous transfèrent dans une zone très éloignée, je demanderai à être mutée près de chez moi. S’ils refusent, je prendrai ma retraite », avoue Sékina. Même son de cloche pour Marwa, une jeune employée de 35 ans, qui s’inquiète aussi de la localisation de son futur poste. « J’habite à Mit Oqba, à Guiza, et je ne sais pas ce que je ferai s’ils nous transfèrent dans la nouvelle capitale administrative sur la route de Suez, ou ailleurs », dit Marwa. « Le lieu actuel du Mogammae a beaucoup d’avantages : il est au centre-ville, facile d’accès, et nous avons tous les moyens de transport, en particulier le métro. C’est une chance pour les employés comme pour les citoyens », ajoute le supérieur de Marwa, Salama Saad Nasr, 50 ans.
Il est prévu que l’évacuation complète du bâtiment soit achevée le 30 juin 2017, et il est possible que quelques employés soient déplacés dans la nouvelle capitale administrative, que le gouvernement espère construire à 30 km à l’est du Caire. « Nous avons identifié trois zones dans les quartiers d’Al-Nozha, d’Al-Wayli, et d’Al-Sahel pour construire 3 sièges où seront transférés les services du gouvernorat du Caire situés actuellement au Mogammae », indique le général Abdel-Tawab.
La bonne décision
Pour le professeur de planification urbaine de l’Université du Caire, Medhat Al-Chazli, le transfert du Mogammae est la bonne décision, et a même beaucoup tardé. « Ce Mogammae est fréquenté par 40 000 à 50 000 personnes par jour, en plus des 10 000 employés. Comment est-ce que la place Tahrir peut-elle gérer une telle densité sans impact sur le centre-ville ? », demande Al-Chazli. « Les normes de sécurité ne sont pas respectées dans ce bâtiment. Les sorties de secours sont encombrées de déchets et les ascenseurs sont vétustes et peu fiables ». Cependant d’après Al-Chazli, le transfert des employés ne sera pas facile : « Les employés du Mogammae n’ont pas de bureaux ou d’espaces dans leurs ministères respectifs. Le gouvernement est en train de délocaliser 10 000 employés, mais il n’a annoncé aucun détail précis sur le lieu qui accueillerait toutes ces personnes ».
Concernant l’avenir du bâtiment, Al-Chazli considère comme délicat le fait de transformer le bâtiment actuel en hôtel de luxe. « Ce sera très coûteux et nécessitera des aménagements énormes dans ce bâtiment administratif constitué principalement de petits bureaux », conclut-il.
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