Sous la coupole parlementaire, le débat fait rage
Quatre séances plénières ont été consacrées par le parlement pour discuter du budget de l’Etat pour l’année 2016/2017. Chaque séance a duré 5 heures dont 10 minutes ont été consacrées à chacun des chefs des organes parlementaires et 3 minutes à chaque député pour discuter le nouveau budget. Un temps jugé insuffisant par les députés eux-mêmes. L’article 124 de la Constitution oblige le gouvernement à présenter son projet de budget au moins 90 jours avant le début de l’année fiscale, soit début avril. Un délai qui n’a pas été respecté par le gouvernement qui a présenté son projet le 22 mai ne laissant au parlement qu’une quarantaine de jours pour étudier en détail le projet. De nombreuses critiques se sont fait entendre sur cette imputation du temps d’étude du projet, mais surtout sur le contenu du projet lui-même qui ne respecte pas les pourcentages du budget fixé par la Constitution aux secteurs de la santé, de l’éducation et de la recherche scientifique et qui présenterait plusieurs contournements des lois constitutionnelles.
En matière de services publics, les articles 18, 19, 21, 23 et 238 de la Constitution garantissent un pourcentage minimum du budget de l’Etat de 3 % pour la santé, 4 % pour l’éducation, 2 % pour l’enseignement supérieur et 1 % pour la recherche scientifique. Mais cela n’a pas été le cas car le gouvernement a diminué de 1,5 % le budget du secteur de la santé, et de 2,6 % les budgets de l’éducation et de la recherche scientifique réunis.
Le gouvernement est censé allouer 96 milliards de L.E. de la valeur du PNB au ministère de la Santé en conformité avec le ratio de 3 % du total du (PIB), estimé à 3,200 trillions de L.E., stipulé dans la Constitution. Mais cela n’a pas été le cas. Seuls 48 milliards ont été alloués à ce secteur, ce qui implique, selon les spécialistes, que ce secteur subira un grand déficit au cours de l’année. Pour éviter que le texte soit jugé inconstitutionnel et tenter de se rapprocher des pourcentages exigés par la Constitution, le gouvernement a adjoint quelques nouveaux secteurs comme le budget de la partie qui soigne les civils dans les hôpitaux de la police et des forces armées, ainsi que le budget des eaux usées, des sociétés pharmaceutiques, des assurances ou d’autres. Les allocations pour l’éducation et l’enseignement supérieur, elles, ont été estimées, selon le projet du budget, à environ 104 milliards de L.E., soit 4 % du PIB au lieu de 6 % comme prévu dans la Constitution.
Selon certains députés, le système fiscal du budget général n’a pas tenu compte de l’article 38 de la Constitution qui concerne l’application d’un impôt progressif aux nouvelles personnes imposables. De même, plusieurs subventions dédiées à la classe pauvre et moyenne ont été à nouveau diminuées, creusant encore plus le fossé entre riches et pauvres. La subvention de l’eau a baissé de 1,5 milliard à 1 milliard, la subvention du logement social est passée de 2 milliards de livres à 1,5 milliard, et les allocations consacrées au secteur de la protection sociale ont baissé de 211 à 198 milliards de L.E.
La menace a disparu
Le député Ahmad Choeib, du parti de la Conférence, explique qu’au départ, certains articles du budget général pouvaient être inconstitutionnels, mais qu’avec les modifications opérées, cette menace a disparu. Il ajoute : « Nous avons sûrement quelques remarques à faire sur ce budget 2016/2017, mais tous les membres du parti la Conférence et de l’alliance Daem Misr ont décidé d’approuver le budget, car le pays est dans une mauvaise passe et nous ne voulons pas entraver les efforts du gouvernement ». Un avis que partage Marguerite Azer, députée indépendante et membre de l’alliance Daem Masr, qui affirme : « Nous sommes devant un projet assez mauvais, mais l’essentiel c’est qu’il soit constitutionnel et il l’est ». Le député Atef Makhalif d’Al-Masréyine Al-Ahrar (les Egyptiens libres) souligne pour sa part qu’« il y a beaucoup de maladresse dans le projet présenté. Beaucoup de modifications ne sont que des astuces pour rendre le texte constitutionnel, mais nous n’avons pas le luxe de pouvoir rejeter ce projet, car la situation économique du pays est très délicate. J’aurais préféré que le gouvernement soit plus transparent et reconnaisse qu’il ne pourra pas appliquer ces pourcentages exigés par la Constitution, au lieu de présenter un budget tiré par les cheveux ». Si certains députés se sont forcés à accepter le projet présenté, pour d’autres, il n’était pas question d’approuver le document dans sa forme actuelle. Pour Khaled Chaaban, du parti Al-Masri Al-Démoqrati : « Ce texte abolit toute justice sociale. Il ne fait qu’alourdir le fardeau du citoyen pauvre. Il n’est pas question d’approuver un tel budget ».
Un avis que partage le parlementaire indépendant Mahamad Anouar Al-Sadate, qui lance : « Ce budget est inconstitutionnel, malgré tous les contournements que le gouvernement a tenté de faire. En ajoutant les hôpitaux de la police et de l’armée au secteur de la santé, aurais-je le droit de les superviser ou de les censurer ? Bien sûr que non. Si j’ai voté au préalable pour le programme du gouvernement c’était dans l’espoir de voir un semblant de développement, mais je ne ferai pas de même avec ce projet de budget ».
D’après le spécialiste des affaires parlementaires, Yousri Al-Azabawi, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, « l’affaire n’est pas aussi facile qu’avec le programme du gouvernement. Le budget est validé par une loi, et si le texte est jugé inconstitutionnel, il ne passera pas ».
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