Al-Ahram Hebdo : Où en est-on aujourd’hui dans la crise du syndicat ?
Diaa Rachwan : Malheureusement, nous sommes aujourd’hui retournés à la case départ. Et la crise semble arriver à une impasse. Suite à l’entrée par effraction des forces de l’ordre au siège du syndicat des Journalistes, la colère régnait au milieu de la presse et les journalistes voulaient à tout prix exprimer que cette agression sans précédent ne pouvait pas passer inaperçue. Au départ, la situation était meilleure car les journalistes étaient plus unis et le conseil du syndicat était le seul représentant des journalistes et parlait de leur nom. Aujourd’hui, cela a catégoriquement changé et la crise prend de multiples aspects. Car nombreux sont les journalistes qui ont exprimé leur insatisfaction de la façon dont le conseil a géré le problème. Ce qui a créé une certaine division au sein des journalistes et a rendu la résolution du problème plus compliquée.
— D’où est venue cette division au sein des journalistes ? Et pourquoi cet état de mécontentement à l’égard du conseil ?
— A mon avis, la gestion de la crise par le conseil reflète une absence d’une vision politique. Pour preuve, les décisions prises lors de l’assemblée générale tenue au sein du syndicat, le mercredi qui a suivi la prise d’assaut du siège. Le fait de demander au président de la République de s’excuser a aggravé la situation, surtout qu’il est censé être un juge entre les partis en conflit et non pas un accusé. Cela a anéanti toute chance de négociation avec l’Etat. J’ai frappé à toutes les portes des responsables pour mettre fin à la crise, et à chaque fois, la réponse était la même : revenir sur cette demande est une condition avant d’entamer toute négociation. Le conseil du syndicat a plus tard publié deux communiqués où il a exprimé son respect au président et sa confiance qu’il allait intervenir pour mettre fin à la crise. Mais, pour l’Etat, cela n’a pas été suffisant.
Et ce n’est pas tout. Le conseil a exagéré dans ses revendications, usant de toutes les cartes de pression à la fois. Le plus logique était d’essayer chaque carte à part, voir les réactions, puis passer à l’autre. Les compromis politiques sont parfois plus importants. Sinon, toutes les parties sortiront perdantes de cette crise.
— Et comment estimez-vous la revendication concernant la destitution du ministre de l’Intérieur ?
— Personne ne peut nier que le fait que des policiers armés fassent irruption au siège du syndicat et arrêtent des journalistes prenant refuge dans ce siège est un acte inacceptable, même si le ministère tient à avancer que les procédures juridiques sont correctes. Mais avant de réclamer la démission du ministre de l’Intérieur, le syndicat devait d’abord prouver l’implication directe du ministre dans cette affaire. Et ce, pour lui adresser une accusation directe, et donc exiger son départ. Mais ce qui s’est passé, c’est que cet échange d’accusations a eu lieu sur les écrans de télévision, et c’est le porte-parole du ministère de l’Intérieur qui avançait les arguments pour défendre le ministre qui, à son tour, a opté pour le silence. Quant au niveau des procédures, la nouvelle Constitution stipule que le fait de réclamer la démission doit d’abord passer par le parlement. Un minimum de dix députés doivent interpeller le ministre, puis demander son limogeage. A mon avis, la plus grosse erreur était que le syndicat est rentré en conflit avec l’Etat sans avoir calculé à l’avance ses points forts et ses points faibles.
— Quelles sont les étapes que les journalistes devront suivre dans la période à venir pour désamorcer la crise ?
— Pour le moment, des réunions sont tenues dans de nombreuses publications, afin de chercher des alternatives aux décisions prises par le conseil. A mon avis, cette situation va durer. Ce qu’il y a de plus grave, c’est que ces réunions transmettent à l’Etat un message, celui que le syndicat ne reflète pas la position de tous les journalistes. Ce qui risque de nous faire aboutir à la décision de tenir une assemblée générale urgente qui examinera le fait de garder ou retirer la confiance au conseil. Sinon, pour le moment, aucun autre scénario n’est prévu. Le plus urgent c’est de trouver une solution qui garantisse l’union des journalistes et qui mette fin à cette division.
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