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Quels rôles dans l'hémicycle ?

Chaïmaa Abdel-Hamid et Gamila El Tawila, Mardi, 10 mai 2016

Les récentes élections des commissions parlementaires ont été dominées par la coalition Fi Hob Misr, mais aussi par les hommes d’affaires. Un fait qui soulève des interrogations.

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Les hommes d'affaires remportent 5 des 25 comités. (Photo : Al-Ahram )

Avec 16 commissions sur un total de 25, la coalition Fi Daem Misr, plateforme de 400 députés pro-Sissi, domine désormais le parlement. Les 9 commissions restantes sont allées au parti du néo-Wafd, à celui des Egyptiens libres et aux indépendants (respectivement 3 commissions chacun). Les élections se sont déroulées dans un contexte quelque peu tendu, certains députés ayant accusé Daem Misr de soutenir les figures de l’ancien régime et de favoriser les intérêts aux dépens de la compétence. « Ce vote est une farce orchestrée par les députés de Fi Daem Misr », avait notamment critiqué le député indépendant, Abdel-Réhim Ali, qui a décidé à la dernière minute de retirer sa candidature à la présidence de la commission des affaires arabes, ce qui a fait dire à Saad Al-Gamal, porte-parole de Fi Daem Misr, que Ali « s’est retiré, car incapable de faire face à la concurrence ». Cinq commissions sont désormais présidées par des hommes d’affaires.

La commission du tourisme et de l’aviation civile est revenue à la femme d’affaires Sahar Talaat Moustapha, membre de Fi Hob Misr. Cette dernière, fille du célèbre homme d’affaires Talaat Moustapha, fondateur du géant Alexandria Contracting Company et de Talaat Mostafa Group. Ses deux frères, Tareq et Hicham, sont aussi d’anciens députés. Tareq était président de la commission du logement au Parlement de 2005. Quant à Hicham, il était membre de l’ancien Parti National Démocrate (PND) de Moubarak et député du Conseil consultatif (Sénat). Il purge actuellement une peine de 15 ans de prison pour complicité dans l’assassinat de l’actrice libanaise Suzanne Tamim. La commission de la jeunesse et des sports est revenue à l’homme d’affaires Mohamad Farag Amer, président de l’Association des investisseurs de la cité industrielle de Borg Al-Arab, à l’ouest d’Alexandrie. Il est aussi président de club sportif d’Alexandrie Smouha. La commission de l’industrie est revenue à l’industriel Mohamad Zaki El-Sewedy. Président de l’Union égyptienne des industries, El-Sewedy gère une compagnie de production de câbles électriques et de matériel d’ingénierie.

Le père d’El-Sewedy, Zaki Sadeq, était le fondateur d’El-Sewedy Group et membre du Conseil consultatif sous Moubarak. La commission du logement est revenue à Moataz Mohamad Mahmoud, président du Parti de la liberté. Le père de Moataz, Mohamad Mahmoud Ali Hassan, avant sa mort, a été président de la commission du logement et porte-parole du PND de Moubarak. Il était aussi le fondateur d’une compagnie de ciment en Haute-Egypte, Qéna Cement, dirigé actuellement par Moataz lui-même. Le député est aussi partenaire d’une entreprise de logement. Et enfin, la commission des petits projets est revenue à Mohamad Ali Youssef, propriétaire d’abattoirs de volailles.

L’ère Moubarak, souvent décrite comme celle du mariage entre le pouvoir et l’argent, a vu l’entrée de nombreux hommes d’affaires au parlement sous la houlette de Gamal Moubarak, fils de l’ancien président. L’une des figures les plus proéminentes de l’ère Moubarak reste le magnat de l’acier et l’ancien responsable de l’organisation au sein du Parti national démocrate dissous, Ahmad Ezz. Certains craignent à présent un retour en force des hommes d’affaires sur la scène politique. « Les hommes d’affaires tentent aujourd’hui de revenir sur la scène. Et je crois sincèrement que nous reviendrons peu à peu à l’ère Moubarak », affirme le député indépendant Ossama Charchar à Al-Ahram Hebdo. Il avance en guise d’argument le fait que cinq hommes d’affaires ont obtenu la présidence de cinq commissions importantes du parlement liées à leurs secteurs d’activités, et ce, grâce à Daem Misr. Des arguments battus en brèche par le député indépendant, Mohamad Abou-Hamed, membre de Daem Misr, qui souligne que « le seul critère de choix des candidats à la présidence des commissions a été la compétence ».

Injustices sociales

En dépit du fait que la révolution du 25 janvier a été déclenchée en raison des injustices sociales et de la domination des hommes d’affaires sur la vie politique, 600 hommes d’affaires ont disputé les dernières élections législatives même si beaucoup d’entre eux n’étaient pas de vrais businessmen, mais sont liés d’une manière ou d’une autre au monde des affaires. Une quarantaine d’entre eux ont remporté des sièges. Margaret Azer, députée de Daem Misr, pense que la présence de cinq hommes d’affaires à la tête de commissions parlementaires ne signifie pas nécessairement qu’ils dominent le parlement. « Les hommes d’affaires qui ont été élus à la tête des commissions sont compétents dans leurs domaines respectifs et leur présence est nécessaire », affirme-t-elle. Même son de cloche pour le député wafdiste Mahmoud Zayed, qui ne trouve rien d’anormal au fait que les hommes d’affaires soient présents au parlement, même s’ils représentent les intérêts du monde des affaires. « La présence des hommes d’affaires n’a rien de négatif. Au contraire, je dirais même que leur présence est nécessaire, car ils ont de l’expérience », dit-il. Quant à Mohamad Zaki El-Sewedy, il pense qu’il n’y a pas lieu de parler de la domination des hommes d’affaires. « Si je suis à la tête de la commission de l’industrie, c’est uniquement car je suis député et j’ai le droit de me présenter à la présidence de cette commission, et si je réussis, c’est grâce à un vote libre », affirme El-Sewedy. Et d’ajouter : « Nous devons tous nous mobiliser pour le bien du pays qui a besoin de toutes les compétences possibles pour se redresser ».

Quoi qu’il en soit, les relations entre les hommes d’affaires et l’Etat sont toujours floues et il est difficile de parler dans l’état actuel des choses d’une domination des hommes d’affaires à l’instar de celle de l’ère Moubarak. C’est ce qu’affirme le politologue Yousri Al-Azabawi, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Il pense plutôt que la relation entre le pouvoir et les hommes d’affaires n’est pas très bonne. « La preuve est que jusqu’à présent, on ne peut pas parler d’une action sérieuse de la part des hommes d’affaires au niveau des projets nationaux. Il faut attendre pour voir comment cette relation va évoluer et quelles seront les lois qui sortiront de ces commissions parlementaires avant de parler d’une quelconque influence des hommes d’affaires », conclut-il.

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