Samedi 30 avril, le bureau de la poste centrale d’Al-Ataba, au centre du Caire, ouvre ses portes pour accueillir une foule de citoyens. Là, des hommes, femmes, jeunes et moins jeunes sont venus s’enquérir sur les nouveaux logements annoncés par le gouvernement. Il s’agit de 500 000 appartements dans 24 villes et 27 gouvernorats, au prix modique de 154 000 L.E. pour les personnes à faibles revenus. Depuis le 23 avril, et jusqu’au 3 mai, le ministère distribue, dans les bureaux de poste à travers tout le pays, des brochures expliquant les conditions d’éligibilité à ces logements.
Une multitude de personnes sont venues retirer leurs dossiers avec l’espoir d’obtenir un appartement. Tout le monde a pris un ticket à l’entrée du bureau, et chacun attend patiemment son tour. Sur les murs du bureau sont affichés les dates de réservation et l’emplacement des unités dans tous les gouvernorats, ainsi que les conditions à remplir par le demandeur pour obtenir un appartement. Derrière les guichets, les employés reçoivent 50 L.E. de frais de retrait de dossier, le numéro de la carte d’identité du demandeur et son numéro de portable.
Il est 10 heures du matin, une femme âgée de 60 ans vient retirer une brochure pour son fils. « J’ai pris mon numéro et je ne sais pas ce que je dois faire maintenant. Je suis ici pour faire la demande d’un appartement pour mon fils Ahmad qui est marié depuis 4 ans et qui vit avec nous, parce qu’il n’a pas d’appartement », raconte la dame qui ne sait ni lire ni écrire. « Ce n’est pas la première fois qu’on fait une demande pour obtenir un logement par le biais du ministère. Au mois de novembre dernier, Ahmad avait réservé un appartement et avait payé un dépôt de 5 000 L.E., mais son dossier a été refusé car ses documents n’étaient pas complets. Il travaille dans une usine à la ville du 10 de Ramadan et a 2 enfants. Cette fois je viens toute seule car mon fils a perdu espoir. Je prie Dieu pour qu’on lui accorde un appartement », ajoute Oum Ahmad, dont le regard est plein d’inquiétude. Iman, une femme de 34 ans, est inquiète depuis qu’elle a su que la priorité est donnée aux couples et aux veuves, sachant qu’elle n’est pas mariée. « Mon amie Noura m’a encouragée à venir, car elle a réussi à obtenir un appartement, et comme moi, elle n’est pas mariée. J’ai besoin d’un appartement et je peux payer car je suis institutrice », souligne Iman. Quand son tour vient l’employé lui annonce qu’elle remplit les conditions requises pour obtenir un logement, elle s’en va rassurée. Pour Sayed Saïd, un jeune homme de 30 ans, ce projet est une aubaine. « Payer 350 L.E. par mois pour accéder à un appartement ce n’est vraiment pas beaucoup, mais le plus important pour moi c’est de vivre dans un vrai appartement et dans un environnement propre », raconte Sayed, qui a quitté son gouvernorat de Qalioubiya il y a 5 ans, pour travailler comme chauffeur à Madinet Nasr. « J’habite à Choubra Al-Kheima, dans un mauvais environnement, et j’ai besoin de me marier, ce projet va résoudre tous mes problèmes », espère Sayed.
Echelonnée sur 20 ans
Les heureux élus doivent, jusqu’au 31 mai, payer 9 000 L.E. de dépôt pour réserver, et 125 L.E. de frais administratifs. Selon le ministère du Logement, le prix de l’unité est d’environ 154 000 L.E., et le paiement de l’apport est échelonné sur 3 ans moyennant des versements trimestriels de 4 000 L.E. à partir du 1er septembre 2016. Le reste de la somme est échelonné sur 20 ans à raison de 350 L.E. par mois avec une augmentation annuelle de 7 %. Enfin, il faut payer 5 % de la valeur de l’unité comme dépôt de garantie dès que l’accord est conclu. Pour la mère de Noha, femme de 55 ans, la vie n’est pas rose, car l’employé a refusé sa demande. « Ma fille Noha est divorcée et a un enfant, je suis venue demander un appartement pour elle, mais ils ont refusé parce qu’elle ne travaille pas et qu’elle est encore étudiante. Réserver un appartement à mon nom m’a également été refusé parce que j’ai plus de 50 ans », déplore la mère de Noha. En effet, les conditions d’accès à ce logement sont strictes : le demandeur ne doit pas avoir moins de 21 ans et pas plus de 50 ans à la date de la demande. Il doit aussi avoir un faible revenu, son salaire mensuel doit être compris entre 1 000 et 3 500 L.E. pour un couple, et 2 500 L.E. pour les célibataires. Selon les chiffres de la poste nationale, 265 000 dossiers ont été retirés durant les 5 premiers jours dans 700 bureaux de poste.
Nadia, une veuve de 40 ans, a 3 enfants et travaille dans une garderie. « J’ai tout sacrifié pour payer la somme requise pour la réservation, car mon salaire est seulement de 1 200 L.E. J’ai été obligée d’emprunter 4 000 L.E. à mes collègues pour payer la réservation. Mais la dernière fois, le dépôt était de 5 000 L.E., aujourd’hui il est de 9 000 L.E. Pourquoi cette augmentation? », demande Nadia. En juillet dernier, le ministère du Logement avait présenté 30 000 logements dans un certain nombre de nouvelles villes, où la réservation était de 5 000 L.E. et le prix de l’unité était de 135 000 L.E.
Pas le premier
Ce n’est donc pas le premier projet de logement destiné aux personnes à faibles revenus. En 2005, Ebni Beitak (construit ta maison), un autre projet, proposait aux jeunes dont les revenus mensuels étaient inférieurs à 1 000 L.E. des terrains de 150 m2 dans les villes nouvelles du 6 Octobre, Cheikh Zayed, Al-Chourouq et la cité du 10 de Ramadan, pour de petites maisons de 63 mètres carrés, entourées d’un jardin. L’Etat avait fourni à ces jeunes une aide financière de 15 000 L.E. En 2011, un autre projet de construction d’un million de logements avait été conclu entre l’armée et la société émiratie Arabtec, dans les villes du 6 Octobre, Al-Obour et Badr, ainsi qu'Alexandrie, Fayoum, Ménoufiya, Béni-Soueif, Minya, Assiout, Louqsor, Qéna et Sohag, avec des prix compris entre 110 000 et 130 000 L.E. Pour l’ancien doyen de la faculté de planification urbaine, Samah Al-Alayli, les précédents gouvernements avaient lancé plusieurs initiatives similaires, mais l’échec est resté le dénominateur commun à tous ces projets. « La raison principale est que ces logements sont très souvent situés dans des lieux éloignés dans les villes nouvelles et sans véritables services. Les responsables doivent comprendre que le logement n’est pas seulement quatre murs, mais qu’il est nécessaire de le lier aux lieux de travail des citoyens. Le ministère construit des unités de logement au milieu de nulle part, et ses habitants sont forcés de parcourir des dizaines de kilomètres pour aller et rentrer du travail », explique l’urbaniste Al-Alayli. L’urbaniste Medhat Al-Chazly semble plus optimiste, et estime que ce projet se distingue des précédents projets. « Le projet offre un bon niveau de logement, d’une superficie de 90 m2 avec 3 chambres, un salon, une cuisine et une salle de bains. Le prix unitaire annoncé est réaliste. Pour achever le projet, l’Etat va installer le reste des services nécessaires comme l’eau, l’électricité, le gaz et le pavage des routes », explique-t-il. Il ajoute que l’Etat est contraint de mettre en place ces projets de logement éloignés dans les villes nouvelles, car il n’y a plus de place dans les villes. « Les précédents projets, tels que les logements de Moubarak et le logement des jeunes, avaient des lacunes, notamment le manque de services, de réseau de transport reliant les nouveaux logements aux villes », explique-t-il. « Il faut avouer que le dossier des logements est un processus compliqué car nous sommes un pays pauvre qui souffre d’une forte croissance démographique et de ressources limitées. Une équation difficile à résoudre », conclut-il.
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