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Le Caire se mobilise

Chaïmaa Abdel-Hamid et Gamila El-Tawila, Mardi, 03 mai 2016

Après la mort de deux Egyptiens dans des conditions suspectes, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le Parquet général annonce l'ouverture d'une enquête pour élucider les circonstances de leur décès.

Le Caire se mobilise

L 'Egypte a décidé d’ouvrir une enquête après le meurtre de deux Egyptiens cette semaine dans des circonstances suspectes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le premier est Mohamad Mahmoud Rouchdy, retrouvé mort cette semaine dans une benne à ordures dans l’Etat américain d’Indiana. Il avait disparu le 20 avril, avant que son corps ne soit découvert, portant des traces de torture. Le second est l’Egypto-britannique Chérif Adel Habib, décé­dé plus tôt cette semaine dans l’incendie d’un parking à South Hall à Londres.

Le Parquet général a envoyé un mémoran­dum aux autorités judiciaires des deux pays pour demander une copie des enquêtes en cours et les détails des investigations, ainsi que les rapports médico-légaux qui se rapportent aux deux victimes.

Selon une déclaration de l’ambassade britan­nique au Caire, l’enquête sur la mort de Habib est actuellement en cours par la police métro­politaine de Londres. Son décès est toujours « inexpliquée à ce stade de l’enquête », a affirmé la police britannique en réponse à un communiqué de la présidence égyptienne qui demandait aux autorités britanniques d’intensi­fier l’enquête et les efforts afin de « clarifier les circonstances de la mort de Habib, et d’identifier les auteurs pour les arrêter et les condamner en vertu de la loi ». La présidence a affirmé « sa profonde tristesse pour le meurtre du citoyen égyptien tué dans la ban­lieue de Londres » et exprimé « ses sincères condoléances à sa famille ».

Le consulat général d’Egypte à Londres a été chargé de suivre de près l’enquête sur le meurtre du ressortissant égyptien, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étran­gères, le conseiller Ahmad Abou-Zeid. Concernant l’affaire Rouchdy, Abou-Zeid a déclaré dans un autre communiqué qu’après avoir contacté le consulat général à Chicago, le consul égyptien s’est rendu dans l’Indiana pour « être au courant des détails de l’enquête ». Parallèlement, le ministère des Affaires étran­gères a convoqué le chargé de la section consu­laire de l’ambassade américaine au Caire pour insister sur l’importance d’une enquête « rapide et transparente » pour identifier les auteurs de cet incident tragique.

Débat sous la coupole

Les deux incidents ont très rapidement été suivis et commentés en Egypte sur les réseaux sociaux, mais aussi sous la coupole du parle­ment. En effet, la mort des deux Egyptiens fait suite à l’assassinat, en Egypte, de l’étu­diant italien Giulio Regeni enlevé dans la capitale le 25 janvier et retrouvé mort neuf jours plus tard dans un fossé, le corps portant les stigmates d’épouvantables tortures. L’affaire a porté un coup sévère aux relations entre l’Egypte et l’Italie. Cette dernière fait pression sur Le Caire en vue d’accélérer l’en­quête sur cette affaire qui date maintenant de trois mois. Certains députés sont immédiate­ment montés au créneau réclamant une action ferme de la part de l’Egypte. « Beaucoup de pays se sont dressés contre l’Egypte après le meurtre de Regeni, et jusqu’à maintenant, ces pressions n’ont pas pris fin. Nous devons faire de même », affirme Moustapha Bakri, membre du Conseil des députés. Et d’ajou­ter : « Les Egyptiens sont devenus des cibles à l’étranger. Après les décès de Chérif Habib à Londres et de Mohamad Rouchdy aux Etats-Unis, nous devons répondre avec force à ces deux pays et les obliger à présenter les détails des investigations et à dévoiler l’iden­tité des assassins et les raisons des crimes ». Bakri propose qu’une délégation égyptienne se rende en Angleterre et aux Etats-Unis pour suivre le déroulement de l’enquête. « L’Egypte a récemment permis à une délé­gation sécuritaire et juridique italienne de visiter l’Egypte, pour suivre l’enquête sur la mort du jeune Italien », dit-il.

Mais d’autres députés comme l’indépen­dant, Haissam Al-Hariri, voient les choses autrement. Pour ce dernier, il est clair que l’attitude du gouvernement égyptien face à la mort des deux citoyens vise à riposter aux pressions dans l’affaire Regeni. « Suivre le déroulement de l’enquête dans ces deux crimes pour connaître les coupables et s’as­surer que le droit pénal est appliqué est certes une bonne chose, mais le gouverne­ment doit faire la même chose en Egypte où des citoyens meurent aussi sans que les cou­pables soient jamais condamnés », affirme Al-Hariri. Et d’ajouter : « Il existe des cen­taines de milliers d’Egyptiens qui travaillent à l’étranger dont les droits sont souvent bafoués et personne ne les a défendus. On essaie seulement de riposter aux pressions dans l’affaire Regeni ». D’autres députés, comme l’indépendant Mohamad Abou-Hamed, membre de la coalition Daem Misr, sont plus mesurés dans leur réaction. « Nous devons attendre la fin des investigations et connaître les coupables. Il faut traiter cette affaire indépendamment de l’affaire Regeni ».

L’affaire Regeni est au centre d’un vif débat en Egypte depuis quelques mois. Une déléga­tion juridique et sécuritaire égyptienne s’est rendue récemment à Rome pour remettre aux autorités italiennes un rapport sur l’enquête en cours sur le meurtre du jeune Italien. Mais Le Caire a refusé de remettre à Rome les relevés de conversations téléphoniques de l’étudiant, car cela est en contradiction avec la Constitution égyptienne. Le politologue Yousri Al-Azabawi, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, pense que la mort des deux citoyens égyptiens ne doit pas prendre une dimension politique. « Ces affaires doivent rester dans le cadre stricte­ment pénal. Je pense que nous devons tra­vailler sur des accords bilatéraux ou multila­téraux portant sur la coopération dans les enquêtes judiciaires ou sur l’échange d’infor­mations pénales avec les autres pays », conclut Al-Azabawi.

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