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La hausse des factures passe mal

Ola Hamdi, Mardi, 19 avril 2016

Les Egyptiens réclament, par une campagne sur les réseaux sociaux, la réduction des prix de l'électricité, de l'eau et du gaz. De quoi pousser certains députés à faire pression sur le gouvernement.

La hausse des factures passe mal
Les gens se plaignent des factures coûteuses en eau, électricité et gaz.

E msek fatoura (attrape la facture), c’est le hashtag d’une campagne lancée sur Facebook qui réunit déjà plus de 11 000 citoyens. Tous se plaignent des factures coûteuses en eau, électricité et gaz. L’histoire commence quand le fondateur de la page Facebook, Ahmad Fathi, publie ses factures. Rapidement, il attire quelques influents utilisateurs des réseaux sociaux qui partagent alors sa page et encouragent les gens à poster leurs factures sur la page accompagnée du hashtag Emsek fatoura, en les comparant avec leurs anciennes factures. Le hashtag a alors rapidement circulé sur tous les réseaux sociaux. « Nous n’incitons pas les gens à ne pas payer leurs factures, et nous ne visons pas à créer des troubles. Notre but est de déclarer nos souffrances et de protéger nos droits contre la vague d’augmentations injustifiées des prix, dont le citoyen est le seul à payer le prix au quotidien », indique Ahmad Fathi. Il ajoute que les salaires sont les mêmes, alors que les hausses des prix sont imparables. « Comment une personne lambda peut-elle joindre les deux bouts ? Notre campagne continuera jusqu’à ce qu’ils réduisent les prix des services publics. Les pauvres ne doivent pas payer le prix de l’augmentation du dollar ! », lâche Fathi. Parmi les participants de la campagne, Mohamad Osman a publié ses factures d’électricité, multipliées par trois, sans avoir augmenté sa consommation. « J’ai pris la décision de ne pas payer la facture d’électricité qui atteint 450 L.E. Comment puis-je les payer avec toutes mes autres dépenses, surtout les cours privés de mes 4 enfants ? », demande Osman, un employé. Ahmad Moustapha Abdel-Aziz, commerçant, ne peut pas payer la facture d’électricité de sa boutique qui a atteint 638,70 L.E. « Depuis deux mois, personne n’est venu pour relever le compteur, ce qui a conduit, avec l’augmentation du prix de l’électricité, à une facture exorbitante. Avec ma boutique, je ne parviens pas à faire 600 L.E. de bénéfices par mois alors comment faire pour payer cette somme ? », s’inquiète Abdel-Aziz.

Des témoignages qui reflètent la détresse de millions de citoyens qui souffrent des récentes augmentations prévues par le plan quinquennal. Annoncé en 2014 par le gouvernement pour réduire les subventions sur l’électricité, il a été élargi récemment aux subventions sur les services publics et vise à réduire le déficit budgétaire de l’Etat.

Du côté de l’Etat, le porte-parole du ministère de l’Electricité, Mohamad Al-Yamani, a déclaré que le ministère suit la campagne de près. Tout en reconnaissant les erreurs possibles dans certaines factures, il nie l’augmentation des prix de l’électricité. Al-Yamani encourage les citoyens qui estiment avoir reçu des factures qui ne reflètent pas leurs habitudes de consommation à déposer des plaintes afin que le ministère puisse les corriger. « Il y a 32 millions d’abonnés, et une erreur d’un pour cent affecte 32 000 personnes, donc des erreurs se produisent en raison de multiples raisons telles que les mauvaises lectures des compteurs, les vieux compteurs qui nécessitent le remplacement, et parfois des cumuls de factures », déclare Al-Yamani. Des propos contraires aux déclarations du ministère de l’Electricité datant de novembre 2014, expliquant que le gouvernement avait élaboré un plan consistant à supprimer progressivement les subventions sur l’électricité dans les cinq ans à venir. Quant à l’eau, la Compagnie de l’eau potable avait annoncé en janvier dernier, dans un communiqué de presse, que les prix de l’eau augmenteraient de 25 % début mars.

Les députés s’engagent

Le député Haissam Al-Hariri, qui suit la campagne de près, a déposé une demande d’information au premier ministre sur les augmentations des factures d’électricité, d’eau et de gaz. Dans sa requête, Al-Hariri décrit les augmentations comme inacceptables et injustifiables. « Cette requête ne vise pas à un retrait pur et simple de ces augmentations, mais, au moins, à faire réfléchir le gouvernement sur le bien-fondé de ces mesures ainsi qu'à porter le mécontentement des citoyens devant le gouvernement », explique-t-il. Et d’ajouter : « L’Etat prive les pauvres de subventions et favorise les riches. Les décisions difficiles dont le gouvernement avait parlé pour redresser le pays ne ciblent que les pauvres. Nous savons très bien que nous sommes dans une crise économique. Nous devons être solidaires face à la crise, car le citoyen souffre avec ces factures. Le gouvernement, paradoxalement, baisse le prix du gaz pour les hommes d’affaires et les sociétés sidérurgiques ! ». Selon Al-Hariri, l’Etat mène une politique socialiste avec les hommes d’affaires, et capitaliste avec les citoyens. « Je souhaite le succès de cette campagne, et j’aimerais que l’Etat corrige ses erreurs en retrouvant son rôle social envers les citoyens. Si le gouvernement continue avec cette approche, l’équilibre social déjà fragile risque de s’effondrer, surtout que le citoyen ne sent pas d’amélioration des conditions économiques », avertit Al-Hariri. Le mois dernier, le gouvernement a réduit le prix du gaz de 36 % pour les fabricants d’acier et de fer. Cette décision a eu un effet immédiat sur le premier producteur d’acier Ahmad Ezz, dont les actions ont bondi de 20 % avant l’augmentation du prix du fer. Selon un récent rapport de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels, le gouvernement a réduit les prix de l’énergie pour l’industrie d’un tiers en 2015-2016, tout en augmentant les prix de l’électricité pour les ménages d’environ 22 % sur la plupart des tranches de revenus, y compris les familles à faible revenu. « Pourquoi subventionner les entreprises rentables et réduire les subventions gouvernementales sur les consommations domestiques non lucratives ? », interroge le rapport.

Les responsables ont insisté plusieurs fois sur le fait que les mesures d’austérité ne sont pas appliquées aux pauvres, qui constituent 26 % de la population, selon le Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD). Pour Saïd Abdel-Al, chef du parti du Rassemblement, « le gouvernement n’a hélas pas d’autre choix pour combler le déficit budgétaire que d’imposer de nouvelles taxes et d’augmenter les factures d’électricité, d’eau et de gaz, mais pourquoi faire peser cela sur les citoyens ? ». Pour le député Hussein Al-Naggar, l’indignation croissante face à la hausse des factures de services publics est le reflet d’une méfiance généralisée envers le gouvernement. « Beaucoup de gens sont en train de saboter leurs compteurs d’électricité parce qu’ils sont convaincus que le gouvernement est déterminé à faire respecter ces nouvelles mesures. L’Etat doit réagir face au mécontentement », prévient-il. Un certain nombre de députés affirment que la hausse des prix sera la prochaine bataille entre les députés et le gouvernement. Affaire à suivre.

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