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La problématique de Tiran et Sanafir

Heba Zaghloul , Heba Zaghloul , Heba Zaghloul , Mardi, 12 avril 2016

Le gouvernement a annoncé, samedi, que les deux îles de Tiran et de Sanafir dans le golfe de Aqaba font partie des eaux territoriales saoudiennes, provoquant un vif débat.

La problématique de Tiran et Sanafir

Tiran et Sanafir, les deux îles situées à l’extrémité du golfe de Aqaba entre le Sinaï et l’Arabie saoudite ne sont plus égyptiennes, mais saoudiennes. C’est ce qu’a déclaré le cabinet ministériel le samedi 9 avril. Selon un communi­qué du gouvernement, cette décision est le résultat d’un accord sur la déli­mitation des frontières maritimes, signé cette semaine entre l’Egypte et l’Arabie saoudite durant la visite du roi Salman, après six ans de négocia­tions. Elle serait également basée sur le décret présidentiel numéro 27 datant de 1990 qui établit les bases de la délimitation de la zone mari­time et de la zone économique et dans lequel les deux îles figurent hors des frontières maritimes égyp­tiennes. Le communiqué affirme que Tiran et Sanafir sont des îles saou­diennes, mais qui étaient sous admi­nistration égyptienne depuis 1950. Le roi Abdel-Aziz avait alors deman­dé, à l’époque, à l’Egypte, de proté­ger les îles après la première guerre israélo-arabe de 1948. « Il y a une grande différence entre exercer une souveraineté et exercer un rôle admi­nistratif. Si ces îles sont saoudiennes et que l’Egypte avait juste un rôle administratif, il n’y a pas de renon­ciation à la souveraineté de la part de l’Egypte, mais un retour des îles à leurs propriétaires », explique Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. « Ces îles sont stratégiques. D’ailleurs, en 1967, lorsque l’Egypte avait fermé le détroit de Tiran, seule issue pour les navires israéliens, Israël avait utilisé cette fermeture comme prétexte pour déclencher la guerre ». Le problème, selon lui, est que le golfe de Aqaba est très res­treint. « Les deux pays ne peuvent pas avoir les 12 miles marins prévus dans le droit international. les déli­mitations sont donc plus compli­quées », poursuit-il.

Egyptiennes ou saoudiennes ?

Mais ces arguments ne font pas l’unanimité. La déclaration du gou­vernement a provoqué un véritable tollé et engendré un vif débat sur les réseaux sociaux et les médias. Car pour certains, ces îles sont bel et bien égyptiennes et les céder serait, selon eux, renoncer à une partie de la souveraineté égyptienne. Certains sont même allés jusqu’à accuser le gouvernement de les avoir vendues. Selon eux, la convention de Londres de 1840 considère les îles comme égyptiennes. De même, la délimita­tion des frontières signée par la Grande-Bretagne et l’Empire otto­man place les îles à l’intérieur des frontières maritimes égyptiennes. Selon ce point de vue, le fait que l’Egypte ait accepté de protéger les îles en 1950, n’est ni une preuve de sa renonciation à la souveraineté envers les îles, ni une reconnais­sance des revendications saou­diennes. Et depuis 1950, l’Egypte n’a pas cessé d’exercer sa souverai­neté de facto. Selon Mohamad Farahat, professeur de droit constitu­tionnel à l’université de Zagazig, cette question relève de la souverai­neté et donc « il n’appartient ni au gouvernement ni au parlement de prendre une telle décision. Selon l’article 151 de la Constitution, tout ce qui concerne la souveraineté devrait être soumis à un référendum, et s’il est approuvé, il devra être présenté au parlement. Mais il faut d’abord un référendum », estime Farahat. Mais là encore, les opinions divergent sur le statut des îles qui était confus avant 1950. Selon Assem Al-Dessouky, professeur d’histoire contemporaine à l’Univer­sité de Hélouan, Tiran et Sanafir étaient rattachées au Royaume du Hijaz, qui a ensuite fait partie de l’Arabie saoudite lors de sa création en 1932, avant de les céder a l’Egypte en 1950. « Il y a aussi des cartes qui datent de 1900, qui pla­cent les îles hors des frontières mari­times égyptiennes », explique Hicham Mourad. Les îles ont été occupées par Israël de 1967 à 1982 et font partie de la zone C, selon les accords de paix égypto-israéliens. « L’Arabie saoudite a fait de nom­breuses demandes pour essayer de récupérer les îles », ajoute Mourad. D’ailleurs, le gouvernement a dévoilé, il y a quelques jours, un document envoyé en 1990 par Esmat Abdel-Méguid, alors ministre des Affaires étrangères et son homolo­gue saoudien Saoud Al-Faïçal au sujet des îles. Mais la question qui se pose est : pourquoi l’Egypte a atten­du tant d’années pour faire cette reconnaissance ? « Il y a un projet de construction d’un pont entre l’Ara­bie saoudite et l’Egypte qui exige que les frontières maritimes soient délimitées. De plus, le contexte actuel et le rapprochement entre les deux pays ont permis une telle démarche », répond Mourad.

Egyptiennes ou saoudiennes ? Quelle que soit la souveraineté, c’est le manque de transparence dans cette affaire qui est remis en cause. C’est ce qu’affirme un avocat égyptien de droit international qui a requis l’ano­nymat. Selon lui, ce débat est « absurde si on n’a pas toutes les informations ». A son avis, le gou­vernement doit publier « un livre blanc », avec tous les documents historiques et officiels sur cette ques­tion. « Le pourquoi et le comment doivent être expliqués au peuple égyptien. C’est le manque de trans­parence dans cette affaire qui a sou­levé la polémique. D’ailleurs, nous n’avons pas vu l’accord et tant qu’il n’a pas été dévoilé, ce débat n’a pas lieu d’être », conclut-il.

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