Le roi Salman vient pour renforcer la lutte contre le terrorisme et la sécurité régionale.
(Photo : AP)
« Une visite historique ». C’est ainsi qu’a été qualifiée la visite tant attendue du souverain saoudien, ce jeudi, au Caire. Une visite dont l’importance est primordiale, d’abord du point de vue économique, vu qu’un certain nombre d’accords devraient être signés. Riyad avait effectivement promis à l’Egypte un investissement qui s’élève à 8 milliards d’euros ainsi qu’une aide pétrolière pendant 5 ans. Si cette aide se concrétise, elle soutiendrait l’Egypte dans sa période de crise. Mais l’enjeu de cette visite est avant tout politique. Selon les déclarations officielles des deux pays, elle a pour but de renforcer la lutte contre le terrorisme et de renforcer la sécurité régionale. Plus encore : «
Cette visite dément tous ceux qui prétendaient — soit par ignorance ou parce qu’ils sont mal intentionnés — que les relations entre les deux pays sont mal en point », estime une source diplomatique égyptienne qui a requis l’anonymat, faisant allusion aux médias dans les deux pays qui parlaient de «
malaise » et de «
fracture » dans les relations bilatérales, mettant ainsi en doute l’aboutissement de l’aide saoudienne, voire même la tenue de la visite du roi.
Entre désaccords et intérêts
Avec l’intensification des conflits régionaux, un certain nombre de divergences est effectivement apparu entre les deux pays, concernant les alliances et les stratégies à adopter face aux différentes crises. L’Arabie saoudite, qui considère l’Iran comme son principal ennemi, cherche avant tout à contrecarrer l’influence de ce dernier. Elle accuse Téhéran, qui soutient les minorités chiites dans la région, d’être à l’origine des conflits régionaux. Pour ce, Riyad a déployé des efforts pour créer un front sunnite, quitte à se rapprocher du Hamas et d’Ankara. Deux acteurs avec lesquels l’Egypte est en froid à cause de leur soutien aux Frères musulmans. Après le départ de Morsi en juin 2013, Riyad avait soutenu le président Sissi et classé les Frères musulmans comme organisation terroriste. Mais la montée de l’influence iranienne dans la région, et l’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les Etats-Unis, semblent avoir changé la donne. Et c’est pour ces mêmes raisons que Riyad cherche à se débarrasser du régime syrien, principal allié de l’Iran, faisant du départ de Bachar Al-Assad une précondition à tout règlement de la crise syrienne. Un point de vue que l’Egypte ne partage pas. Car selon Le Caire, le règlement de la crise ne pourrait aboutir que par la voix diplomatique et une solution militaire serait vouée à l’échec.
« Le groupe du Caire », une coalition d’opposants syriens, toutes tendances politiques confondues, qui se rencontraient au Caire et qui soutenaient une solution diplomatique, a été largement ignoré, lors de la formation à Riyad, de la délégation d’oppositions syriens chargée de mener les négociations à Genève. Car Riyad soutient une solution militaire au conflit et n’a pas hésité à déclarer, en février dernier, son intention d’envoyer en Syrie des troupes au sol, dans le cadre de la coalition antiterroriste qu’il a créée. Or, Le Caire, membre de cette coalition, voit les choses autrement. Selon lui, une telle intervention en Syrie ne ferait pas partie des objectifs pour lesquels la coalition a été créée. Il y a aussi le conflit au Yémen. Bien que l’Egypte fasse partie de la coalition formée par Riyad pour faire face aux Houthis, factions chiites soutenues par l’Iran, l’intervention égyptienne reste limitée, contrairement à ce que souhaiterait Riyad. L’Arabie saoudite, de son côté, a augmenté ses investissements au Soudan (qui combat à ses côtés Yémen), dans le secteur agricole et dans la construction de barrages. Ce qui risque de nuire aux quotas en eau de l’Egypte.
Booster la coopération
Or, selon la source diplomatique, avoir des points de vue différents n’a rien d’exceptionnel, tout le contraire, « rien de plus normal », surtout lorsque ces questions sont discutées « en toute transparence comme c’est le cas entre les deux pays ». Elle explique que la visite du roi saoudien en Egypte est le résultat d’efforts intenses déployés par les deux pays, notamment à travers différents mécanismes, comme le Conseil de Coordination égypto-saoudien. Selon lui, cette visite va donc booster davantage la coopération qui est déjà existante et ne peut être que positive. « Même dans les alliances les plus fortes, on ne peut pas être à 100 % d’accord sur toutes les questions. Avoir des points de vue différents ne remet pas en cause l’alliance entre les deux pays qui est à la fois solide et stratégique », assure le diplomate. Car se focaliser uniquement sur les désaccords serait erroné dans le sens où cela reviendrait à ignorer les points de convergence qui existent notamment sur des questions fondamentales, comme la lutte contre le terrorisme et la sécurité régionale. Le ministre égyptien de la Défense s’est d’ailleurs récemment rendu en Arabie saoudite pour assister à des manoeuvres militaires, signe d’une entente égypto-saoudienne dans ce domaine. Car une chose est sûre : les deux pays font face aux mêmes défis. Il y a d’une part les menaces externes avec la propagation des conflits et des groupes radicaux dans la région. Et d’autre part, les menaces internes, à savoir les attaques terroristes qui ciblent les deux pays. Ils ont comme objectif commun le maintien de la sécurité et de la stabilité de leurs pays et de la région, une alliance entre les deux pays s’avère donc être une nécessité. « L’Egypte et l’Arabie saoudite ont besoin l’un de l’autre en dépit des divergences », conclut une autre source diplomatique anonyme. Plus qu’une simple alliance stratégique, c’est une question de survie.
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