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Zind, l’erreur de trop

May Al-Maghrabi, Mardi, 15 mars 2016

Le très controversé ministre de la Justice, Ahmad Al-Zind, a été limogé suite à des propos jugés blasphématoires.

« Je suis prêt à emprisonner même un pro­phète s’il le fallait ». C’est cette déclaration jugée choquante du ministre de la Justice, Ahmad Al-Zind, qui lui a coûté son poste. Tout a commencé vendredi soir, sur le plateau de la chaîne de télévision privée Sada Al-Balad, un présentateur lui demandait s’il était prêt à faire emprisonner sept journalistes qui l’auraient diffamé. « Je le ferais même s’il s’agissait du prophète, que Dieu lui accorde sa grâce et sa paix, (une révérence qui ne se réfère qu’au prophète Mohamad) », a-t-il prestement rétorqué, avant de dire précipitam­ment : « Je demande à Dieu de me pardon­ner ».

Des déclarations qui ne passent pas. Aussitôt après, Al-Azhar, plus haute institution sun­nite, a émis un avertissement qui, certes, ne cite pas explicitement Zind, mais exige de « respecter le nom du prophète dans les dis­cours publics et les médias, et d’éviter toute insulte à son égard, même non intention­nelle ». Et, au-delà de la réaction d’Al-Azhar, les déclarations du désormais ex-ministre de la Justice ont déclenché une vague de protes­tations sur les réseaux sociaux. Sur Twitter et Facebook, les critiques se sont enflammées, tout comme les appels à sa destitution et à une poursuite judiciaire à l’encontre de Zind. Un hashtag « Un procès pour Zind » en arabe a même fait fureur.

Pourtant, l’ex-ministre a tenté, au lende­main de son intervention fulgurante, de cal­mer les esprits et de s’excuser indirectement. « Je m’exprimais dans un sens général, mais les Frères musulmans ont sauté sur l’occa­sion. Je demande à Dieu de me pardonner », a-t-il tenté de se justifier lors d’une interview téléphonique avec une autre chaîne, CBC.

Des excuses loin d’apaiser le tollé qu’ont provoqué ses déclarations ni de convaincre le premier ministre qui a décidé de le destituer, dimanche soir, sans pour autant commenter l’affaire. Mais tout comme ses déclarations, la destitution de Zind est, elle aussi, controver­sée. Indigné, le Club des juges s’est réuni d’urgence lundi pour contester le limogeage de Zind et décider des mesures à prendre contre cette décision. Mohamad Abdou Saleh, secrétaire du Club des juges, a déclaré que le Club étudierait la légalité de cette décision et les mesures à prendre pour l’annuler. Selon certaines informations, la présidence devrait se prononcer sur cette affaire.

Des antécédents qui dérangent

Nommé en mai 2015 ministre de la Justice, Ahmad Al-Zind a été toujours une personna­lité controversée connue pour ses déclarations incendiaires. L’on retiendra surtout celle-là : « Nous (ndrl : le corps judiciaire) sommes les seigneurs et les autres sont des esclaves ». Ennemi farouche des Frères musulmans, Zind avait aussi déclaré le 28 janvier dernier qu’il ne serait « pas satisfait tant que 10 000 Frères musulmans ne seraient pas tués » pour chaque membre des forces de sécurité ayant péri dans un attentat. Human Rights Watch avait immé­diatement accusé ce « haut responsable du gouvernement en charge de faire respecter l’Etat de droit d’appeler au massacre ».

Autant de prises de positions pour le moins qu’on puisse dire exagérées, qui pourraient être derrière son limogeage. Mais cette fois-ci, Zind a touché au sacro-saint tabou religieux. Accusé de blasphème, Zind risque aussi d’être traduit en justice. Le conseiller Hamdi Al-Chiwi, ancien responsable au Conseil d’Etat, a intenté un procès contre lui l’accu­sant d’atteinte au prophète Mohamad. Au-delà de ce débat, c’est le crime même de blas­phème qui est en débat. Certains appellent à son annulation, alors que d’autres y voient une protection pour la religion qui ne doit pas faire l’objet de blasphème.

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