
Hamas a entraîné les auteurs de l'attentat contre Barakat, a assuré Magdi Abdel-Ghaffar.
(Photo : AFP)
Dimanche 6 mars, le ministre de l’Intérieur, Magdi Abdel-Ghaffar, a accusé le mouvement palestinien Hamas d’être impliqué dans l’attentat qui a coûté la vie au procureur général Hicham Barakat, en juin 2015. Il a par ailleurs accusé les Frères musulmans d’avoir commandité et exécuté cette attaque à la voiture piégée. Quarante-huit membres des Frères musulmans ont été arrêtés, dont 14 ont avoué avoir participé directement à l’attentat, selon le ministre. Pour étayer ses accusations, il a diffusé une vidéo, où plusieurs jeunes déclarant appartenir à la confrérie des Frères musulmans affirment avoir commis l’attentat contre le procureur général. Selon leur récit, l’attentat avait été commandité à partir de la Turquie par Yéhia Moussa, porte-parole du ministère de la Santé en 2012 sous l’ancien président islamiste Mohamad Morsi. Les auteurs de l’attentat, des étudiants à l’université islamique d’Al-Azhar, indiquent avoir été entraînés à Gaza par des membres du Hamas. Ces derniers les auraient familiarisés aux techniques de la voiture piégée, avant qu’ils ne rentrent au Caire pour exécuter l’attentat contre celui qu’ils jugeaient responsable de la condamnation à mort de centaines de Frères musulmans. Le Hamas a donc participé à la planification de l’attentat et à l’entraînement de ceux qui l’ont exécuté. «
Ce complot a été exécuté sur ordre des Frères musulmans, en étroite coordination avec le Hamas qui a joué un rôle important dans l’assassinat du Procureur général et a supervisé l’opération du début à la fin », a assuré le ministre. Il a ajouté que l’Egypte prendra «
les mesures adéquates à l’égard du Hamas ». L’attentat contre Hicham Barakat remonte au 29 juin 2015, lorsqu’une voiture piégée avait explosé au Caire au passage de son convoi. Barakat avait succombé à ses blessures à l’hôpital. Nommé après la destitution du président islamiste Mohamad Morsi, Barakat avait déferré devant des tribunaux un grand nombre de Frères musulmans accusés de terrorisme et dont des centaines ont ensuite été condamnés à mort.
Une organisation terroriste
En réaction aux propos du ministre, le mouvement Hamas s’est dit « choqué ». Khaled Al-Batch, cadre du Hamas, a affirmé que « la bande de Gaza est choquée par ces accusations infondées. Le Hamas s’est engagé à ne pas s’ingérer dans les affaires internes de l’Egypte », a déclaré Al-Batch. Il se demande dans l’intérêt de qui on défigure le mouvement Hamas.
Les relations entre l’Egypte le Hamas s’étaient nettement dégradées en 2013 après l’éviction de Mohamad Morsi. L’Egypte a accusé le Hamas de soutenir les Frères musulmans, classés organisation terroriste, et d’apporter argent et armes à travers les tunnels de contrebande entre le Sinaï et Gaza, aux groupes terroristes. La justice avait classé le mouvement Hamas organisation terroriste, peu après que la confrérie des Frères musulmans ne soit également déclarée organisation terroriste. Mais dans un geste d’apaisement, le Parquet général égyptien avait présenté un recours contre ce verdict, laissant prévoir une détente relative des tensions avec le Hamas. Toutefois, selon Samir Ghattas, député et président du Forum des études stratégiques, cette « indulgence » à l’égard du Hamas était une erreur. « Ce n’est pas une surprise que le Hamas, déjà impliqué dans plusieurs actes terroristes dans le Sinaï, soit aussi impliqué dans l’attentat contre le procureur général. Ce mouvement a des liens idéologiques avec les Frères musulmans qui ont commis des dizaines d’actes de violences depuis 2013. L’armée a avorté à plusieurs reprises l’infiltration d’armes et d’éléments terroristes de la bande de Gaza à travers les tunnels », affirme Ghattas. Selon lui, l’Egypte doit couper tout contact avec ce mouvement qui ne représente pas le peuple palestinien.
Le politologue Moustapha Kamel Al-Sayed affirme que les relations entre Le Caire et le Hamas sont arrivées par cette annonce à l’impasse. « Les derniers mois ont connu une amélioration des relations, avec notamment des rencontres au niveau sécuritaire entre les deux côtés. Mais il semble qu’il existe une aile au sein de l’Etat qui reste opposée à cette réconciliation », trouve Al-Sayed. Et d’ajouter : « Je crois que le ministère de l’Intérieur a bien choisi le moment pour faire cette annonce qui intervient à un moment où il est sous le feu des critiques en raison de l’augmentation des bavures policières qui ont soulevé la colère de la rue ». Dans ce contexte, Al-Sayed n’exclut pas que cette annonce vise aussi à alléger les pressions sur le ministère.
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