La commission des lois de la Chambre des représentants au Congrès américain a adopté cette semaine une proposition de loi déclarant la confrérie des Frères musulmans organisation terroriste. Le projet sera soumis à un vote au sein de la chambre qui comprend 453 membres.
Si le projet est adopté, les Frères seront alors considérés comme une organisation terroriste, et le Trésor américain pourra alors forcer les banques à interdire les transactions financières impliquant la confrérie. Le projet identifie les organisations américaines comme la Council on American Islamic Relations (CAIR), l’Islamic Society of North America (ISNA) et la North American Islamic Trust (NAIT), très actives, comme étant des groupes sous le contrôle des Frères musulmans. Le président de la commission, le Républicain Bob Goodlatte, a déclaré que les Frères musulmans étaient une « grande menace et un danger pour la sécurité nationale ». Il a ajouté que « les Frères, leurs leaders et les organisations comme le Hamas qui y sont affiliées, ont appuyé et encouragé le terrorisme ».
L’initiative a été saluée par l’Egypte. Dans un communiqué, Ahmad Abou-Zeid, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a estimé : « Ce projet de loi confirme la position officielle et populaire de l’Egypte vis-à-vis des Frères musulmans. L’idéologie extrémiste de ce groupe et sa violence constituent un danger accru qui menace la communauté internationale, une réalité que les Etats-Unis commencent enfin à reconnaître ». Impliquée dans des actes de violences après la destitution du président islamiste Mohamad Morsi en juillet 2013, la confrérie des Frères musulmans a été déclarée officiellement « organisation terroriste » le 25 décembre 2014 par l’Egypte. Toutes ses activités ont été interdites et ses fonds gelés.
Céder à la pression ?
Washington peut-il céder à la pression du Congrès et lâcher définitivement les Frères musulmans ? Mohamad Kamal, directeur du Centre des études américaines et professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, exclut cette hypothèse. Selon lui, il faut faire la différence entre la position du Congrès et celle de l’Administration américaine vis-à-vis des Frères musulmans. « La position de l’Administration américaine sous Obama à l’égard des Frères musulmans n’a pas changé. Celle-ci ne considère pas les Frères comme une organisation terroriste, contrairement aux Républicains forts convaincus du danger terroriste que représentent les Frères musulmans sur la sécurité du Moyen-Orient et des Etats-Unis », affirme-t-il.
Selon lui, ce projet de loi proposé par les Républicains s’inscrit dans le cadre des surenchères électorales entre Républicains et Démocrates à l’approche de la présidentielle américaine. « Il vise à courtiser une tranche de l’opinion publique américaine opposée au soutien des Etats-Unis aux islamistes et à satisfaire les pressions exercées par les lobbies d’intérêts, qui ont un fort impact sur le déroulement des élections », pense Kamal. « Il y a peu de chance que ce projet soit adopté par le Congrès sous l’Administration démocrate, mais si les Républicains accèdent au pouvoir le soutien américain aux Frères musulmans sera remis en cause ». « La reprise des aides américaines et le réchauffement relatif des relations avec Le Caire ne laissent pas prévoir un changement dans la position américaine à l’égard des Frères ».
Vision partagée par le spécialiste des mouvements islamistes, Ahmad Ban, qui estime que « l’Administration américaine cherchera à maintenir des canaux avec les mouvements islamistes du monde arabe et pas seulement les Frères musulmans, dont ils se servent comme une carte politique pour réaliser leurs intérêts au Moyen-Orient ».
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