« Le docteur Ali Gomaa, ex-mufti de la République, a déclaré que l’amour de l’homme pour la femme a plusieurs niveaux et arrive jusqu’à la passion et que Dieu n’a pas interdit la passion à condition de ne pas tomber dans les actes illicites. Et il a ajouté, lors d’un entretien télévisé sur la chaîne CBC, que le prophète a dit que celui qui a caché sa passion et est resté chaste à sa mort est considéré comme un martyr », rapporte le site d’information Masrawi. Et voilà une autre manière de mourir en martyr moins coûteuse que de se faire exploser au milieu de la foule. Le débat sur la Saint-Valentin a été soulevé après des fatwas qui la considèrent comme une fête de mécréants. Des groupes salafistes ont effectivement lancé un hashtag « Je suis musulman je ne fête pas la Saint-Valentin » et ont publié des fatwas de quelques cheikhs saoudiens qui l’interdisent.
Mais cette fois-ci, les cheikhs d’Al-Azhar ont été unanimes pour la fête. « Le docteur Ahmad Karima, professeur de jurisprudence islamique comparée à Al-Azhar, a émis une fatwa selon laquelle il est licite de fêter la Saint-Valentin qualifiant les cheikhs qui l’interdisent d’opportunistes sur les tables des sciences religieuses », rapporte le site d’information en ligne Shabaket Mobasher Masr. Le quotidien Al-Yom Al-Sabie a, quant à lui, rapporté les propos du cheikh Essam Talima, ex-directeur du bureau du cheikh Youssef Al-Qaradawi, président de l’Union des oulémas musulmans au Qatar : « A contre-courant des salafistes, le cheikh Essam Talima a publié un article intitulé L’islam et la Saint-Valentin où il dit : qui a dit que c’est illicite ! Les avis divergent sur cette fête et sur l’islam et l’amour ! L’islam est une religion réaliste et ne met pas de restrictions sur les sentiments des êtres humains, mais les dirigent vers le sentier du halal propre ». Voilà on est rassuré. On peut aimer, la conscience tranquille !
L’amour politique et celui des banderoles
Les députés du parlement pour leur part se sont lancés à fond dans la fête et n’ont pas eu d’hésitation à exprimer leur amour au président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui s’est rendu samedi au parlement pour annoncer l’ouverture officielle de la session. « Le président a été chaudement applaudi et un député s’est levé et a scandé : nous t’aimons raïs, le président lui a répondu : moi aussi, je vous aime », rapporte Arabic CNN et plusieurs médias égyptiens. La députée Ghada Gharib Agami, représentante des Egyptiens à l’étranger, a déclaré au journal Al-Youm Al-Sabie qu'« elle offrait la Saint-Valentin au président, à l’Egypte et à son peuple ». Personne ne sait encore quelles seront les performances du nouveau parlement, mais une chose est sûre, on est rassuré sur le romantisme !
Le Centre national de la culture de l’enfant a eu l’idée « originale » de centrer ses activités à cette occasion autour de l’amour de l’Egypte. « La présidente du centre, Mervat Morsi, a déclaré que ce dernier allait organiser à l’occasion de la Saint-Valentin une semaine culturelle sous le slogan L’Amour de l’Egypte ». Elle a ajouté que l’objectif est la consécration de la notion d’appartenance et l’amour de la patrie. Les enfants dessineront une fresque pour exprimer leur amour à l’Egypte en chantant les plus belles chansons patriotiques.
Dans la réalité de tous les jours, les Egyptiens ne se sont pas privés de la fête et ont même innové dans l’expression de leurs ferveurs amoureuses.
« Les habitants de Suez ont fêté la Saint-Valentin avec des banderoles accrochées sur la corniche de la ville. Plusieurs personnes y ont inscrit leur passion pour leur bien-aimé(e). Une femme a accroché une banderole à l’intention de son mari : j’ai un mari qui n’a pas de pareil, et je me suis promise de le rendre heureux. Une jeune fille a inscrit sur sa banderole à son amoureux nommé Hamada : je t’aime et je t’aimerai toujours ». Rapporte le site en ligne Dot Masr.
Et paradoxalement, ce sont les provinces réputées pour être plus conservatrices que Le Caire qui ont fait le plus d’éclats que la presse a rapportés gaiement. « Un mari a accroché de grandes banderoles dans les rues de la ville de Tanta où il a écrit : Ma femme chérie, je t’adore. Les citoyens ont accueilli cette initiative avec beaucoup de joie et beaucoup de femmes en ont pris une photo pour l’envoyer à leurs maris qui ont omis de s’exprimer pour la Saint-Valentin », écrit le quotidien Al-Shorouk.
La presse a aussi rapporté les hauts faits en amour du chef de la police des moeurs à Kafr Al-Cheikh dans le Delta qui, lui aussi, a accroché une banderole. « C’est un drôle de fait. Il a écrit sur la banderole : Je t’aime Samar et ne t’en veux pas. Il a déclaré que ce qu’il a fait relève de la liberté individuelle et il n’avait pas à demander de permission préalable. Il a ajouté qu’il n’y avait rien de mal à exprimer son amour », rapporte Dot Masr. Le romantisme baigne aussi dans les rangs de la police. D’ailleurs, on a eu droit à des articles pour dire que la fête de l’amour est comme la bière, une invention des pharaons. On peut lire dans le quotidien Al-Shorouk : « L’archéologue Ahmad Maher a expliqué qu’en réalité, les pharaons ont été les premiers à connaître la fête de l’amour qui se déroulait dans la ville de Memphis le premier jour du quatrième mois de l’année ».
Lien court: