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Les médecins égyptiens réunis contre les "agressions policières"

May Atta, Lundi, 15 février 2016

Réunis en assemblée générale, les médecins annoncent une série de mesures visant à faire pression sur le gouvernement et l'amener à traduire en justice des policiers accusés d'agression contre deux praticiens à Matariya.

Les médecins haussent le ton
Les médecins ont participé en grand nombre à leur assemblée générale.

Ils étaient plusieurs milliers à répondre à l’appel de leur ordre, vendredi au Caire, pour protester contre la non-traduction en justice de deux agents de police qui avaient agressé deux médecins au centre hospitalier de Matariya la semaine dernière. « C’est la première fois qu’une telle foule vient à l’ordre. Certainement parce que nous nous sentons en danger », affirme Yéhia Qadri, venu assister à l’assemblée générale de l’ordre des Médecins. Foule nombreuse, banderoles accrochées aux murs et microphones, l’ambiance était vive. Le conseil de l’ordre avait essayé de louer une salle de conférences pour tenir cette assemblée générale excep­tionnelle, mais en vain. « Il est clair que le gouvernement a fait pression sur les salles de conférences pour qu’elles refusent de recevoir la réunion de l’ordre », affirme Dina Abdel-Hamid, jeune médecin. Résultat : L’ordre et son jardin étaient pleins à craquer et la foule a débordé dans la rue Qasr Al-Aïni où est situé l’ordre. Des microphones retransmettaient régulièrement dans la rue les détails de la réunion entrecoupée d’applaudissements. Beaucoup de médecins présents portaient des pancartes et scandaient des slogans hostiles à la violence policière. La police était très présente et des véhicules de police encadraient la foule. « Les agents de police doivent être jugés de telle sorte qu’une personne réfléchisse à deux fois avant d’attaquer un médecin durant l’exercice de son travail. Je suis venu aujourd’hui afin que les médecins ne soient plus confrontés à la violence ! », lançait Ahmad Mahmoud Al-Sayed, l’un des deux médecins agressés la semaine dernière à Matariya, sous un ton­nerre d’applaudissements.

Journée de la dignité

Le syndicat avait lancé un appel à la tenue d’une « jour­née de la dignité » le 12 février, après que deux médecins du centre hospitalier universitaire de Matariya (dans le nord-est du Caire), Moëmen Abdel-Azim et Ahmad Mahmoud Al-Sayed, eurent été frappés le 28 janvier par deux agents de police pour avoir refusé d’établir un faux certificat médical. 9 agents de police sont mis en cause dans cette affaire, après que les deux premiers eurent amené 7 de leurs collègues pour faire sortir les médecins de force hors de l’hôpital et les emmener au commissa­riat de Matariya. Le président de l’ordre des Médecins, Hussein Khaïry, son adjointe Mona Mina et des membres du conseil d’administration de l’ordre avaient présenté une plainte au procureur général demandant l’ouverture d’une enquête. Aucune enquête n’ayant été ouverte, les médecins de l’hôpital ont organisé une grève et fermé l’hôpital pendant une semaine. Le 6 février, le ministère de l’Intérieur a annoncé la suspension des policiers et leur renvoi devant une commission de discipline. Mais les médecins en colère exigent leur comparution devant la justice. « En Europe, et même dans certains pays arabes comme le Koweït et la Jordanie, l’agression d’un méde­cin durant l’exercice de son métier est impardonnable. L’agression d’un médecin peut coûter jusqu’à 7 ans de prison », lance Réda Ismaïl, gynécologue.

Série de mesures

Exprimant sa colère, le conseil de l’ordre a annoncé une série de mesures visant à faire pression sur le gouverne­ment jusqu’à ce que les policiers soient traduits en justice. Ahmad Chawqi, membre du conseil d’administration de l’ordre, détaille ces mesures. « Nous donnons deux semaines au gouvernement pour présenter les agents de police au jugement. Après les deux semaines, c’est-à-dire à partir du 27 février, nous commencerons à soigner les patients gratuitement et le gouvernement ne recevra ainsi rien. La nouvelle Constitution garantit aux citoyens le droit d’être soignés gratuitement, mais les hôpitaux font payer les patients. Nous encouragerons les patients à ne pas payer, que ce soit pour les radios, les analyses et toutes sortes de services. Toute personne armée se verra refuser l’accès aux hôpitaux. Nous demandons aussi la démission du ministre de la Santé, Ahmad Emad, car il ne nous a pas apporté son soutien dans cette affaire », dit-il. Pour autant, les médecins ne veulent pas que les malades soient affectés par leur mouvement, selon les propos du président de l’ordre, Hussein Khaïry. Si leurs revendica­tions ne sont pas écoutées, les médecins tiendront une assemblée générale le 25 mars pour étudier la possibilité de présenter des démissions collectives, afin de faire pression sur le gouvernement. C’est la première fois qu’une protestation de cette ampleur soit organisée à l’ordre des Médecins. Cette assemblée générale est la plus grande jamais organisée par l’ordre des Médecins. Selon le président de l’ordre, 10 000 membres y ont assisté. « Nous espérons que le gouvernement répondra à nos attentes », affirme Hussein Khaïry. Le premier ministre, Chérif Ismaïl, a donné cette semaine des direc­tives en vue « d’achever l’enquête sur l’agression du centre hospitalier de Matariya ». Il est probable si la grogne monte que le gouvernement cherche à temporiser et éviter l’escalade, pense le chercheur Yousri Al-Azabawi, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CFPS) d’Al-Ahram. « Ce qui s’est passé le 12 février devant l’ordre des Médecins s’inscrit dans la continuité de la révolution du 25 janvier. Cette révolution a libéré les Egyptiens de la peur de revendiquer des droits. L’assemblée générale exceptionnelle confirme le rôle du syndicalisme dans la transition démocratique. Les méde­cins embarrasseront le gouvernement s’ils mettent en place les mesures annoncées dans les hôpitaux. C’est un moyen pour eux de prendre en otage l’Etat. En effet, mettre en pratique l’impératif constitutionnel qu’est la gratuité des soins pour faire valoir leurs revendications est un moyen fort et habile de la part de l’ordre », conclut Al-Azabawi.

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