Comment persuader les jeunes de ne pas quitter leur pays illégalement ? De leur faire comprendre les dangers qu’ils encourent ? Des questions qui ont été soulevées, la semaine dernière lors d’un colloque organisé par le Comité National de Coordination pour la Prévention et le Combat de la Migration Illégale (CNCPCMI), et tenu à l’Institut diplomatique du Caire. A l’ordre du jour, une évaluation du plan de travail qui a été mis en oeuvre pour la période 2014-2015 et l’exposition de la nouvelle stratégie à suivre pour les deux prochaines années. Selon Naela Gabr, chef du comité, la migration illégale touche aussi bien les pays développés, cible des flux migratoires, que les pays en voie de développement, point de départ des migrants. Quant à l’Egypte, « elle est à la fois un pays dont les migrants partent, un pays où ils transitent et également une destination finale de migrants », explique-t-elle.
Ainsi on retrouve en Egypte les migrants qui tentent leurs chances et risquent leur vie pour rejoindre les côtes italiennes, première destination pour les migrants égyptiens, mais aussi des Africains qui viennent rejoindre l’Egypte dans le but soit d’y rester définitivement ou comme un simple transit pour se diriger vers d’autres pays. Et vu l’intensification des conflits dans la région, les flux migratoires deviennent de plus en plus importants. Sans compter la multiplication des attentats dans le monde, ce qui complique davantage la question des migrants. Le plan de travail est basé sur plusieurs volets selon Naela Gabr : le développement du cadre juridique, la sensibilisation de la population, les médias, la documentation et la coopération bilatérale et multilatérale. « Le résultat le plus important, explique-telle, est la mise au point d’une loi contre la migration ».
Le projet de loi en question a été approuvé par le Conseil ministériel en novembre dernier et devrait être prochainement ratifié par le parlement. Ce qui constitue sans équivoque un pas en avant dans la mesure où il y a un vide juridique dans ce domaine. Selon Mohamad Ibrahim, avocat du bureau technique du procureur général, la loi va désormais incriminer les trafiquants qui gèrent les migrations. Car jusque-là, ils pouvaient échapper à la justice. « Ils écoperont désormais d’une lourde peine de prison avec une forte amende », dit-il. En revanche, les migrants sont considérés comme des victimes selon cette loi. D’autant plus qu’une grande partie des migrants sont des enfants non accompagnés. En Italie, 60 % des migrants seraient des mineurs, selon une déclaration de l’ambassadeur de l’Union européenne en Egypte, James Moran, en septembre dernier. Et quand ils sont arrêtés, souvent ils refusent de dévoiler leur identité pour ne pas rentrer dans leurs pays ou encore les parents refusent de les recevoir, car ce serait pour eux un échec moral et financier. Résultat : les pays qui les accueillent ne peuvent pas les rapatrier chez eux. Une lacune à laquelle la nouvelle loi va remédier.
Documenter ce phénomène
Quelles sont les statistiques, combien y a-t-il de migrants et quel est le nombre d’enfants parmi les migrants ? Des questions auxquelles il est quasiment impossible de répondre. Documenter les migrations clandestines s’avère donc très difficile, mais le CNCPCMI en a fait une de ses priorités. Ainsi, une recherche est en cours de préparation et sera bientôt publiée par le Conseil National des Recherches Sociales et Criminelles (CNRSC) pour tenter de faire au mieux et de documenter ce phénomène. Elle permettra de donner plus de précisions concernant les méthodes de migration, les motifs, les gouvernorats d’où proviennent le nombre le plus élevé de migrants, etc. Selon Samiha Nasr du CNRSC, on peut avoir beaucoup d’informations lorsque les convois de migrants sont arrêtés avant leur départ. On connaît qu’Alexandrie vient en premier en tant que gouvernorat où les migrants sont rassemblés avant leur départ. On sait également que la Libye constitue souvent un point de départ des migrants vers les côtes européennes.
Les chiffres avancés par les pays qui reçoivent les migrants sont également utiles, mais vu qu’il n’y a pas de distinction de nationalité, ils restent incomplets. Ils montrent la nécessité d’une coopération internationale pour faire face à ce problème sans frontière. Naela Gabr prône plus de « transparence » dans les relations bilatérales : « Il faudrait que les pays européens précisent par exemple le type de main-d’oeuvre dont ils ont besoin ». Mais tous ces efforts risquent d’être vains, si les migrants ne comprennent pas les dangers qu’ils encourent. Le CNCPCNI se charge donc aussi de la sensibilisation des gouvernorats les plus touchés par les migrations. Une campagne avec le slogan « L’Egypte est ton futur » a été lancée dans les médias dans ce même but. Reste que la création d’emplois et de conditions de vie meilleures pour les jeunes poussés à partir par le désespoir ou par de faux espoirs est le meilleur moyen de les convaincre de ne pas quitter leurs pays. C’est là seulement, et seulement là que des mots comme « L’Egypte est ton futur » prendront tout leur sens.
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