Depuis cinq ans, à l’approche du 25 janvier, date de la révolution, autorités et citoyens se crispent à l’idée d’un nouveau débordement. Les deux premières années qui ont suivi la chute de Moubarak ont eu leur lot de troubles, de morts et de dépassements. Cette année, l’appréhension se situe surtout au niveau des autorités. C’est ce que relève le journaliste Abdallah Al-Sennawi dans le quotidien Al-Shorouk. « L’Egypte doit apprendre à se faire confiance et à faire confiance en sa capacité de dépasser les obstacles sans crainte ni peur. Il est inconcevable qu’un pays qui vient de mettre en place les institutions de l’Etat depuis cinq ans soit livré à la peur suscitée par des conflits et des complots hypothétiques. Cela veut simplement dire que nous sommes encore suspendus au-dessus du vide ». Al-Sennawi, qui n’est pas le seul à évoquer cette peur qui sert de justificatif à des arrestations préventives, pose la question de savoir pourquoi.
« La première hypothèse est que les autorités de l’Etat ont peur des scénarios des manifestations du 25 janvier. Cette peur est l’indice d’un échec politique et un aveu que le nouveau parlement est incapable de contenir le mouvement de la société. Cette peur est aussi l’indice que la sécurité, à elle seule, ne peut pas garantir la sécurité ». La seconde hypothèse, selon l’auteur, est que cette peur mise en avant et que ne suscite ni aucun danger réel ni grand complot n’est qu’un épouvantail. « Le climat général montre bien qu’il n’y aura pas de manifestations spectaculaires. Même les jeunes politisés en appellent au calme pour éviter les morts. Et la confrérie des Frères musulmans a perdu son potentiel de mobilisation ». Mais pourquoi donc agiter cet épouvantail ? Eh bien pour Al-Sennawi, et il y croit comme beaucoup d’autres éditorialistes, l’épouvantail c’est pour faire peur à la présidence. « Il est fort probable que le fait de susciter la peur a pour but de terroriser la présidence en usant de complots hypothétiques pour que celle-ci se détourne de toute demande de réforme du secteur sécuritaire » !
Veuves pour le non-sens
Sur le plan régional, le site Women Agency News, qui se consacre aux causes de la femme dans le monde arabe, a publié cette semaine, entre autres, un article sur un rapport de l’Onu concernant les femmes iraqiennes suite à la guerre et aux batailles entre Daech et les troupes de sécurité. « Cela a poussé les populations à se déplacer, et selon le rapport onusien, environ un million et quart de femmes iraqiennes ont été forcées à l’exil depuis le début des batailles. Cela engendre toutes sortes de déviations. Environ 90 à 100 femmes iraqiennes perdent leur mari par jour suite aux violences et aux conflits confessionnels. L’Iraq compte environ un million de veuves. Le rapport révèle également que le nombre de femmes emprisonnées atteint 5 130 femmes dans les centres des ministères de l’Intérieur et de la Défense. 3 300 prisonnières ont subi des viols, et 1 830 ont avorté. Alors que 180 prisonnières sont décédées suite à des viols collectifs et 120 sont mortes sous la torture ».
Mais le Moyen-Orient, déjà fortement désorienté par les conflits et les guerres et où les secteurs de population les plus faibles, à savoir les enfants, les femmes et les plus démunis font le frais des conflits et combats, s’apprête à être le théâtre d’un face-à-face soi-disant sunnites/chiites d’envergure. Avant le bruit de bottes, ce sont les journaux, médias et centres de recherches qui ont donné le la de cette probable nouvelle guerre. En voici un exemple.
Ainsi le site du centre iraqien Rawabet pour les recherches stratégiques, qui publie des études sur l’Iran notamment, mais également sur le monde arabe, abonde d’articles sur le nouveau conflit qui pointe du nez.
Dans l’une de ces études publiées cette semaine, l’auteur considère que l’exécution à la peine capitale de l’opposant chiite saoudien Al-Nimr est un pas audacieux de la part de l’Arabie saoudite qui défend ainsi sa souveraineté face à un Iran qui « ne cesse de s’ingérer dans la région arabe ». Le ton est donné. L’auteur explique que l’Iran n’a pas de vrais Etats alliés dans la région, et que le champ de conflit se concentrera dans cinq points. Le Liban, l’Iraq, la Syrie, le Yémen et le pétrole. « Au Liban, le calme précaire entre les forces que dirige Saad Al-Hariri, proche de Riyad, et le Hezbollah peut exploser à tout moment. En Syrie, l’Arabie saoudite est déjà très impliquée avec le soutien qu’elle accorde aux forces opposées à Bachar Al-Assad. Rien de nouveau sur ce plan d’autant que Poutine a mis un frein à l’expansion saoudienne sur ce champ de bataille. La nouveauté est que la monarchie a accentué son soutien à des fins séparatistes aux Arabes dans la région Al-Ahwaz en Iran, qui était une monarchie indépendante jusqu’en 1924. Sur le plan du brut, la guerre de production entre les deux protagonistes va déverser sur le marché un surplus de 3 millions de barils/jour d’ici la mi-année, ce qui mènera les cours à 35 dollars ».
Un autre article publié dans le journal libanais Al-Akhbar, soutenu par le Hezbollah et signé par l’écrivain journaliste Wasfi Al-Amine, fustige de son côté les velléités expansionnistes de l’Arabie saoudite qui « veut imposer son régime comme modèle dans le monde arabe et islamique ». Et d’ajouter : « L’Arabie saoudite n’a pas d’alliés sûrs au Yémen, et en Iraq, son influence s’est amoindrie. Au Liban, elle ne peut que soulever des tempêtes médiatiques, et en Syrie, le déséquilibre des forces a déstabilisé la monarchie. Tout ce qui lui reste c’est le conflit chiite-sunnite pour reprendre le leadership du monde sunnite ».
Le chiffre de la semaine c’est celui des enfants de la rue. Selon le quotidien Tahrir, le ministère de la Solidarité sociale a annoncé ce janvier que le nombre total des enfants des rues atteint 16 000 enfants dans 27 gouvernorats. Ce décompte a été réalisé par 3 800 chercheurs en collaboration avec le Centre national des études sociales et criminelles et l’Organisme central de la mobilisation et des statistiques.
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