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Revue de presse: La polygamie à bas prix

Najet Belhatem, Mardi, 22 janvier 2013

Des éditos et des informations sont récoltés cette semaine dans la presse pour tenter de donner un aperçu révélateur d’une Egypte en état de convulsion, à la veille du deuxième anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011.

L’une des figures montées en flèche depuis deux ans est l’humoriste Bassem Youssef, ce chirurgien qui a commencé à se faire connaître par de petites apparitions sur Youtube en disséquant avec humour et intelligence la situation politique en Egypte. Cela a vite fait boule de neige. Il est devenu la star du Web. Il lui a fallu quelques mois pour se retrouver avec le même style sur les écrans de la télévision. Il est devenu l’idole des jeunes et un rendezvous incontournable pour les familles égyptiennes le vendredi soir à l’heure de son émission. Mais il est aussi la bête noire des courants islamistes dont il met à nu les contradictions et les incohérences. « Comment le chirurgien cardiologue a-t-il pu provoquer toute cette colère chez les islamistes ? Comment les a-t-il fait sortir de leurs gonds et les a poussés à le poursuivre en ennemi ? Comment est-il devenu le premier opposant de la confrérie des Frères musulmans et de ses alliés ? Bassem Youssef a brisé la ligne rouge qui a fait vibrer les Egyptiens et en a fait un phénomène de société. Je parle ici du fait qu’il a brisé le tabou sexuel. La moquerie sexuelle est demeurée prisonnière des cercles fermés. Et même quand elle a pris de l’intérêt sur les sites sociaux sur le Web, elle n’a pas pris de l’ampleur et voilà que Bassem Youssef, produit de ces réseaux, l’a lancée au grand jour », écrit l’éditorialiste dans l’hebdomadaire Al-Fagr. Il est à signaler que Bassem Youssef a fait l’objet de plusieurs procès de la part des islamistes, mais jusqu’à maintenant il s’en est sorti indemne.

Dans Al-Watan, Abla Al-Roueni revient sur l’affaire de la gifle que le ministre de la Justice a donnée à un fonctionnaire du ministère qui revendiquait des droits. L’affaire a fait beaucoup de bruit et est révélatrice d’une situation en Egypte où la revendication des droits est souvent associée à une rébellion illégitime contre l’ordre des choses. « Ce qui nous intéresse ici ce sont les significations de cet acte. Il est vrai que le fonctionnaire a crié à la face du ministre disant : Je veux mes droits. Et il est vrai qu’avec ses collègues il a exercé son droit à manifester. Mais la gifle demeure une forme notoire de l’état d’oppression qui sévit encore à l’égard des citoyens. Et quand le fonctionnaire n’a pas pu rendre la gifle au ministre, sa liberté s’est évaporée et sa peine et son incapacité ont augmenté. La liberté n’est pas seulement de dire ou de faire ce que nous voulons, mais de le faire sans peur et sans humiliation ».

Une autre affaire que l’on pourrait classer dans la catégorie insolite si ce n’est qu’elle a des contours très sérieux. Il s’agit ici de la décision de la Banque du développement agricole qui a décidé, pour s’inscrire dans l’air du temps, d’octroyer des crédits aux agriculteurs pour les inciter au mariage et à la polygamie pour mettre fin au célibat des femmes ! Dans le quotidien Al-Dostour, Sayed Ghodbane écrit : « L’idée ingénieuse du directeur de la banque est basée sur le slogan La polygamie c’est la solution. Il a donc pris la décision d’octroyer des crédits aux jeunes agriculteurs pour les aider à se marier et les inciter à en épouser plus d’une. Il est question de donner un crédit à un taux de 3 % pour la première épouse puis le taux s’élève à 6 % pour la seconde. L’idée a été annoncée lors d’une conférence de presse à laquelle a assisté le ministre de l’Agriculture qui, même s’il n’a pas fait de déclaration, a cautionné par sa présence ladite décision ». Et d’ajouter : « Les problèmes des agriculteurs avec la Banque du développement agricole sont nombreux et tous ont rapport avec le rôle de la banque dans l’aide aux agriculteurs dans le domaine agricole qui souffre d’énormes problèmes, dont la résolution requiert un gros financement. Et justement, la banque n’arrive pas toujours à y faire face. Le directeur de la banque aurait-il soudain découvert qu’il a un surplus d’argent pour en octroyer à des fins de mariage ? ».

Dans le cadre du bilan sur la question des libertés, l’ONG appelée le Réseau arabe des droits de l’homme, a publié un rapport assez édifiant cette semaine sur la situation en Egypte. Un rapport repris par toute la pressedont le journal en ligne Al-Bedaya qui écrit : « Le Réseau arabe des droits de l’homme a dit que le nombre des procès et plaintes contre les journalistes et les écrivains pour atteinte au président Mohamad Morsi en 200 jours atteignait le nombre de 24. Ce qui est un nombre record qui n’a été atteint par aucun président ou roi égyptien. Le rapport a fait une comparaison entre la période de Moubarak et celle de Morsi qui ne dépasse pas les 200 jours et entre tous les présidents et rois d’Egypte depuis la fin du XIXe siècle. Le rapport affirme que le nombre de procès et de plaintes pour atteinte au président durant la période de Morsi dépasse toutes les affaires du genre depuis le début de l’instauration du crime de lèse-majesté durant le XIXe siècle. De 1897 à 2009, le nombre des accusés a atteint 23. Alors que durant les 200 jours de Morsi, le rapport a enregistré 24 affaires et procès ».

Le journal Al-Osboue a publié une information selon laquelle le ministère des Affaires étrangère est lui aussi en ébullition. « Des sources diplomatiques ont dévoilé un plan des Frères musulmans pour faire main basse sur le corps diplomatique en nommant 120 diplomates issus de la confrérie sur trois ans ». Le journal cite un diplomate selon qui les Frères exploitent un amendement de la loi sur le corps diplomatique du temps de Moubarak qui permet au président de la République de nommer un quota de diplomates. Une affaire qui entre dans le cadre de la crainte de voir la confrérie des Frères musulmans répandre ses cadres dans les différentes institutions de l’Etat.

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