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Réseaux ferrés : De catastrophe en catastrophe ...

May Atta, Mardi, 22 janvier 2013

Les accidents se multiplient sans qu’aucune responsabilité soit établie. Le système est fragmenté et peu efficace. 600 millions de L.E. ont été, pour rénover la voirie, débloquées. Enquête.

de catastrophe
Le secteur des chemins de fer nécessite une reforme urgente.

Le gouvernement se contente de réagirde manière routinière à la série de catastrophes ferroviaires qui continue à frapper l’Egypte. La dernière en date, la cinquième depuis l’accession au pou-voir de M. Morsi, est celle de Badrachine qui a eu lieu le mardi 15 janvier, faisant 15 morts et 117 blessés, majoritairement des conscrits de l’armée. Le ministre du Transport, Hatem Abdel-Latif, dans une conférence de presse tenue la semaine dernière, a affirmé que le gouvernement avait approuvé les allocations nécessaires, estimées à 635 millions de L.E. pour l’achat de pièces de rechange indispensables à une réforme globale d’un système ferroviaire très mal en point. Le ministre s’est trouvé obligé de changer le discours d’usage qui consiste pour le gouverne-ment à s’acquitter de toute responsabilité et à blâmer le « comportement et la nonchalance des ouvriers et des passagers ». Il a reconnu, pour la première fois, les carences sérieuses du secteur ferroviaire et a affirmé que les plans de maintenance étaient très insatisfaisants. Il a annoncé de nouveaux plans couvrant toutes les rames et lignes ferroviaires.

Menaces de grèves

De leur côté, des dizaines de chauffeurs de train se sont réunis avec le président de l’Orga-nisme ferroviaire, l’ingénieur Hussein Zakariya, pour le presser afin de lancer une « réforme globale » de tout le secteur. Ils ont menacé d’en-trer en grève au cas où des démarches sérieuses ne seraient pas entreprises dans ce sens. Les chauffeurs ont, en outre, demandé d’en-voyer le rapport technique relatif au dernier accident de Badrachine au procureur général, afin de libérer le chauffeur du train sinistré, officiellement tenu comme principal respon-sable de cette catastrophe (même si l’enquête préliminaire a démontré qu’une déficience du dernier wagon était à l’origine de l’accident).

Les ouvriers des chemins de fer travaillent dans des conditions précaires ne leur permettant pas d’assurer la sécurité des passagers. De prime abord, la gare paraît resplendissante de propreté et d’ordre. Mais la réalité est tout autre. Dès que les passagers se dirigent vers le quai, elle se révèle dans toute sa laideur avec ses ingrédients de corruption et de pollution. « La corruption que nous avons vécue et contre laquelle s’est soulevé le peuple égyptien, le 25 janvier 2011, continue à gangrener le secteur ferroviaire. Les fonctionnaires qui supervisent cette corruption n’ont pas quitté leurs places, à l’exception de quelques-uns que le gouvernement a sacrifiés pour contenir la colère du peuple, suite aux accidents successifs. Le nouveau gouvernement n’a pas essayé de réformer ce que ses prédécesseurs lui ont lais-sé », se plaint, sous le couvert de l’anonymat, un haut fonctionnaire de la gare de Ramsès, au centre du Caire. « La gare ne comptait que deux administra-tions, mais après sa restructuration par un ministre de Moubarak, on en compte aujourd’hui 140. La sécurité des trains ne relève plus des responsabilités du directeur de la gare mais de l’ingénieur des garages. Ce dernier délègue son travail aux ouvriers et la responsabilité se perd ... c’est la corruption à tous les niveaux », explique le même fonctionnaire. Selon lui, « la grille salariale figée depuis des années n’en-courage personne à assumer ses responsabili-tés, aujourd’hui le salaire d’un ouvrier qui a 30 ans de travail derrière lui ne dépasse pas les 1 500 L.E. ».

Plus on entre à l’intérieur de la gare, pour accéder aux quais réservés aux trains de la Haute-Egypte, plus se révèle la laideur camou-flée. Des quais sales, des trains vétustes et des bureaux de maintenance inadaptés à leur mis-sion essentielle. Alaa, l’un des ouvriers de maintenance des locomotives, avance qu’en « 2007, le ministère du Transport avait signé un contrat de fabrica-Le secteur des chemins de fer nécessite une reforme urgente. tion et d’assemblage de 40 locomotives avec le ministère de la Production militaire pour un coût de 700 millions de L.E. Cette transaction est un échec. Seules 20 locomotives ont été livrées, alors que les autres locomotives datent de 1980. Cependant, les vieilles locomotives fonctionnent mieux que les nouvelles pour les-quelles nous ne possédons même pas de pièces de rechange ». Il dénonce également une corruption fla-grante lorsqu’il s’agit de l’achat de pièces de rechange ou de la vente en catimini des vieilles pièces.

Procès

Les avocats du Centre égyptien des droits économiques et sociaux ont intenté un procès contre le président de la République, le premier ministre, le ministre du Transport et le président de l’Organisme national des chemins de fer pour s’être abstenus de former un comité de spécialistes indépendants pour évaluer l’état des chemins de fer en Egypte. « Nous leur avons demandé de présenter toutes les informations, tous les documents et révélés de comptes sur les sommes et assis-tances étrangères perçues par le gouvernement pour le développement du système ferroviaire, ainsi qu’un rapport détaillé sur l’état du sec-teur avant et après ces financements », explique un activiste du centre, Mohamad Adel.

Selon les chiffres dont dispose le centre, l’Or-ganisme national des chemins de fer aurait obtenu deux prêts, l’un en 2009 d’une valeur de 270 millions de dollars et le second en 2011 d’une valeur de 330 millions de dollars. « Le budget de l’Organisme national des chemins de fer atteint 1,7 % du budget total de l’Etat, soit la moitié du budget consacré à la santé. Bien que la moitié de ce budget soit destinée à l’achat et la modernisation des équipements et des locomotives, l’organisme n’a pas utilisé ces ressources à ces fins durant 2012. Il a même restitué 25 % de son budget au gouvernement sous prétexte de non-besoin », conclut Adel .

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