Le ministre égyptien de l'Irrigation, Hossam Moghazy, avec ses homologues éthiopien et soudanais.
Après plus de dix heures de discussions à huis clos, les ministres des Affaires étrangères et de l’Irrigation de l’Egypte, l’Ethiopie et du Soudan ont mis fin à leur réunion cette semaine à Khartoum sur le barrage éthiopien de la Renaissance, sans régler leurs divergences. L’Egypte, qui craint un éventuel impact négatif de ce barrage sur son approvisionnement en eau, exige l’élaboration de toute urgence d’une feuille de route technique, qui prenne en compte ses préoccupations sur la construction du barrage et son remplissage. Selon des sources au sein de la délégation égyptienne à Khartoum : «
Le Caire a demandé à l’Ethiopie de créer un mécanisme pour l’application de l’accord de principe signé par Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba en mars dernier ». En vertu de cet accord, l’Ethiopie s’engage à ne pas porter atteinte aux intérêts des pays de l’aval. «
Les négociations étaient difficiles et ardues », a déclaré le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, Hossam Moghazi, à l’issue de la réunion.
L’histoire de ce barrage remonte à 2010, quand l’Ethiopie avait annoncé son intention de construire un grand barrage sur les eaux du Nil Bleu, le barrage de la Renaissance, afin de produire de l’électricité et d’irriguer de nouveaux terrains agricoles. Le projet a soulevé l’inquiétude de l’Egypte, qui craint des effets négatifs sur sa part dans les eaux du Nil. Après d’âpres négociations, l’Egypte et le Soudan, (l’autre pays concerné par l’impact du barrage), se sont accordés avec l’Ethiopie à recourir à deux bureaux de consultation européens, un français et un hollandais, afin d’effectuer une étude sur l’impact du barrage. Et un accord de principe a été signé le 23 mars, à Khartoum, obligeant les trois pays à respecter les résultats des études élaborées par les deux bureaux. Or, les deux bureaux de consultation ont annoncé leur retrait du projet, suite à des divergences entre eux et l’Egypte, qui se trouve désormais dans une mauvaise impasse. « Face à nos demandes, les Ethiopiens ont promis de revenir à leur hiérarchie et de répondre dans deux semaines. D’où la réunion des 27 et 28 décembre », affirment les sources.
Un échec pour l’Egypte ? « Non », répond le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid. « Il y a eu une longue discussion durant laquelle l’Egypte a exprimé ses préoccupations sur le barrage. L’Egypte a proposé un certain nombre de solutions alternatives pour faire l’étude technique sur le barrage. Et le côté éthiopien a demandé du temps pour répondre », souligne Abou-Zeid. Et d’ajouter que l’Ethiopie a réaffirmé son respect de l’accord de principe.
Pourtant, certains experts pensent que l’Ethiopie « traîne les pieds » et ne répond pas vraiment aux craintes de l’Egypte. C’est ce qu’affirme notamment l’ancien ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, Mohamad Nasr Allam. « Il y a une tergiversation claire de la part des Ethiopiens et cela met l’Egypte dans une situation difficile », affirme Allam. Il pense que Le Caire n’a pas été assez ferme avec Addis-Abeba. « Les Ethiopiens savent que le temps joue en leur faveur parce que les travaux de construction avancent de toutes les manières. Cette situation va encourager d’autres pays du bassin du Nil à faire eux aussi des barrages », affirme Allam. Professeur de ressources en eau à l’Université du Caire, Nader Noureddine, considère, lui, que les négociations avec l’Ethiopie sur la question du barrage ont échoué, en raison de l’insistance de l’Ethiopie à maintenir les négociations dans le cadre technique et à exclure le cadre politique. « Le côté éthiopien est très opiniâtre et nous a déjà fait perdre beaucoup de temps. Or, l’Egypte n’a pas d’autres options, car tout recours à l’arbitrage international exige le consentement des deux parties du litige c’est-à-dire l’Egypte et l’Ethiopie ». Et d’ajouter : « L’Egypte ne doit pas permettre l’achèvement du barrage sans obtenir des garanties ou un engagement écrit de l’Ethiopie de ne pas nuire à la part de l’Egypte dans les eaux du Nil. Pour atteindre ce but, l’Ethiopie doit arrêter les travaux de construction du barrage jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé sur les spécifications techniques et la capacité de stockage du barrage ».
50 % des travaux de construction du barrage éthiopien sont déjà accomplis et si les travaux se poursuivent au même rythme, la première phase du projet sera inaugurée en octobre 2016 avec 2 turbines pour produire l’électricité, et le barrage au complet sera inauguré en octobre 2017. « Nous avons 11 mois seulement avant d’atteindre le point de non-retour », conclut Noureddine.
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