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Abus policiers : Le ministère promet de punir les responsables

Ola Hamdi, Mardi, 08 décembre 2015

Neuf policiers accusés d'avoir torturé un citoyen à Louqsor, provoquant son décès, ont été arrêtés et placés en détention. L'affaire relance le débat sur les abus dans les commissariats de police.

Abus policiers : Le ministère promet de punir les responsables

9 policiers dont 4 officiers accusés d’avoir torturé un citoyen dans un commissariat à Louqsor, provoquant son décès, ont été arrêtés cette semaine sur ordre du Parquet, et placés en détention provisoire pour quatre jours, le temps d’enquêter sur leur responsabilité dans la torture.

Les faits remontent au 25 novembre lorsqu’un citoyen du nom de Talaat Shabib, soupçonné d’être un dealer de drogue, fut arrêté et emmené à la station de police d’Awamiya à Louqsor, où il meurt durant sa détention. Sa famille affirme qu’il a été torturé à mort.

L’incident a coïncidé avec la mort de deux autres citoyens, également soupçonnés de vendre de la drogue, dans le commissariat de police de la ville d’Ismaïliya.

A Louqsor, des milliers de personnes ont manifesté contre cette brutalité policière et réclamé que « justice soit faite » et que « les assassins de Shabib soient traduits en justice ». Le ministère de l’Intérieur a reconnu des « violations individuelles », et a promis de traduire en justice les responsables. La police a présenté ses condoléances à la famille de Talaat Shabib.

Fruit d’un lourd héritage, les abus policiers sont de plus en plus fréquents. Ils ont été l’une des causes de la révolution de janvier 2011, qui a renversé l’ancien président, Hosni Moubarak. Les services de sécurité sont régulièrement critiqués par les organisations des droits de l’homme sur la question des abus. Selon le centre Al-Nadim pour la réadaptation des victimes de la violence, il y a eu, entre juin 2014 et juin 2015, 289 cas de torture, 272 décès, 97 cas de négligence médicale, et 16 cas d’agression sexuelle dans les lieux de détention.

Mohamad Zarie, président de l’Organisation arabe pour la réforme pénale, commente : « Les abus policiers sont très fréquents. Mais dans beaucoup de cas on n’en parle même pas. Ce qui est arrivé à Louqsor a soulevé des remous, car l’affaire a été médiatisée. Sinon, personne n’en aurait parlé. Le Parquet général doit contrôler les stations de police, car la récurrence de ces faits confirme que les officiers de police sont protégés ». Et d’ajouter : « Il n’y a pas de dissuasion contre les auteurs de ces crimes. Et même quand certains d’entre eux sont condamnés, ils sont remis en service ! ».

Nasser Amin, chef du bureau des plaintes au Conseil national des droits de l’homme, va plus loin en imputant la responsabilité aux dirigeants du ministère de l’Intérieur. « Beaucoup d’officiers ont pris l’habitude de recueillir des aveux en ayant recours à la torture, car ils savent très bien qu’ils ne seront pas punis pour ce crime », pense Amin.

Et même lorsqu’ils sont punis, les peines sont insuffisantes. En vertu de l’article 129 du code pénal, les personnes impliquées dans des actes de torture ne risquent qu’entre 1 et 3 ans de prison.

Bien qu’ils reconnaissent l’existence des abus, les responsables du ministère de l’Intérieur assurent qu’ils sont l’oeuvre d’une poignée de policiers indisciplinés. « Le ministère n’a jamais cherché à protéger les officiers qui commettent de tels abus. Si la torture était systématique, il n’y aurait pas eu tous ces policiers déférés devant la justice », affirme une source du ministère de l’Intérieur ayant requis l’anonymat. Et d'ajouter : « Il serait injuste de parler des abus des policiers sans dire qu'il y a chaque jour des policiers qui meurent pour défendre les citoyens et pour faire face au terrorisme. Plus de 600 policiers ont perdu la vie à cause de ce fléau. Il ne faut donc pas généraliser ».

Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a promis lors d’une visite inopinée à l’Académie de police le 3 décembre que les violations commises ne passeront pas impunies. Il a toutefois estimé que ces abus, qui ont lieu de temps à autre, étaient « des pratiques individuelles » et ne devraient pas valoir des critiques à l’appareil policier tout entier. « Les cas de décès imputables à la torture ont lieu dans un nombre limité de commissariats de police », a soutenu le président. Le chef de l’Etat a par ailleurs appelé la police à « veiller à l’application des dispositions de l’Etat de droit ». « Il est vrai que la police est engagée depuis plus de deux ans dans une âpre lutte contre le terrorisme, mais cela ne doit pas justifier les abus », affirme Abdel-Ghaffar Chokr du Conseil national des droits de l’homme, qui appelle à la réforme de tout l’appareil de la police.

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