Les travaux de construction du barrage de la Renaissance vont bon train.
Le Comité national tripartite (TNC) formé d’experts d’Egypte, d’Ethiopie et du Soudan s’est réuni au Caire afin de discuter des entraves qui empêchent le commencement des études sur l’impact environnemental et socioéconomique du barrage éthiopien de la Renaissance sur les pays en aval du Nil.
« L’Egypte a insisté sur sa position qui consiste à respecter le droit des pays riverains au développement sans nuire au quota historique de l’Egypte dans les eaux du Nil », affirme Alaa Yassine, conseiller du ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation, et membre du Comité égyptien de négociations.
« L’Egypte a profité de cette 9e réunion pour exprimer une fois de plus ses préoccupations à l’Ethiopie. Celles-ci concernent deux points : la lenteur des études sur l’impact du barrage sur l’Egypte et le Soudan et la poursuite des travaux de construction du barrage sans attendre la fin de ces études, ce qui rend les recommandations de celles-ci, une fois terminées, lettre morte », explique Yassine.
Mais il paraît que cette dernière réunion n’a abouti à rien. C’est pourquoi l’Egypte a demandé une nouvelle réunion au Caire au niveau des ministres des Affaires étrangères et de l’Irrigation des trois pays. Cette prochaine réunion devra avoir lieu au cours de ce mois de novembre et sera suivie d’une autre réunion technique du TNC à Khartoum, toujours au mois de novembre.
Le processus du choix des bureaux qui devaient se charger de ces études a commencé en août 2014 et se poursuit toujours. Dans un premier temps, deux bureaux européens ont été choisis pour accomplir lesdites études : le bureau français BRL ingénierie qui devrait accomplir 70 % des travaux, et le bureau hollandais Deltares, qui devrait en accomplir 30 %. Or, Deltares s’est retiré en septembre dernier jugeant que les conditions de travail ne garantissaient pas la réalisation d’une étude indépendante et de bonne qualité ! Vendredi dernier, Deltares a affirmé à l’Hebdo qu’il n’avait pas changé de position vis-à-vis de sa coopération avec BRL, avançant toujours le souci de manque « d’indépendance et de qualité de travail ». « Si le TNC nous invite directement à discuter de notre position, il est probable que nous acceptions », a assuré à l’Hebdo Carola de Vree, la responsable de communication de Deltares.
Dès que l’Ethiopie a annoncé en 2010 son intention de construire le barrage de la Renaissance sur les eaux du Nil Bleu pour relancer son développement économique et agricole, l’Egypte a commencé à s’inquiéter vis-à-vis de ce projet qui pourrait affecter sa part des eaux du Nil. L’inquiétude de l’Egypte a augmenté avec le début des travaux de construction en avril 2011. Depuis, Le Caire s’est engagé dans un long processus de négociations avec Addis-Abeba afin de s’assurer que le barrage n’aura pas d’impact négatif sur son approvisionnement en eau.
De son côté, l’Ethiopie accélère la construction du barrage dont 45 % des travaux ont déjà été accomplis.
Lors de la dernière réunion au Caire, l’Egypte a refusé que BRL mène toute seule les études en question, selon une proposition éthiopienne. « On essayera de résoudre les différends entre les deux bureaux, sinon on trouvera d’autres solutions », assure Yassine.
Mais il paraît que la gestion actuelle du dossier n’est pas efficace aux yeux de certains experts proches du dossier. « L’Egypte doit adopter une position plus ferme », commente l’ambassadrice Mona Omar, ancienne assistante du ministre des Affaires étrangères pour les affaires africaines. Selon elle, l’Egypte doit absolument changer le parcours des négociations et adopter une approche politique plutôt que technique.
Elle affirme que les experts égyptiens ont tous assuré que le barrage de la Renaissance aura une influence négative sur le quota égyptien des eaux du Nil. « Ce n’est plus un secret : les Egyptiens vivent déjà en dessous du seuil de pauvreté en eau, et l’inquiétude de l’Egypte vis-à-vis du barrage de la Renaissance est tout à fait légitime », indique Omar. « Pour défendre la sécurité nationale, l’Egypte doit demander à l’Ethiopie d’arrêter les constructions tout de suite jusqu’à l’accomplissement des études hydriques, environnementales et socioéconomiques », ajoute-t-elle.
« C’est bien de préserver les bonnes relations avec l’Ethiopie, mais il faut plus tenir à ses intérêts. Il est indispensable de créer une opinion publique mondiale afin de soutenir la position égyptienne. Cela pourra être réalisé à travers la diplomatie égyptienne. A mon avis, tout ce dossier doit être suivi par le ministère des Affaires étrangères », estime Omar.
Le conseiller du ministre de l’Irrigation n’est pas inquiet. Selon lui, l’accord de principe signé le 23 mars à Khartoum oblige les trois pays à respecter les recommandations de deux cabinets conseils en ce qui concerne l’impact environnemental et socioéconomique du barrage.
Un optimisme que ne partage pas l’ancienne diplomate. Omar rappelle qu’un accord plus important signé entre les présidents Hosni Moubarak et Meles Zenawi en 1993 n’a pas été respecté par Addis-Abeba. Cet accord stipule qu’aucun pays ne peut prendre des mesures susceptibles de nuire aux intérêts hydriques de l’autre. « Qu’est-ce qui garantit alors que l’accord de principe sera respecté ? », se demande-t-elle.
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