La Cour de cassation vient d’alléger les peines de prison prononcées à l’encontre de deux cadres des Frères musulmans, Mohamad Al-Beltagui et Safwat Hégazi, condamnés initialement à 20 ans de réclusion. Tous deux étaient accusés d’avoir torturé des policiers sur la place Rabea Al-Adawiya, en 2013 au moment du sit-in des Frères musulmans en soutien à Mohamad Morsi, ancien président islamiste. La Cour a réduit leurs peines à 10 ans. Même chose pour Abdel-Aziz Ibrahim et Mohamad Mahmoud, deux autres membres de la confrérie dont les peines ont été ramenées de 10 à 5 ans de prison.
Parallèlement, la Cour de cassation a annulé la décision prise en mars dernier par l’ancien procureur général, Hisham Barakat, de placer le guide suprême des Frères musulmans, Mohamad Badie, et 17 autres membres de la confrérie, sur la liste des personnes considérées comme terroristes. La Cour a estimé que la décision de placer des personnes sur la liste des terroristes revient uniquement à un tribunal et non pas au procureur.
Quelle est la portée de ces deux verdicts ? Et surtout traduisent-ils une volonté de la part de l’Etat de temporiser avec la confrérie ? « L’allégement des peines à l’encontre de certains dirigeants de la confrérie s’explique par le contexte politique actuel », commente Sameh Eid, spécialiste des mouvements islamistes. « La situation a évolué tant sur le plan interne qu’externe. Sur le plan interne, l’Etat n’a plus besoin d’arguments jurdiques contre la confrérie pour confirmer sa légitimité. Sur le plan régional et international, il y a eu des évolutions importantes. Les pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite, font pression sur l’Egypte car ils ont besoin des Frères musulmans pour renforcer leur front sunnite contre l’Iran et la Syrie. L’Egypte, qui a besoin des aides financières du Golfe, doit prendre en considération cet aspect. Par ailleurs, il existe aussi des pressions de la part des Etats-Unis et de l’Europe sur les questions de liberté et des droits de l’homme », affirme Eid.
Certains événements semblent appuyer cette idée. En décembre 2014, 30 Frères musulmans, jugés pour port illégal d’armes dans les incidents survenus devant le siège de la confrérie en 2013, ont été acquittés. En juillet 2015, 100 membres de la confrérie, jugés pour terrorisme, ont été également acquittés. Enfin, le 2 novembre 2015, la Cour d’appel a accepté de rejuger 77 membres de la confrérie, jugés pour violence après la chute de Morsi. Nasser Amin, membre du Conseil national des droits de l’homme, commente le second verdict se rapportant à la décision du Parquet de placer des personnes sur la liste des personnes considérées comme terroristes. « Après la chute de l’ancien président, Mohamad Morsi, les institutions judiciaires ont commis beaucoup d’erreurs. D’où l’importance de les corriger ».
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