Alexandrie,
De notre correspondante –
« C’est une véritable catastrophe. On aurait cru un déluge ». C’est en ces termes qu’Oum Mohamad, qui habite le quartier de Moharram Bey, à Alexandrie, décrit les pluies torrentielles qui se sont abattues cette semaine sur la ville. Depuis dimanche, la cité méditerranéenne, frappée par des vents violents, de très fortes pluies et des orages, vit sous les eaux.
Les intempéries de dimanche ont fait 5 morts, selon un bilan dressé par le ministère de la Santé. Un jeune homme de 29 ans est mort électrocuté lorsqu’un câble électrique qui alimente le tramway est tombé dans une rue inondée du quartier populaire de Moharram Bey. Une autre personne a trouvé la mort également électrocutée après être tombée dans une fosse où se trouvaient des câbles électriques. Et une troisième est morte noyée dans sa voiture, prise au piège dans les eaux torrentielles, sous le pont Al-Mandara, à l’est de la ville.
« Il y a aussi de nombreux disparus. Le bilan pourrait donc s’alourdir. Les secours et les pompiers n’ont pas réussi à sauver les gens dans plusieurs quartiers de la ville », se lamente Marwa, femme au foyer et mère de deux enfants. Alexandrie n’avait jamais connu de pluies aussi diluviennes depuis des années. La corniche de la ville et certaines rues ont été totalement inondées par les eaux des pluies et celles d’une mer fortement agitée. A plusieurs endroits de la ville, les maisons, magasins, banques, tribunaux, écoles, universités et commissariats de police ont été inondés par les eaux.
Les vents forts ont arraché les panneaux publicitaires, et entraîné la chute de plusieurs échafaudages de construction. Des coupures de courant et de lignes téléphoniques ont en outre été signalées. Beaucoup d’Alexandrins n’ont pas pu rentrer chez eux et sont restés coincés dans leurs lieux de travail. Idem pour les élèves et les étudiants qui n’ont pas pu quitter leurs écoles ou leurs universités. « La tempête a commencé vers 9h du matin. La plupart des gens étaient partis au travail, à l’école ou au marché. Ma soeur, étudiante à l’université, a été coincée dans sa faculté jusqu’au soir », témoigne Islam Mohamad, un jeune Alexandrin.
Scènes de détresse
Quelques jours après le drame cependant, la situation s’est quelque peu stabilisée, et des camions-citernes dépêchés par les services municipaux ont aspiré les marres d’eau. Toutefois, certaines petites ruelles, surtout dans les bidonvilles, sont encore recouvertes d’eaux ou de boue, ce qui rend difficile la circulation piétonne. Et on peut voir encore quelques scènes de détresse : des voitures incapables de démarrer, et des objets divers qui flottent à la surface de l’eau. Certaines rues ont été totalement fermées à la circulation.
Tandis que le gouvernement a décidé de fermer les deux ports d’Alexandrie et de Dékheila, l’Office de météorologie s’attend à la poursuite de l’état d’instabilité pendant quelques jours encore. Les deux aéroports d’Alexandrie et de Borg Al-Arabe ont également été fermés pour quelques heures en raison du mauvais temps. « Nous faisons face à une énorme catastrophe environnementale et les services de secours du gouvernorat de Béheira ont refusé de nous aider », a annoncé le gouverneur Hani Al-Messiry, avant de présenter sa démission, dimanche soir, au premier ministre, Chérif Ismaïl.
Le lendemain de la tempête, le gouvernement a tenu une réunion d’urgence pour discuter les conséquences des pluies torrentielles. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a demandé au premier ministre de se rendre dans la ville et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire face à ce drame. 75 millions de L.E. ont en outre été débloquées pour entretenir le réseau d’évacuation des eaux des pluies, et un comité a été formé pour recenser les dégâts. La ministre de la Solidarité sociale, Ghada Wali, qui a accompagné le premier ministre à Alexandrie, a décidé de verser 10 000 L.E. à chacune des familles des personnes décédées et 2 000 L.E. pour chaque blessé.
Un réseau d’égout désuet
Ce n’est pas la première fois que la ville d’Alexandrie est frappée par des pluies torrentielles. En décembre 2010, des chutes de pluie accompagnées de vents violents avaient affecté la ville. La tempête avait fait au moins 31 morts. La majorité des victimes avaient péri dans des effondrements de bâtiments et des accidents de la route. En janvier 2013, le mauvais temps avait provoqué la mort de 10 pêcheurs à Alexandrie et à Marsa Matrouh. Mais la situation cette fois-ci est différente. « C’est la première fois qu’Alexandrie est inondée d’une telle façon et que la circulation y est paralysée pendant plus de 16 heures. C’est un vrai fiasco pour les responsables du gouvernorat et des municipalités », affirme Riham Saïd, professeure à l’Université d’Alexandrie.
Le réseau d’égout d’Alexandrie, responsable de l’évacuation des eaux des pluies, est désormais pointé du doigt. Ce réseau, l’un des plus anciens d’Egypte, est désuet et mal entretenu. Selon les services de météorolgie, 3,4 millions de mètres cubes d’eau se sont déversés sur la ville d’Alexandrie en l’espace de quelques heures, alors que la capacité du réseau d’évacuation des eaux ne dépasse pas 1,4 million de mètres cubes.
« Les ordures accumulées dans les rues de la ville ont été emportées par les eaux des pluies et ont obstrué les canalisations, ce qui a accentué le problème. Le niveau de l’eau a atteint une hauteur de trois mètres dans certains lieux », explique un responsable au gouvernorat d’Alexandrie qui a requis l’anonymat. Il reconnaît que le réseau d’égout est désuet. « Le réseau devait être entretenu. Mais, le gouverneur était occupé par le projet de modernisation du tram. Il voulait le climatiser et le doter de cafétérias », affirme le responsable.
Avant le drame, les Alexandrins envisageaient de manifester pour protester contre le problème des ordures qui s’entassent dans les rues de la ville. Après les pluies et en l’absence complète des services de secours, les Alexandrins ont dû désengorger eux-mêmes les canalisations pour faire évacuer les eaux inondant les rues.
Alexandrie n’est pas la seule ville frappée par le mauvais temps. La région de la mer Rouge est également touchée. Dans le gouvernorat du Sud-Sinaï, l’état d’alerte a été déclenché en raison des mauvaises conditions météorologiques. Les régions de Ras Sedr et de Sainte-Catherine ont connu elles aussi de très fortes pluies, tandis qu’une tempête de sable s’est abattue sur la région de Taba. L’autoroute reliant Taba à Noweiba a été fermée à la circulation en raison de la visibilité réduite.
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