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Un parlement sans femmes et face à des défis

Najet Belhatem, Lundi, 19 octobre 2015

De la religion pour bannir la religion. C’est le flou du discours religieux officiel face aux législatives. Des femmes candidates beaucoup plus présentes chez les salafistes que chez les libéraux. C’est le paradoxe. Et enfin, le parlement et les 400 lois promulguées par la présidence. C’est la question.

« La participation des citoyens aux élections et le vote sont une obligation religieuse aussi importante que l’obliga­tion de faire la prière. Et qui n’honore pas cette obligation est mis sur le même niveau que celui qui délaisse la prière ». Ces propos ne sont pas ceux d’un imam lambda, mais d’un membre du conseil des recherches islamiques dépendant d’Al-Azhar, Dr Abdallah Al-Naggar, lors d’une émission de télévision, et ils ont été repris par toute la presse dont Al-Youm Al-Sabie.

En fait, ces propos sont une réaction à certaines fatwas qui auraient interdit la participation au scrutin. Et c’est ainsi que le mufti de la République, Chawqi Allam, est lui aussi monté au créneau en déclarant que ces fatwas sont illicites « parce qu’elles usent de la religion à des fins politiques ». « Le mufti a critiqué l’usage de la terminologie religieuse comme le licite et l’illicite dans le cadre du processus politique », rapporte le site d’informations Aswat Masriya. Bonne initiative : il reste à savoir quand les institutions religieuses officielles accorderont leurs violons vu les déclarations citées plus haut teintées forte­ment de religion. Mais fait marquant malgré tout, c’est la pre­mière fois qu’Al-Azhar, le ministère des Waqfs et autres institu­tions religieuses officielles ont, au niveau de leurs représentants, interdit l’usage de la religion à des fins de campagne électorale. Ainsi, le cheikh Mohamad Abdel-Razeq, président du secteur religieux au ministère des Waqfs, qui gère notamment les mos­quées, a déclaré au quotidien Al-Masri Al-Youm : « Le ministère a interdit l’exploitation des mosquées à des fins électorales ». Mais il n’a pas pu s’empêcher d’ajouter : « Aller voter est un acte de témoignage obligatoire et de loyauté. Et celui qui se refuse à témoigner fait injure à son coeur ». Une terminologie hautement religieuse vu qu’occulter son témoignage est un acte très réprimandé par la rhétorique religieuse musulmane. Pour dire que la bataille à ce niveau-là n’est sûrement pas gagnée.

Ce n’est pas l’heure des femmes

L’autre grand sujet qui a retenu l’attention de la presse est la participation des femmes aux élections. Aswat Masriya nous apprend que « les candidatures de femmes des partis politiques lors de ces élections n’ont pas assouvi les espoirs et les ambi­tions des organisations de défense des droits de la femme. Les partis ont rétorqué que ce sont les femmes qui n’ont pas exprimé un enthousiasme face à la participation en tant que candidates de peur de se voir broyées dans une rude bataille pour les listes individuelles. Le nombre de femmes qui se sont présentées aux élections est de 308, selon le porte-parole de la Haute commis­sion des élections. Al-Wafd (néo-libéral) vient en tête des partis qui ont mis des candidates sur leurs listes électorales, avec 11 %, c’est-à-dire 22 femmes sur 200 candidats. Vient ensuite le parti (salafiste) Al-Nour, avec 26 femmes sur 270 candidats ». Paradoxalement, les partis de gauche ont boudé les femmes. Ainsi, l’Alliance populaire socialiste n’a présenté qu’une femme sur 11 candidats et le parti du Rassemblement, une femme seu­lement sur un total de 22 candidats. Les dernières modifications de la loi électorale garantissent à la femme un quota de 70 sièges au parlement.

Al-Shorouk, qui a consacré beaucoup d’articles à la participa­tion des femmes à ces législatives, a fait le portrait d’une candi­date indépendante dans la circonscription d’Al-Omraniya dans le quartier Al-Haram au sud du Caire, qui a donné ses voix au parti des Frères musulmans lors du dernier scrutin. « Je n’avais pas l’intention de présenter ma candidature, mais en janvier dernier, j’ai eu une vision durant mon sommeil, et à partir de son interprétation selon laquelle j’allais occuper un important poste, j’ai décidé de déposer ma candidature », a dit Asmaa Hakim au quotidien. « Asmaa, qui est la fille d’un propriétaire d’une école dans ce quartier, a en face d’elle 17 candidats, mais les habitants de la circonscription l’ont appelée la candidate ambitieuse ». La dame à la vision compte sur le soutien des femmes qui constituent, selon elle, 67 % des habitants de la circonscription pour accéder au siège du parlement. Et à part sa vision, elle n’a rien dit de concret en ce qui concerne son pro­gramme.

Que va faire le parlement ?

Le site d’informations Yenair a dressé pour sa part la liste des grands défis du prochain parlement dont « la modification de la Constitution ». Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a déclaré que la Constitution actuelle « a été rédigée sur la base des bonnes volontés. Or, les Etats ne se construisent pas par les bonnes volontés ». La Constitution actuelle accorde beaucoup de préro­gatives au parlement peut-être plus que celles de la présidence. Ce que les symboles du régime considèrent comme un prélude à un conflit entre les institutions de l’Etat. L’un d’eux, l’écrivain et journaliste Moustapha Bakri, a déclaré que l’élargissement des pouvoirs du président est une nécessité et doit être la prio­rité du prochain parlement. L’autre grand défi selon le site d’informations, « ce sont les 400 lois promulguées par le prési­dent Sissi en un an de présidence dont 79 durant le mois de décembre de l’année dernière. Or, une seule saison parlemen­taire du parlement ne suffira pas à discuter ce nombre de lois. Sauf si ces lois vont être passées au parlement juste pour appro­bation comme le préconise le général Sameh Seiffel-Yazal dans des déclarations à la presse : Le prochain parlement doit approuver toutes les lois promulguées à la tête de l’Etat pour faciliter le travail de l’assemblée et gagner du temps ».

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