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Candidats coptes chez Al-Nour, une alliance ambiguë

May Atta, Mardi, 29 septembre 2015

Critiqué pour avoir intégré des coptes sur ses listes électorales, le parti salafiste Al-Nour est au centre d’une vive polémique. Ses chances aux élections législatives paraissent de plus en plus minces.

Le parti salafiste Al-Nour est dans la tourmente. Depuis quelques semaines, il fait face à un déluge de critiques. La dernière en date concerne sa décision de présenter 24 coptes sur ses listes électorales. Bien que la loi électorale rende obligatoire la candidature des coptes sur les listes électorales des partis politiques, le fait que les coptes, qui se présentent sur les listes d’Al-Nour, soient des opposants à l’Eglise, a créé une vive polémique dans les milieux chrétiens.

« Ce n’est pas la première fois que le parti salafiste choisit son intérêt. Il a collaboré avec les Frères musulmans après la révolution de 2011 et lorsque la révolution du 30 juin a commencé, il a changé de veste et s’est aligné sur le nouveau régime dirigé par le président Abdel-Fattah Al-Sissi », souligne Mamdouh Ramzy, avocat copte.

Le parti Al-Nour a été fondé après la révolution de janvier 2011 et il était la deuxième force politique au parlement de 2012, après les Frères musulmans. Les positions des salafistes ont toujours été perçues comme « discriminatoires », à l’égard des coptes, notamment en raison de l’interdiction qu’ils font aux musulmans de célébrer Noël ou Pâques avec les chrétiens.

Al-Nour a intégré des membres de mouvements chrétiens en désaccord avec l’Eglise sur la question du statut personnel et de l’autorisation du divorce. La plus remarquable de ces organisations est Coptes 38, un mouvement laïque fondé en 2011 par l’activiste copte, Nader Al-Sérafy, pour exiger l’assouplissement des conditions liées au divorce que l’Eglise orthodoxe n’autorise que dans des cas très restreints.

Al-Sérafy a annoncé qu’il présentait sa candidature sur les listes du parti Al-Nour, qu’il était « totalement convaincu par le programme du parti » et que Al-Nour avait « joué un rôle essentiel dans la réussite de la révolution du 30 juin ».

L’avocat Mahmoud Ramzy s’insurge contre ce qu’il considère être une « mascarade ». « Rien d’étonnant que les membres de Coptes 38 se présentent sur les listes d’Al-Nour. L’Eglise n’est pas satisfaite de ce qui se passe, mais son rôle est seulement spirituel et ne peut pas prendre de mesures contre eux », affirme-t-il.

Ramy Kamel, activiste copte et coordinateur de l’Union des jeunes de Maspero, est convaincu que ces coptes ont perçu de l’argent. « Si, demain, une nouvelle loi libère les parties de la contrainte d’inclure les coptes, Al-Nour va assurément faire partir ces coptes et ne pas les inclure sur ses listes », affirme l’activiste.

Le parti Al-Nour a été souvent critiqué pour son idéologie ultra-conservatrice qui refuse la présence des chrétiens et des femmes dans la vie politique. Lors des législatives de 2012, aucun copte ne figurait sur les listes du parti. En outre, les femmes candidates sur les listes d’Al-Nour ne publiaient pas leurs photos et se contentaient de symboles.

Faux discours

Gamal Assaad, ancien député et politicien copte, explique : « La principale référence du parti Al-Nour est l’association salafiste d’Alexandrie qui a émis de nombreuses fatwas étranges. Ils ont déclaré par exemple que les chrétiens sont des infidèles et qu’un chauffeur de taxi musulman n’a le droit de conduire un chrétien ni à un bar, ni à un prêtre, ni à une église. Cette association a également interdit aux coptes les postes de direction au sein de l’Etat, comme le poste de gouverneur, de ministre ou de président. La présence des coptes sur les listes d’Al-Nour est juste une nécessité électorale pour le parti qui n’est pas en accord avec ses principes ».

Selon Assaad, les candidats coptes qui se présentent sur les listes d’Al-Nour sont isolés du peuple, et les coptes ne voteront pas pour eux. Répliquant aux critiques, Salah Abdel-Maaboud, porte-parole du parti Al-Nour, considère, lui, que la présence de coptes au sein du parti Al-Nour est « naturel car Al-Nour est un parti pour tous les Egyptiens et non pas pour une faction particulière. Nous avons des coptes, des femmes, des jeunes, des ouvriers et des paysans. Nous accordons une attention toute particulière aux personnes qui souffrent de handicaps et nous les intégrons à nos listes ». Il affirme que son parti n’est pas un « parti religieux » mais un parti « à référence religieuse », ce qui est en accord avec l’article II de la Constitution, qui stipule que la charia islamique est la source de législation.

Pourtant, les critiques autour d’Al-Nour se multiplient et une campagne intitulée « Non aux partis religieux » a été lancée récemment par des militants de tous bords.

Très critiqué, Al-Nour a dû manoeuvrer pour se maintenir sur la scène politique. Sa situation paraît aujourd’hui incertaine en vue des élections législatives. Et il pourrait perdre des voix, car ses bases ultra-conservatrices n’acceptent pas les candidatures coptes.

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