Une centaine de prisonniers, pour la plupart condamnés à des peines de prison pour avoir transgressé la loi sur les manifestations, ont été graciés cette semaine par le président de la République à l’occasion de la fête du Grand Baïram.
Parmi les graciés figurent les deux activistes, Sanaa Seif et Yara Sallam, condamnées à deux ans de prison pour manifestation illégale devant le Conseil consultatif, le jeune poète et activiste, Omar Hazeq, et les activistes Hani Al-Gamal et Peter Galal Youssef.
La liste des personnes graciées comprend, en outre, les deux journalistes de la chaîne Al-Jazeera, Mohamad Fahmy et Baher Mohamad. Les deux journalistes avaient été condamnés fin août, en compagnie de l’Australien Peter Greste, qui travaillait également pour Al-Jazeera, à trois ans de prison pour avoir « diffusé de fausses informations », dans le procès médiatiquement connu sous le nom de « Cellule du Marriott ».
L’avocate britannique d’origine libanaise, Amal Clooney, a remercié le président Abdel-Fattah Al-Sissi pour la libération des deux journalistes de la chaîne qatari. Clooney était récemment au Caire pour défendre Fahmy et avait demandé au chef de l’Etat d’user de ses pouvoirs pour pardonner les journalistes d’Al-Jazeera.
Plusieurs centaines de protestataires islamistes et des dizaines de manifestants faisant partie de mouvements laïques ou de gauche sont toujours détenus en vertu de la loi sur les manifestations.
Cette grâce présidentielle est la quatrième depuis l’accession du président Abdel-Fattah Al-Sissi au pouvoir. La première grâce a eu lieu en janvier 2015, à l’occasion du quatrième anniversaire de la révolution du 25 janvier, et la seconde a eu lieu en mars. 145 étudiants avaient alors été libérés. Quant à la troisième grâce, elle a eu lieu en juin dernier. 165 détenus avaient été libérés, la plupart des islamistes arrêtés dans les manifestations contre le pouvoir du président Sissi.
Réactions des ONG
Activistes et défenseurs des droits de l’homme qualifient cette grâce présidentielle de « positive », en rappelant toutefois que des centaines d’activistes sont encore dans les prisons. « Le Conseil national des droits de l’homme avait envoyé au président une liste de 700 jeunes détenus, notamment pour avoir enfreint la loi sur les manifestations. Or, le nombre de graciés ne dépasse pas les 350 », regrette Georges Ishaq, du Conseil national des droits de l’homme.
Des centaines de ces jeunes détenus avaient été arrêtés lors des manifestations sur les campus universitaires, l’année dernière, qui avaient témoigné de violence de la part d’étudiants islamistes hostiles au président Abdel-Fattah Al-Sissi.
De nombreux autres, toujours en prison, sont des activistes politiques comme Alaa Abdel-Fattah, Ahmad Maher et Ahmad Douma, condamnés à trois ans de prison pour avoir participé à une manifestation à Abdine. « Ces jeunes n’ont ni tué ni volé. Ils n’ont fait qu’exprimer leur avis. Il est inacceptable qu’ils restent en prison. D’ailleurs, le Conseil national des droits de l’homme avait émis des réserves au sujet de la loi sur les manifestations, mais l’Etat n’en a jamais tenu compte », affirme, pour sa part, l’avocate Ragia Omaran, de l’équipe de défense de Sanaa Seif, soeur de Alaa Abdel-Fattah. Et d’ajouter : « Il ne faut pas oublier que c’est grâce aux manifestants que le régime islamiste de Mohamad Morsi a chuté. Il faut cesser les procès politiques ».
Pour Khaled Dawoud, militant et ancien secrétaire général du parti Al-Dostour, cette grâce présidentielle est un pas qui doit être suivi par d’autres. « Le président a une chance réelle devant lui pour ouvrir une nouvelle page avec les jeunes de la révolution, s’il libère tous les jeunes détenus à cause de la loi sur les manifestations. Ahmad Douma, Ahmad Maher et Mohamad Adel doivent être libérés, de même que Alaa Abdel-Fattah et Ahmad Abdel- Rahman, accusés dans le procès du Conseil consultatif. Il y a aussi la militante Mahinur Al-Masry, le journaliste Youssef Chaaban et le jeune Mahmoud Mohamad, arrêté il y a deux ans lors du troisième anniversaire de la révolution du 25 janvier », affirme Dawoud.
La grâce présidentielle intervient quelques jours avant la rentrée universitaire et avant le départ du président Sissi à New York pour assister aux travaux de l’Assemblée générale de l’Onu. « C’est un double message destiné tant à l’Egypte qu’à l’étranger », affirme Hazem Hosni, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Selon lui, sur le plan interne, c’est un geste d’apaisement avant la rentrée universitaire. Le campus universitaire a été l’année dernière un lieu de troubles, de manifestations violentes et d’accrochages avec les forces de l’ordre. La sécurité considère sans doute que la situation n’est pas tout à fait stable à l’université.
Sur le plan externe, toujour selon Hosni, c’est également un message visant à calmer les critiques à l’étranger sur les questions des droits de l’homme, surtout que l’Egypte cherche à obtenir un siège permanent au sein du Conseil de sécurité de l’Onu. « Les appels lancés par certains en faveur d’un amendement de la Constitution et d’un élargissement des pouvoirs présidentiels n’ont pas été très bien accueillis à l’étranger, d’où ce geste d’apaisement », indique le chercheur en sciences politiques.
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