Le chef de la diplomatie lybienne a été reçu au Caire par son homologue Sameh Choukri.
(Photos : AP)
La progression des combattants de l’EI en Libye préoccupe Le Caire qui craint l’avènement d’un Etat intégriste à ses frontières ouest. Profitant du chaos qui règne en Libye, en proie à une guerre civile depuis la chute de Moammar Qadhafi en 2011, l’EI a consolidé sa présence sur le territoire libyen et s’est emparé de la ville de Syrte, suite à de violents combats avec des groupes locaux qui ont fait quelque 150 à 200 morts. Le Caire, qui soutient le gouvernement légitime de Abdallah Al-Theni basé à Tobrouk, et l’armée libyenne dirigée par le général Khalifa Haftar, craint une infiltration d’éléments terroristes sur son territoire par les frontières ouest, et l’augmentation du trafic d’armes à destination du Sinaï, si l’EI venait à contrôler la Libye. «
Si l’EI venait à contrôler la Libye, cela compliquerait la tâche de l’Egypte qui aurait alors à mener la bataille contre le terrorisme sur deux fronts différents. Les craintes de l’Egypte sont d’autant plus grandes que les frontières ouest sont très étendues et difficiles à sécuriser », analyse le politologue Yousri Al-Azabawi du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’
Al-Ahram. C’est dans ce contexte que le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamad Al-Dairi, a été reçu cette semaine au Caire par son homologue égyptien Sameh Choukri.
« Il fut notamment question de la détérioration de la sécurité en Libye et les horribles violations commises par Daech contre les civils non armés », a déclaré le porteparole du ministère des Affaires étrangères, Ahmad Abou-Zeid, soulignant que « l’Egypte coordonne avec la Libye dans le cadre de la Ligue arabe et l’Organisation des Nations- Unies ». « Il n’y a aucune différence entre le groupe terroriste Daech en Libye, en Iraq, ou en Syrie, car il représente le même danger et doit être traité avec sérieux. Il faut prendre au sérieux la menace de l’EI », a ajouté Abou- Zeid. Choukri a assuré à son homologue libyen l’engagement de l’Egypte en vue d’assurer le soutien international au gouvernement libyen reconnu, et mettre en oeuvre la résolution 2 214 de 2015 du Conseil de sécurité, qui souligne la nécessité de fournir une assistance au gouvernement libyen en matière de sécurité. En outre, le ministre libyen des Affaires étrangères a reçu, samedi 22 août, l’envoyé de l’Onu en Libye, Bernardino Léon. L’entretien a porté sur le dialogue national libyen et les efforts visant à former un gouvernement d’union nationale conformément à l’accord de Skhirat. « L’Egypte, qui coopère déjà avec le gouvernement libyen légitime en matière de renseignements, agit dans plusieurs directions. Elle pousse en faveur d’une application de l’accord de Skhirat afin de former un gouvernement d’union et tente de faire pression sur les Occidentaux pour lever l’embargo sur les armes fournies à la Libye », assure Al-Azabawi. L’armée égyptienne avait bombardé le 16 février dernier des positions de l’EI à Derna en Libye, au lendemain de la diffusion d’une vidéo montrant la décapitation de 21 Egyptiens de confession copte. L’opération a visé des camps, des sites d’entraînement et des arsenaux du groupe intégriste à proximité de la frontière libyenne. Des avions libyens avaient aussi participé à l’attaque contre Derna, petite ville côtière de l’est libyen qui sert de base aux djihadistes de l’EI.
Lancer des frappes
Le gouvernement libyen reconnu, affaibli financièrement et militairement par la guerre civile et l’embargo, est incapable de faire face à la menace de l’EI. La Libye a exhorté publiquement les pays arabes à lancer des frappes aériennes ciblées contre les positions de l’EI à Syrte. Un responsable au ministère des Affaires étrangères libyen a déclaré que « la Libye a reçu des signaux positifs de pays comme l’Egypte, les Emirats et l’Arabie saoudite, en vue d’une intervention aérienne à Sirte, pour attaquer des positions de l’EI ». Le responsable, qui a requis l’anonymat, a ajouté que « si l’Egypte accepte d’intervenir militairement, un accord de défense commun sera signé entre l’Egypte et la Libye au cours de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au siège de la Ligue arabe cette semaine au Caire ». Mais pour Yousri Al-Azabawi, il est peu probable que l’Egypte mène des frappes hors du cadre de la Ligue arabe. « L’Egypte veut former un front arabe pour intervenir en Libye. Le problème est que les pays arabes sont actuellement engagés en Iraq, en Syrie et au Yémen. La requête libyenne en faveur d’une intervention arabe arrive au mauvais moment, l’Arabie saoudite a un déficit budgétaire, l’Algérie est contre toute intervention militaire, et il y a peu de chances qu’elle réponde aux sollicitations libyennes », affirme Al-Azabawi. Et d’ajouter que des frappes ne donneront pas de résultats si l’embargo sur les armes imposé à la Libye n’est pas levé. « Le Caire, longtemps pris par sa querelle avec le Qatar et la Turquie, doit continuer à soutenir les autorités libyennes légitimes et le général Haftar, et poursuivre ses efforts en vue d’une levée de l’embargo sur les armes », conclut Azabawi.
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