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L’Etat se renforce face au terrorisme

May Al-Maghrabi, Mardi, 18 août 2015

La nouvelle loi sur le terrorisme a été ratifiée, dimanche, par le président de la République. Elle élargit la notion de terrorisme et renforce les pouvoirs de l'exécutif.

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L'attentat contre le procureur, Hicham Barakat, a relancé les appels à durcir les lois antiterroristes

La nouvelle loi sur le terrorisme, ratifiée dimanche par le président de la République, intervient au moment où l’armée et la police sont engagées dans une âpre lutte contre le terrorisme essentiellement dans la péninsule du Sinaï, où des groupes comme Province du Sinaï, branche égyptienne de l’Etat Islamique (EI), sont particulièrement actifs. La loi élargit la définition du terrorisme. Ainsi, elle considère comme acte terroriste « tout usage de la force, de la violence, de la menace ou de l’intimidation dans le but de troubler l’ordre public », de même que toute activité visant à « entraver le travail des institutions de l’Etat, des lieux de culte, des hôpitaux, des institutions éducatives, des missions diplomatiques et des organisations régionales et internationales ». Même chose pour les atteintes aux « systèmes de télécommunications, au système bancaire et à l’économie nationale », dans un souci de s’attaquer aux circuits financiers du terrorisme. Des sections spéciales consacrées au terrorisme seront créées dans les tribunaux pénaux en vertu de la loi. Objectif : accélérer les procédures de jugement.

La loi a, en outre, durci les peines à l’encontre des crimes terroristes. Ainsi, toute personne qui fonde une organisation terroriste encourt la peine capitale, et toute personne qui aide un groupe terroriste directement ou indirectement en Egypte ou à l’étranger en formant des personnes à l’usage ou à la fabrication des armes, qu’elles soient conventionnelles ou non, est passible d’une peine de prison de 20 ans au minimum. En outre, toute personne qui se rallie à un groupe terroriste ou qui participe à ses activités tout en connaissant ses objectifs encourt une peine minimum de 10 ans de prison. L’article 3 de la loi stipule que « toute personne qui possède reçoit, collecte, transmet, ou fournit de manière directe ou indirecte des fonds, des munitions, des explosifs, des équipements, des données ou des informations pour s’en servir à des fins terroristes est passible d’une peine de prison à perpétuité ». L’article 54 donne au président de la République, avec l’accord du parlement, le droit de « prendre les mesures susceptibles de préserver la sécurité et l’ordre public », en cas de danger terroriste tel que l’évacuation et l’isolement de certaines régions ou l’instauration du couvre-feu et ce, pour une période maximale de 6 mois. La loi donne à la police le droit de détenir jusqu’à 7 jours toute personne suspecte d’un acte terroriste. Le suspect ne peut être détenu au-delà que moyennant un ordre écrit du Parquet expliquant les raisons de sa détention.

Enfin, la loi a annulé une clause controversée prévoyant une peine de prison pour la publication de fausses informations sur des attaques terroristes. La peine de prison a été remplacée par une amende allant de 200 000 à 500 000 L.E. pour toute information sur des actes terroristes provenant d’une source autre que le ministère de la Défense.

Vif débat

La loi est au centre d’un vif débat entre ceux qui craignent les dérives policières, et ceux qui la considèrent comme l’une des nécessités de la lutte contre le terrorisme. Nour Farahat, juriste, regrette que le gouvernement ait promulgué cette loi sans prendre en considération les réserves formulées par les forces politiques et la société civile. « Cette loi apparaît comme un assemblage d’amendements du code pénal ajouté à des dispositions de la loi d’urgence », affirme Farahat. Et d’ajouter : « La loi donne les mains libres aux services de sécurité. Elle est formulée dans des termes vagues et élastiques ».

Farahat mentionne à titre d’exemple l’article 54 qui donne au président de la République tous les pouvoirs prévus par la loi d’urgence, sans pour autant déclarer l’état d’urgence. « Cette loi est dominée par l’approche sécuritaire. La meilleure manière de faire face au terrorisme est d’avoir un Etat de droit plutôt que d’instaurer des lois inconstitutionnelles », ajoute le juriste, qui pense que la loi comprend plus d’inconvénients que d’avantages. « A titre d’exemple les articles 33 et 37 élargissent les pouvoirs de la police et du Parquet », affirme Farahat.

Les experts en matière de terrorisme pensent au contraire que cette loi est « nécessaire » pour faire face au terrorisme. « Ce projet donnera à l’Etat la possibilité de resserrer l’étau autour des organisations terroristes », affirme Abdel-Moneim Al-Saïd, expert militaire. Il ajoute que certains facteurs entravent l’action de l’Etat en matière de lutte contre le terrorisme, et cette loi « permet d’y remédier ». « Il y a à titre d’exemple la complication des procédures liées à l’arrestation des terroristes. Il est nécessaire que ces procédures soient facilitées pour prévenir certains actes terroristes. Par ailleurs, la création de sections spécialisées dans le terrorisme dans les tribunaux pénaux est un élément positif, car les procès s’étalent sur des années », affirme Al-Saïd. Il donne l’exemple du terroriste Adel Habbara qui comparaît devant la justice depuis 2012 dans le massacre de Rafah, qui a coûté la vie à 25 soldats. Il pense que la définition détaillée du terrorisme dans la loi est « la meilleure garantie pour éviter les dérives ». Et de conclure : « Ceux qui critiquent la loi doivent être conscients que nous sommes dans des circonstances exceptionnelles ».

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