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Collision mortelle

May Atta, Jeudi, 30 juillet 2015

40 morts. Le bilan de la collision d'un bateau de plaisance avec un cargo dans la région d'Al-Warraq au nord du Caire est troublant. Principaux responsables : la négligence et le non-respect des lois.

Collision mortelle
Photo: AP

Sur la corniche du Nil, devant l’hôpital de l’Institut Nasser, des femmes vêtues de noir attendent avec amertume que les cadavres de leurs proches soient sortis des eaux du Nil. « J’ai perdu mon fils. J’ai perdu l’être le plus cher », dit l’une d’elles en sanglots. Alors que les services de secours fluviaux ratissent le lit du fleuve à la recherche de cadavres. Il faut beaucoup de temps, car certains cadavres ont été emportés par le courant et transportés au loin. Les cadavres sortis un par un du fond du Nil sont transportés à l’Institut Nasser et l’hôpital d’Imbaba. Il y en aura 40 en tout dont des femmes et des enfants. L’amertume s’empare des familles des victimes. « Les nôtres sont partis à jamais. Ils ne reviendront plus », crie Fatma, les larmes aux yeux. Ses 4 enfants sont morts dans l’accident.

Les faits remontent à mercredi soir lorsque, aux alentours de 20h, un petit bateau de plaisance transportant une foule de personnes entre en collision avec un cargo à Warraq, un quartier pauvre de la banlieue du Caire.

Les passagers célébraient des fiançailles, d’après des responsables de la sécurité. Il n’était pas clair dans l’immédiat combien de passagers étaient à bord du bateau. Tandis que les autorités avancent le chiffre de 45 (40 morts et 5 rescapés), les familles des victimes parlent d’au moins 75 passagers sur un bateau qui devait ne porter que 20 passagers au maximum. Basma, jeune fille de 14 ans, l’une des rescapés de l’accident, raconte : « Il n’y avait pas de fiançailles sur le bateau. C’était une simple promenade pour profiter des vacances de la fête. Ce jour-là j’ai décidé avec mes tantes et mes cousines de faire une excursion sur le Nil. Il y avait énormément de monde. Tout le monde a embarqué malgré le surnombre. Tout le monde dansait et chantait. Soudain, un cargo a émergé de l’obscurité. Les passagers l’ont vu et ont essayé d’alerter le batelier, mais en vain. Ce dernier regardait les filles danser et le bruit de la musique était très fort. Le bateau est entré en collision avec le cargo et s’est renversé », témoigne Basma qui a perdu ses tantes et ses cousines.

Le gouverneur de Guiza a décidé de verser une indemnité de 20 000 L.E. à chaque famille ayant perdu un proche dans l’accident et 5 000 L.E. à chaque famille dont l’un des membres a été blessé. « A quoi cela va servir ? A quoi sert l’argent lorsqu’on perd sa femme et ses enfants ? Pourquoi on a laissé nos enfants couler dans le Nil ? Pourquoi ils n’ont pas été sauvés ? Ce sont toujours les pauvres qui paient le prix de la négligence en Egypte », s’insurge Mohamad, qui a perdu son épouse et ses enfants. Comme toutes les familles des victimes, il accuse les autorités de négligence. « C’est vrai que les ambulances sont arrivées assez vite mais elles n’ont rien pu faire car il n’y avait pas de sauveteurs. Ce sont les pêcheurs qui ont essayé de sauver les gens et ils ont fait ce qu’ils pouvaient », témoigne Mohamad. Hossam Abdel-Ghaffar, porte-parole du ministère de la Santé, a déclaré que le ministère a envoyé 16 ambulances et 2 bateaux de secours sur les lieux de l’accident. Mais selon les familles des victimes, les bateaux de secours ont mis du temps pour venir. « De plus, ils étaient à court d’essence et nous avons dû leur en acheter ! », affirme Mohamad. Et d’expliquer que lorsque les habitants ont barré la route d’Al-Warraq devant la station de la police pour essayer d’alerter la police, cette dernière a tiré des balles en l’air pour disperser la foule. Le capitaine du cargo et trois de ses aides, accusés par le Parquet d’homicide involontaire et de non-respect des critères de sécurité, ont été placés en détention provisoire pour une durée de quatre jours. En revanche, le batelier dont le bateau a fait naufrage a pris la fuite.

Des règles jamais respectées

Les familles des victimes accusent les autorités de négligence
Les familles des victimes accusent les autorités de négligence (Photo: AP)

Les promenades le long du Nil en felouque sont très répandues, notamment au sein de la classe défavorisée. Des centaines de felouques sillonnent chaque jour le Nil entre le bâtiment de la Radio-Télévision et Maadi, transportant des jeunes amoureux, des groupes d’amis ou des familles. C’est surtout pendant les fêtes que les felouques sont surchargées de promeneurs venus s’éclater au rythme de la musique. Le tout pour une somme dérisoire qui ne dépasse pas quelques L.E.

Mais les accidents sont fréquents. En juillet 2012, un bateau avait coulé avec 20 personnes à bord. Il avait heurté un pilier du pont du 6 Octobre. Bilan : 12 morts. Et en juillet 2010, 5 personnes sont mortes noyées quand leur bateau a chaviré, durant une excursion organisée par leur église. Les raisons de ces accidents sont multiples : négligence, non-respect des limites de chargement, mauvais entretien des bateaux et absence de contrôle de la part des autorités fluviales. Selon Samir Salama, directeur de l’Organisme du transport fluvial, qui a été démis de ses fonctions après l'accident, le bateau impliqué dans la collision du mercredi n’avait aucun permis et il a dépassé de loin les limites de chargement autorisées. En outre, le cargo était clairement en infraction car il n’est pas autorisé à naviguer la nuit. Selon la loi, chaque felouque doit avoir un permis valide renouvelable tous les ans. Le bateau doit être en bon état et ne pas dépasser la cargaison maximale autorisée. Il doit disposer de gilets de sauvetage correspondant au nombre de passagers et être opéré par deux personnes au minimum. Mais ces règles ne sont jamais respectées. « Beaucoup de bateliers acceptent un chargement supérieur aux limites autorisées. Ils peuvent difficilement refuser une source de gagne-pain », explique Ali, un jeune batelier. Il affirme que beaucoup de bateliers sont aussi sans permis. Car un permis peut coûter jusqu’à 4 000 L.E. et certains préfèrent payer l’amende qui varient entre 200 et 1 000 L.E. plutôt que d’assumer les frais d’un permis. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi le phénomène de la corruption. « Il arrive aussi que certains bateliers payent des pots-de-vin pour éviter de payer une amende », explique Ali.

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