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L’immunité des organismes de contrôle en question

May Atta, Lundi, 20 juillet 2015

Une récente loi, donnant au président de la République le droit de limoger les présidents des organismes de contrôle administratif et financier, est au centre d'un vif débat.

L’immunité des organismes de contrôle en question

La loi avait été promulguée par le président de la République le 11 juillet. Elle donne au chef de l’Etat le droit de limoger les présidents des organismes de contrôle financier et administratif dans 4 cas, à savoir s’ils portent atteinte à la sécurité et à la stabilité de l’Etat, s’ils ne respectent pas les obligations de leur emploi, s’ils perdent l’une des conditions requises pour l’emploi qu’ils occu­pent, et enfin, s’ils ne sont plus dignes de confiance. Or, l’article 216 de la Constitution immunise les présidents de ces organismes (l’Organisme de contrôle administratif, l’Organisme central des comptes, la Banque Centrale et l’Organisme de contrôle financier). Cet article stipule que le président de la République nomme les présidents de ces organismes pour 4 ans, et ne peut les limoger qu’avec l’accord du parlement sauf « dans les circonstances exceptionnelles ».

La nouvelle loi est au centre d’un débat politique et juridique. Pour cer­tains, elle met en cause l’indépen­dance de ces institutions. C’est notamment l’avis de Abdel-Ghaffar Chokr, président du Parti de la concorde nationale. « Cette loi nous ramène en arrière. Nous devons être un Etat qui respecte la loi et la sépa­ration des pouvoirs. Les présidents des organismes de contrôle doivent achever, en vertu de la Constitution, leur mandat de 4 ans. La Constitution leur accorde une immunité pour qu’ils puissent exercer leurs fonctions loin de toute pression », affirme Chokr. Et de s’interroger : « Pourquoi cette loi maintenant ? ».

Des informations circulent selon lesquelles cette loi viserait à limoger l’actuel chef de l’Organisme central des comptes, Hicham Guéneina. Celui-ci, nommé par l’ancien prési­dent islamiste Mohamad Morsi, est soupçonné de faire partie de la confrérie des Frères musulmans. Ce que nie Guéneina. Guéneina avait surtout critiqué les institutions de l’Etat. Il est allé jusqu’à accuser d’implication dans une affaire de cor­ruption le ministre actuel de la Justice, Ahmad Al-Zind, à l’époque où celui-ci était président du Club des juges. Celui-ci a catégoriquement rejeté ces accusations.

Guéneina a d’ailleurs affirmé dans des déclarations à la presse qu’il ne pouvait pas être relevé de ses fonc­tions, car la loi numéro 20 relative à l’Organisme central des comptes inter­dit son limogeage. « Or, cette loi, le président ne l’a pas amendée ».

Mais pour d’autres la décision du président est justifiée politiquement. « Tout le monde sait que Guéneina est proche de la confrérie des Frères musulmans qui est aujourd’hui clas­sée organisation terroriste et il était opposé à la révolution du 30 juin. Il aurait dû depuis longtemps présenter sa démission mais il ne l’a pas fait », lance Mahmoud Nafadi du parti Ihna Al-Chaab (nous sommes le peuple). Et d’expliquer que « la loi n’autorise pas au chef de l’Etat de limoger les chefs des organismes de contrôle dans l’absolu, mais lie leur limo­geage à certaines conditions et cri­tères ».

Le débat politique est doublé d’un débat juridique sur la constitutionna­lité de la loi. « La loi est clairement en contradiction avec les articles 215 et 216 de la Constitution », affirme Ahmad Al-Khatib, juriste. « Le prési­dent de la République a le droit de destituer et de nommer de nouveaux présidents en l’absence de parlement, mais seulement dans les circons­tances exceptionnelles. Mais nous ne sommes pas dans une telle situa­tion », pense Al-Khatib. Selon lui, les 4 cas de figure mentionnés dans la loi pour le limogeage des présidents des organismes sont « vagues » et ne déterminent pas exactement les rai­sons du limogeage. « Cette situation ouvre la porte à certaines instances de faire pression sur l’exécutif pour destituer les présidents des orga­nismes de contrôle pour que leur corruption ne soit pas dévoilée », ajoute encore Al-Khatib.

Au contraire, Chawqui Al-Sayed, expert en droit constitutionnel, est d’avis que la loi est constitutionnelle. « La Constitution a donné au prési­dent de la République en sa qualité de chef de l’exécutif, le droit de limoger les présidents des organismes de contrôle après approbation du parle­ment. En l’absence de parlement, le chef de l’Etat assume le pouvoir légis­latif ». Le débat est loin d’être clos.

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