C'est la troisième grâce présidentielle après janvier et celle du mardi dernier.
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a gracié mercredi 17 juin, 165 détenus définitivement jugés, a annoncé le porte-parole du ministère de l’Intérieur. Les détenus en question purgeaient des peines de prison pour avoir enfreint la loi sur les manifestations instaurée en novembre 2013. Plusieurs centaines de protestataires islamistes et des dizaines de manifestants faisant partie de mouvements laïques ou de gauche ont été détenus en vertu de cette loi. La grâce présidentielle est entrée en vigueur mercredi 17 juin «
pour que les graciés puissent rejoindre leurs familles au premier jour du mois du Ramadan », a indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Abou-Bakr Abdel-Karim. Ce n’est pas la première fois que des prisonniers soient graciés par le président Abdel-Fattah Al-Sissi. Deux autres grâces ont eu lieu depuis son accession au pouvoir. La première a eu lieu en janvier 2015, à l’occasion du quatrième anniversaire de la révolution du 25 janvier, et la seconde a eu lieu en mars. 145 étudiants avaient, alors, été libérés.
La plupart des personnes libérées sont des islamistes arrêtés au hasard dans les manifestations contre le pouvoir du président Abdel-Fattah Al-Sissi. Aucune figure de la révolution du 25 janvier, également détenues en vertu de la loi sur les manifestations, ne figure parmi les personnes libérées. « C’est vraiment dommage », affirme Karim Abdel-Radi, du Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme. Et d’ajouter : « Je ne crois pas que cette libération ait une quelconque portée au niveau de la politique de l’Etat en matière de libertés. C’est un message à l’opinion publique pour dire que l’Etat tient à l’avenir de ces jeunes arrêtés dans les manifestations universitaires », analyse-t-il.
Des intellectuels et des hommes politiques avaient appelé à plusieurs reprises le président Abdel Fattah Al-Sissi à gracier les militants des mouvements laïques et de gauche, en particulier les figures de la révolution de 2011. Pour Gamal Fahmy, membre du Conseil national des droits de l’homme, la liste des graciés ne correspond pas à la liste présentée par le Conseil national des droits de l’homme, qui comprenait environ 300 noms. « Le Conseil national des droits de l’homme avait soumis à la présidence de la République une liste de personnes dont le conseil exigeait la libération », affirme Fahmy. Et d’ajouter que le président de la République avait promis de les libérer. « Nous espérons que cela sera possible prochainement », affirme Fahmy. Pourtant, Mahmoud Képash, expert juridique et doyen de la faculté de droit à l’Université du Caire, estime que le cas des prisonniers laïques et de gauche est différent de celui des militants islamistes arrêtés dans les manifestations. « Les activistes comme Ahmad Douma et Alaa Abdel-Fattah ont été condamnés dans plusieurs procès et pas seulement pour avoir enfreint la loi sur les manifestations. Douma, par exemple, fait face à un certain nombre de charges, la possession d’arme blanche et de cocktails Molotov, l’attaque des forces armées et de la police ainsi que la mise à feu de l’Institut d’Egypte et l’attaque d’édifices gouvernementaux, comme celui du Conseil des ministres et le parlement », affirme Képash.
La grâce présidentielle intervient quelques jours après la confirmation par un tribunal cairote de la peine de mort contre l’ancien président islamiste, Mohamad Morsi, et des peines de perpétuité contre plusieurs cadres de la confrérie des Frères musulmans. De même, la grâce intervient quelques jours avant le deuxième anniversaire de la révolution du 30 juin. « C’est un geste d’apaisement après les lourdes peines contre les dirigeants des Frères musulmans et un message à l’égard de la confrérie au moment où il est question d’une médiation de l’Arabie saoudite entre l’Etat et les Frères », explique l’analyste Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes. Selon lui, l’Etat et les Frères s’adonnent à un jeu de messages mutuels. Ban ajoute : « L’Etat n’a pas l’intention d’éliminer totalement les Frères musulmans ». Concernant la libération des jeunes de la révolution, Ahmad Ban assure que la rivalité entre le pouvoir et les révolutionnaires est plus forte qu’avec les Frères musulmans. « L’Etat pense que les jeunes révolutionnaires sont plus dangereux que la confrérie des Frères musulmans à cause de leurs idées qui sont incompatibles avec celles de l’Etat », conclut-il.
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