L'Etat durcit la poigne pour affronter la violence des Frères.
(Photos : Reuters)
Mahmoud ghozlan, ancien porte- parole des Frères, et Abdel-Rahmane Al-Barr, le mufti de la confrérie ont été arrêtés la semaine dernière, dans le cadre du démantèlement d’une «
cellule » à l’ouest du Caire. Selon la police, la cellule en question «
collectait, pour le compte des dirigeants de la confrérie à l’étranger, des informations sur certaines institutions et personnalités en Egypte ».
Les deux hommes, en cavale depuis deux ans, ont été appréhendés à l’intérieur d’un appartement dans la région de Guiza. Tous deux font partie du bureau de guidance de la confrérie. « La cellule préparait des opérations contre l’Etat et ses institutions, en particulier contre la police et les forces armées. Des juges, des journalistes et des personnalités politiques étaient également visés », affirme le communiqué des « services de sécurité ». A leur arrestation, les deux hommes avaient en leur possession d’importantes sommes d’argent et s’apprêtaient à fuir l’Egypte vers le Soudan, selon la police.
Les Frères musulmans ont vivement réagi à l’arrestation des deux hommes. Un porte-parole de la confrérie, Mohamad Montasser, a écrit sur son compte Facebook que ces arrestations constituaient une « tentative vouée à l’échec de neutraliser les révolutionnaires ». Et d’ajouter : « Ces agissements ne nous intimideront pas et ne nous empêcheront pas de nous dresser contre l’injustice. Ils ne feront que renforcer notre détermination ».
Mais l’arrestation de Ghozlan et de Abdel-Barr soulève bien d’interrogations. D’autant que les deux hommes avaient récemment appelé sur les réseaux sociaux à un « rejet de la violence » et à « la lutte pacifique contre le régime égyptien ». Ainsi, le 22 mai dernier, Mahmoud Ghozlan déclarait sur le site Nafezate Masr que le pacifisme « constitue l’une des valeurs de la confrérie des Frères musulmans qui lui ont permis de survivre depuis sa création il y a 87 ans ». Même chose pour Abdel-Rahmane Al-Barr, qui avait renchéri en assurant que « le pacifisme de la confrérie n’est ni une tactique ni une manoeuvre ». Mais leurs appels « pacifistes » ont été critiqués sur les réseaux sociaux par d’autres membres de la confrérie, notamment les plus jeunes.
Ces arrestations sont intervenues à quelques jours du 1er anniversaire de l’investiture du président Abdel-Fattah Al-Sissi, le 8 juin 2014. A cette occasion, la confrérie préparait des manifestations « massives » contre le pouvoir, en coordination avec des mouvements comme le 6 Avril, les révolutionnaires socialistes, et le tout nouveau mouvement Bédaya. Plusieurs marches devraient ainsi avoir lieu sur les places publiques et dans les universités.
« C’est un message de fermeté adressé à la confrérie, selon lequel les autorités ne toléreraient aucun débordement », estime Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes. « L’Etat veut aussi montrer à l’opinion publique que les services de sécurité travaillent de manière professionnelle, comme semble indiquer le communiqué », ajoute-t-il.
Depuis la destitution, le 3 juillet 2013, de l’ancien président islamiste, Mohamad Morsi, suite à des manifestations massives contre son régime, les Frères musulmans sont dans une logique de confrontation avec le pouvoir du président Abdel-Fattah Al-Sissi dont ils ne reconnaissent pas la légitimité. « Que Ghozlan et Al-Barr fassent, ou non, partie de l’aile modérée de la confrérie, cela n’a aucune importance pour l’Etat. D’ailleurs, le régime est convaincu qu’il n’y a pas de fossé générationnel au sein de la confrérie et que les déclarations des anciens dirigeants, en faveur d’un rejet de la violence, visent seulement à couvrir celle-ci », explique Ahmad Ban.
Hassan Nafea, professeur de sciences politiques, ne pousse pas l’analyse trop loin. « L’Etat n’a pas de message politique à envoyer. Une approche politique aurait encouragé l’Etat à exploiter à son profit les dissensions intestines au sein de la confrérie, mais l’Etat est dans une logique sécuritaire selon laquelle tout membre des Frères est une personne recherchée », commente Nafea.
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