Ahmad al-zind a prêté serment comme nouveau ministre de la Justice mercredi 20 mai devant le président Abdel-Fattah Al-Sissi au siège de la présidence de la République. Sa nomination fait suite à la longue polémique soulevée par son prédécesseur, Mahfouz Saber. Celui-ci avait déclaré que la profession de magistrat doit être réservée à des personnes d’un niveau social «
convenable et respectable », et qu’un employé de propreté «
ne peut pas être juge ». Mahfouz avait fini par présenter sa démission le 11 mai dernier. Mais à peine la polémique sur les employés de propreté s’était estompée qu’un nouveau débat a émergé sur la scène : Al-Zind est-il la bonne personne pour le poste de ministre de la Justice ? Ancien juge, élu à deux reprises à la tête du club des Juges depuis 2009, Al-Zind est une personnalité hautement controversée connue pour ses déclarations incendiaires. Il avait notamment dit : «
Nous sommes les seigneurs et les autres sont des esclaves ». Al-Zind avait également dit, suite à une grève des employés des tribunaux pour protester contre la nomination des fils de juges pendant que d’autres étaient exclus que «
ceux qui critiquent les fils des juges sont des personnes rancunières dont la candidature (à certains postes) a été rejetée ».
Al-Zind a été notamment au coeur de la bataille entre les juges et les Frères musulmans lorsque ces derniers étaient au pouvoir. Il avait notamment refusé que les juges surveillent le référendum sur la Constitution et s’était vivement opposé à un projet de loi élaboré par les Frères fixant l’âge de la retraite des juges à 60 ans au lieu de 70 et visant à purger l’appareil judiciaire et à nommer des juges proches de la confrérie. En mars 2012, sous le pouvoir des Frères, il déclarait : « Ceux qui appellent à purger la justice n’ont qu’à commencer par eux-mêmes », en allusion à la confrérie.
La controverse autour d’Al-Zind est également due aux plaintes présentées contre lui pour corruption. Il est notamment suspecté d’avoir vendu des terrains à Port-Saïd à ses proches à des prix inférieurs à ceux du marché.
Les juges et la classe politique sont divisés sur la nomination d’Al-Zind. « Je crois qu’il ne faut pas juger Al-Zind uniquement sur ses propos. Certaines de ses déclarations ont été retirées de leur contexte, celui de la confrontation avec les Frères musulmans », explique un magistrat ayant requis l’anonymat. Propos partagés par Rami Abdel-Hadi, président du Tribunal du nord du Caire, qui qualifie de « positive » la nomination d’Al-Zind. « Al-Zind connaît bien les problèmes des juges car il a passé 6 ans à la tête de leur club. Il est très bien placé pour régler ces problèmes », explique Abdel-Hadi. Et d’ajouter que les propos qui circulent sur les réseaux sociaux, selon lesquels la nomination d’Al-Zind vise à accélérer les peines à l’encontre des Frères musulmans, sont totalement infondés. « Le ministre n’a aucun pouvoir sur les juges. Ces derniers dépendent du Conseil suprême de la magistrature. Le ministre s’occupe des affaires administratives et non judiciaires ».
Un choix politique
Mais pour d’autres, Al-Zind représente la continuité et l’absence de toute volonté de l’Etat de réformer la justice. Car si l’ancien ministre de la Justice a été démis de ses fonctions en raison de ses déclarations qui ont choqué l’opinion publique, Al-Zind est connu pour ses déclarations encore plus controversées. La nomination d’Al-Zind serait avant tout un choix politique. « Cette nomination vise sans doute à calmer la colère des juges après l’assassinat de trois magistrats la semaine dernière par des groupes intégristes dans la région d’Al-Arich, quelques heures après l’annonce du verdict condamnant à mort l’ancien président Mohamad Morsi et certains cadres des Frères musulmans », pense un magistrat sous couvert de l’anonymat. Et d’ajouter : « C’est aussi un acte de défiance à l’égard des Frères musulmans qui risque de générer de nouveaux actes de violence contre les magistrats, surtout qu’Ahmad Al-Zind a lui-même déjà fait l’objet de deux tentatives d’assassinat ».
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