Le clivage qui règne en Egypte entre les pro et les anti-Morsi fait craindre le pire. D’autant plus que les islamistes, le président inclus, crient au complot. Dans un article publié par le journal en ligne Al-Masriyoune cette semaine, l’auteur fait un inventaire assez étonnant des manifestants de Tahrir. « Il y a ceux qui ont perdu durant les dernières élections présidentielles, qui ne croient pas encore en leur défaite et qui ont des agendas étrangers mis en place avec un financement complet. Ils attendent juste le moment propice pour mettre en application ces agendas et éloigner l’Egypte de son identité islamique et arabe. Il y a les hommes d’affaires, les milliardaires qui ont la mainmise sur la majorité des chaînes de télévision. Et ces dernières poussent les pauvres gens à se diriger vers Tahrir. Il y a aussi les hommes de la justice et du ministère de l’Intérieur qui ont de la nostalgie pour l’ancien régime et qui utilisent l’immunité gagnée avant pour contrecarrer la marche du président islamiste élu », écrit l’auteur. Il ajoute à sa liste les hommes de médias et les journalistes « qui noient les gens dans le mensonge, ils sont responsables de toute cette tension et du fait que beaucoup de gens n’acceptent pas les islamistes au pouvoir. Nous avons aussi les artistes et je veux dire par là les chanteurs, les comédiens et les poètes qui sont en partie responsables de la perte de l’identité du peuple égyptien et de son éloignement des valeurs religieuses ».
La liste n’en finit pas là. Il s’en prend aussi aux sportifs : « Les grands joueurs de foot et les présentateurs télé qui veulent un régime semblable à l’ancien par intérêts financiers ». Et puis il y a bien les laïcs, les athées et les penseurs de l’élite, « et ce sont une catégorie en perdition qui cherche à mettre en avant les valeurs de l’Occident ». Ce n’est pas fini, puisque l’auteur ajoute à la liste « quelques cadres exécutifs, de hauts et petits fonctionnaires corrompus qui souhaitent renverser le régime et extorquer les droits du peuple ».
L’auteur termine sa liste par les Ultras et les baltaguis sans oublier d’y ajouter « les ignorants, et c’est une grande catégorie à qui il manque une vraie connaissance de la démocratie et qui se laisse guider par les médias et ne sait pas qu’en sortant manifester, elle participe à faire monter l’étoile des libéraux ». Et en définitive, il termine par les quelques partenaires de la nation (il insinue ici des coptes) qui « voient dans l’arrivée des islamistes une menace claire à leurs avantages ». Dans ce décompte des ennemis, nous sommes en droit de nous demander qui reste dans le camp des « bons ». C’est justement cette division qui fait peur à Emadeddine Hussein, qui écrit dans le quotidien Al-Shorouk : « L’opposition règne sur le secteur environnant du palais de la présidence à Héliopolis, les adeptes des Frères musulmans se positionnent sur la place Rabea Al-Adawiya à Madinet Nasr et les salafistes sont postés devant la Cité des médias dans la ville du 6 Octobre. Personne ne pouvait imaginer que cela puisse se passer en Egypte, que l’on croyait faite d’un seul tissu et voilà que nous nous trouvons devant plusieurs tissus. Celui qui a suivi la guerre du Liban qui a commencé en avril 1975 se souvient comment chaque milice et faction avait main basse sur un secteur, un quartier, ou une rue et mettait ses comités de surveillance aux abords. Ce genre de scènes nous les avons vues aussi en Iraq. En Egypte, nous avons cru que les barrages en béton qui entourent le ministère de l’Intérieur et le Parlement rue Qasr Al-Aïni étaient temporaires, mais ils durent et se propagent ailleurs comme devant le palais présidentiel. La catastrophe est que le pouvoir de l’Etat est en train de faire marche arrière face à la montée de l’autorité des partis et des factions ». L’auteur parle ensuite de l’attaque des manifestants mercredi dernier devant la présidence et comment des groupes affiliés à la confrérie des Frères musulmans ont emprisonné et torturé d’autres Egyptiens. « Les journaux de jeudi ont publié ensuite des photos de ces détenus comme si c’était des prisonniers israéliens. Nous avons aussi vu comment des inconnus ont attaqué l’ancien député Hamdi Fakharani à Mahalla, puis le député Aboul- Ezz Al-Hariri à Alexandrie, et enfin l’avocat islamiste Sobhi Saleh. D’aucuns diront que ce sont juste des actions isolées, mais malheureusement, il n’en est rien. Le président et son chef du gouvernement ne doivent pas laisser ces actes sans sanction, sinon, ils découvriront qu’ils ont laissé pousser un monstre qui finira par les avaler ».
Dans le quotidien Al-Shorouk, l’auteur Hazem Mounir revient sur le président Morsi et la confrérie des Frères musulmans en donnant le point de vue de l’opposition : « Ils ne voient qu’eux-mêmes et n’entendent que leurs voix et ne parlent que leur langue, et c’est la raison de la crise que vit le pays. La confrérie des Frères musulmans a un seul but, à savoir la colonisation de l’Egypte quelles que soient les crises. Le problème du président n’est ni avec les juges, ni avec la loi, son problème est que le rêve de son Etat est en contradiction avec tout ce qui existe sur le terrain, c’est pour cela qu’ils ont planifié pour tout faire tomber dans tous les secteurs de l’Etat et s’y substituer ».
La féministe Nawal Saadaoui nous entraîne, dans un article publié dans Al-Masry Al-Youm, dans la sphère extérieure : « Le gouvernement d’Obama a déclaré son soutien au gouvernement de Morsi pour tenir le référendum sur la Constitution bien que ce soit une Constitution non constitutionnelle, non démocratique et n’exprime pas l’entente nationale. Il n’est pas étonnant que le gouvernement Obama soutienne Morsi comme il a soutenu Moubarak contre la volonté du peuple. Il y a une contradiction fondamentale entre la liberté du peuple égyptien et son indépendance et les intérêts des gouvernements égyptiens successifs qui ont coopérer avec le colonisateur étranger.
L’administration américaine a coopéré avec les partis islamistes pour tenir les élections législatives et présidentielles rapides avant la mise en place d’une Constitution. Nous étions des forces révolutionnaires unies pour affirmer que la Constitution doit se faire avant les élections ». Elle ajoute que le référendum « falsifié est soutenu par Obama qui a peur de la réussite de la deuxième révolution. Or, la deuxième révolution a appris la leçon et n’acceptera plus les opérations qui visent à falsifier sa volonté par des élections ou des référendums ». Pour dire que la crise actuelle ne sera pas désamorcée même si la Constitution passe, ce n’est qu’une partie remise.
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