Après 16 mois de procès, la Cour pénale du Caire a transmis au mufti de la République les documents de l’ancien président Mohamad Morsi et 121 autres accusés (sur 166 prévenus) pour espionnage et évasion de prison, au lendemain de la révolution du 25 janvier 2011 (étape préliminaire avant la confirmation du verdict le 2 juin prochain). Parmi les 121 condamnés à mort figurent Mohamad Badie, l’ancien guide de la confrérie et le prédicateur qatari d’origine égyptienne, Youssef Al-Qaradawi. Ce dernier était jugé par contumace. 70 militants palestiniens dont deux dirigeants du mouvement Hamas : Ayman Nofal, et Mohamad Hédj, et deux du Hezbollah libanais, Sami Chihab et Ihab Morsi ont également écopé de la peine capitale. Les militants du Hamas seraient, selon la cour, entrés en Egypte durant la révolution du 25 janvier 2011, par des tunnels clandestins allant de la bande de Gaza à la péninsule du Sinaï. Tirant profit de l’instabilité, ils seraient entrés dans plusieurs prisons, libérant Mohamad Morsi, une trentaine de dirigeants des Frères musulmans et quelque 20 000 détenus. Plusieurs gardiens de prison auraient été tués durant l’opération.
La condamnation de Morsi se rapporte à son évasion de prison. Quant à l’accusation d’espionnage, le tribunal devrait se prononcer le 2 juin. Les faits remontent à la période comprise entre 2005 et 2013. L’ancien président et 35 autres personnes sont accusés d’avoir fourni des rapports de sécurité à l’Iran et sont également accusés d’espionnage en faveur du Hamas et du Hezbollah « en vue de mener des attaques terroristes dans le pays pour y semer le chaos et renverser l’Etat ».
Morsi avait déjà été condamné à 20 ans de prison pour complicité dans le meurtre des manifestants durant les événements d’Al-Ittihadiya, avec d’autres dirigeants de la confrérie comme Mohamad Al-Beltagui, Saad Al-Katatni, et Essam Al-Ariane.
Le verdict de la Cour pénale a soulevé une multitude de réactions tant en Egypte qu’à l’étranger. Ossama Mohamad Morsi, le fils de l’ancien président, a qualifié le verdict « d’arbitraire ». « Nous ne prêtons aucun intérêt au verdict. Le président est fort et sûr de lui. Il continuera à se défendre. La volonté de la révolution vaincra bientôt », a-t-il déclaré. En réaction, la confrérie des Frères musulmans a appelé ses partisans à « poursuivre la marche de la révolution » et à « manifester de nouveau ». Quelques heures après le verdict, deux juges, un substitut du Parquet, et leur chauffeur ont été tués par balles dans le nord de la péninsule du Sinaï, dans une première attaque contre des magistrats dans cette région, théâtre d’attentats quasi-quotidiens visant l’armée et la police. Il s’agissait visiblement d’un acte de représailles après la condamnation de Morsi. Lundi, dans la ville de Zagazig (nord), ce sont deux explosions qui ont eu lieu. La première tout près du commissariat et la seconde devant le bureau de poste. A Assiout, une bombe artisanale a explosé à proximité du complexe de tribunaux de la ville. Bilan : un officier blessé.
Réactions internationales, l’Egypte réplique
Sur le plan international, l’organisation Amnesty International, a critiqué le verdict dans un communiqué, qualifiant le procès « d’arbitraire ». L’ONG réclame la libération de l’ancien président ou le cas échéant, de lui faire bénéficier d’un procès « équitable ». Du côté du Hamas, Fawzy Barthoun, un porte-parole du mouvement à Gaza, voit dans ce verdict « la poursuite de la campagne de diabolisation » visant son mouvement, affirmant que plusieurs accusés palestiniens étaient morts ou détenus dans les prisons israéliennes au moment des faits. Sous la présidence Morsi, Le Caire avait resserré ses liens avec les islamistes du Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza. Le Hamas est notamment accusé d’avoir commis des attentats en Egypte.
Le ministère des Affaires étrangères a répliqué aux critiques. Dans un communiqué de presse publié dimanche, il dénonce : « une ingérence dans les affaires internes de l’Egypte », affirmant que les verdicts de la justice ne doivent pas être sujets aux critiques. « Il est surprenant que des pays et ONG défendent des accusés de terrorisme qui sont jugés devant un tribunal civil et en conformité avec la loi, et ignorent l’attaque terroriste d’Al-Arich qui a fait 3 morts innocents ». Le ministre chinois des Affaires étrangères a, quant à lui, fait savoir mardi 19 mai que la condamnation de Morsi était une affaire interne.
Ce n’est pas la première fois que la justice ordonne des peines de mort à l’encontre de dirigeants de la confrérie des Frères musulmans. Il est cependant peu probable que la peine de mort contre Morsi soit mise à exécution. C’est ce que pense Moustapha Kamal Al-Sayed, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. « Il est peu probable que les peines de mort prononcées contre Morsi et les dirigeants de la confrérie soient appliquées. Ces peines seront atténuées en appel à des peines d’emprisonnement », affirme Al-Sayed. En effet, les peines de mort visent en premier lieu à intimider la confrérie. Leur application pourrait entraîner d’énormes troubles. « Le problème est que ce genre de verdicts est très mal vu à l’étranger où il est inconcevable que 120 personnes soient condamnés à mort d’un coup. Et cela porte préjudice à l’image de l’Egypte », conclut Al-Sayed.
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