Le journal
Al-Watan y consacre un dossier sous l’intitulé «
La situation des athées en Egypte », reprenant ainsi à son compte l’amalgame bien ancré et bien tissé par la mouvance islamiste, qui veut que laïcité rime avec athéisme. Dans un entretien avec ce journal, le représentant des membres fondateurs du parti laïque égyptien, Hicham Ouf, avance : «
Nous avons désormais le sentiment que nous devons avoir un parti qui parle en notre nom. Nous avons trouvé qu’actuellement les circonstances générales dans la région, dont le terrorisme et l’émergence de groupes extrémistes comme Daech, nécessitent un parti laïque. L’autre motivation est que nous jugeons qu’il y a une contradiction dans la Constitution actuelle de l’Etat. Celle-ci interdit la formation de partis sur une base religieuse, or, sur le terrain plusieurs partis religieux participent au processus politique ».
A peine la création de ce parti annoncée, un branle-bas a pris place dans les rangs de la mouvance religieuse et islamiste. « Plusieurs cheikhs d’Al-Azhar ont refusé la création d’un parti des athées en Egypte. Jugeant que cela est contraire à la Constitution qui ne permet pas la création de tels partis, puisqu’elle stipule que l’islam est la religion d’Etat et que la charia est la source principale de la législation », rapporte le quotidien Al-Watan dans une autre livraison. La bataille est ainsi engagée. Et les institutions religieuses à peine sorties de la polémique autour du port du voile qui fait encore des vagues, puisque le mufti a annoncé aux médias que quiconque renie le voile comme obligation religieuse est apostat ! « Al-Azhar a des prérogatives étonnantes et larges désormais, il ne se contente plus d’être une institution qui prêche pour la bonne foi. Il s’ingère pour interdire des programmes comme celui d'Islam Béheiri, il s’insurge contre la liberté d’expression et attaque nos idées et nos points de vues que nous défendons au sein du parti que nous voulons créer », rétorque Hicham Ouf dans l’entretien qui lui est accordé par Al-Watan insistant à mettre l’accent sur la notion d’athéisme et non celle de la laïcité ou de citoyenneté. A la question de savoir s’il existe beaucoup d’athées au sein du parti en formation et s’il va permettre de « répandre les idées athées », Hicham répond : « Le parti est ouvert à tous musulmans, athées chrétiens ou laïcs. Pour ce qui est de répandre les idées athées, nous mettrons des règles dans les textes fondateurs du parti, qui ne permettront à personne d’organiser une rencontre sous l’intitulé : la mort de Dieu, pour répandre l’athéisme ou autre » ! Et d’ajouter : « Nous sommes dans une société où beaucoup de citoyens ont subi un vrai lavage de cerveau systématique par le passé, où on leur appris que la laïcité est quelque chose de mauvais, on leur a même dit qu’elle appelle à l’athéisme mais cela ne nous empêche pas de continuer dans notre voie ». Il avoue que son futur parti qu’il espère voir participer aux prochaines législatives est un parti qui « aime le régime, il sera un allié de l’Etat ». Il se dit confiant quant à l’obtention de l’accréditation de la part de la commission des affaires des partis politiques. Et confiant quant à la capacité de l’Etat à les défendre contre les attaques des courants salafistes.
Permissivité hors mariage
Dans la même semaine une autre polémique s’est engagée sur les colonnes de la presse et les médias autour de la permissivité des relations sexuelles hors mariage. Un autre tabou qui sort de l’ombre pour s’étaler au grand jour. Et même si l’éclaircie ne se fait pas, il n’en demeure pas moins que ces pavés dans la mare font bouger les esprits et poussent plus loin les lignes rouges. La réalisatrice Inès Al-Dégheidi s’est chargée cette semaine de jeter son caillou dans la mare en déclarant à une chaîne de télévision qu’il n’y a aucun problème à avoir des relations sexuelles avant le mariage. Et comme tout le monde nage dans le flou, les adeptes du changement en viennent à ménager la chèvre et le chou. Questionné sur cette affaire, le représentant des fondateurs du parti laïcque qui prône la liberté d’expression et la citoyenneté répond « Inès Al-Dégheidi parle en son nom et c’est Al-Azhar qui a le droit de réponse, mais cela ne se passera pas dans notre futur parti laïque et si cela se produisait le concerné serait traduit en conseil disciplinaire » ! C’est ce même Azhar qu’il fustigeait plus haut en l’accusant de s’ingérer dans la vie publique et de restreindre la liberté d’expression.
Suite aux déclarations de la réalisatrice, une avalanche de commentaires a pris le dessus dans les médias. « Dans ma clinique, un patient m’a demandé mon avis sur les propos de Dégheidi », a lancé Heba Qotb, sexologue qui prône depuis des années une sexualité ouverte et franche, mais entre gens mariés. Elle a fustigé les propos de Dégheidi autant que ceux d’une jeune actrice Mona Hola qui, après avoir publié sur Instagram ses photos avec son compagnon hors mariage chez eux, a déclaré que toute union libre est légale du moment qu’elle est déclarée au grand jour !
Dégheidi a fait marche arrière sur ces propos en disant qu’ils ont été extraits de leur contexte, mais Hola persiste et signe.
La satire contre les contradictions
Des articles comme celui de Khaled Montasser dans Al-Masry Al-Yom reviennent sur la notion de laïcité en expliquant qu’elle n’a rien à voir avec l’athéisme. « L’Etat théocratique protège une seule religion et exerce son oppression sur les autres. Quant à la laïcité, elle protège toutes les religions, elle n’est pas contre la religion, mais contre ceux qui la monopolisent ».
Sur le site d’information dotmsr.com un article a fait le tour du Web. Il dénonce avec satire les contradictions de la société qui base ses préjugés sur des fondements religieux, insufflés par les courants islamistes. « L’islam a honoré la femme … Mais il est du droit de son père de la marier alors qu’elle n’est que fillette, et son frère a le droit de la frapper parce qu’elle a ôté le voile, et son mari a le droit de la châtier si elle refuse de faire l’amour, et toute la société a le droit de choisir pour elle ses vêtements et de la punir par le harcèlement et l’humiliation si elle en fait autrement », écrit Heba Khattab, qui ajoute entre autres dans la même verve satirique : « L’excision est une protection, mais l’épilation des sourcils est un péché ».
Lien court: