
Pour les activistes, Israël reste l'ennemi numéro 1.
(Photo : AFP)
En avril 1970, l’armée israélienne lançait un raid aérien sur une école de Charqiya, provoquant le fameux massacre de Bahr Al-Baqar. 45 enfants y ont perdu la vie. Aujourd’hui, 45 ans après le drame, une large coalition de partis, mouvements politiques, syndicats et unions étudiantes annonce le lancement d’une campagne de Boycott, de Désinvestissement et de Sanctions (BDS) à l’encontre d’Israël. La campagne a été lancée le 20 avril dernier, en commémoration du massacre. Rami Shaath, un Palestinien résidant en Egypte et initiateur de cette campagne, affirme que 11 partis politiques, 4 mouvements politiques, 7 syndicats professionnels, 8 unions étudiantes universitaires, des dizaines d’ONG et des centaines de personnalités publiques ont déjà signé la déclaration de la campagne de BDS en Egypte. Elle regroupe aussi des personnalités politiques de tous bords. Pour Rami Shaath, «
cette campagne de boycott vise à dénoncer les entreprises égyptiennes et internationales présentes en Egypte et ayant des liens avec Israël. Il faut faire pression sur ces entreprises : soit elles cessent leurs activités avec Israël, soit elles quittent l’Egypte », annonce-t-il sans compromis. «
Nous avons beaucoup d’informations sur certaines de ces entreprises. Le secteur des engrais nous échappe encore. Par ailleurs, nous ciblons d’abord les entreprises que les Egyptiens peuvent facilement boycotter comme par exemple les compagnies pharmaceutiques. Nous avons étudié l’impact sur la population avant de lancer la campagne : il existe de par le monde des exemples montrant les résultats positifs de telles campagnes », poursuit-il.
La campagne de BDS avait été initialement lancée en 2005 par 170 Palestiniens. Une idée semblable avait vu le jour en Afrique du Sud durant l’apartheid. Aujourd’hui, BDS existe dans de nombreux pays, notamment aux Etats-Unis et en Europe où plusieurs initiatives ont vu le jour. En France par exemple, le géant français Veolia a dû cesser la quasi-totalité de ses activités en Israël suite à une campagne mondiale contre les activités de l’entreprise dans les colonies israéliennes illégales. Veolia a perdu d’importants contrats avec les autorités locales, notamment en Europe. Khaled Daoud, porte-parole du parti Al-Dostour et membre de la campagne, ajoute que « outre les pays européens, les Etats-Unis et l’Afrique du Sud, des pays arabes ont rejoint BDS comme la Jordanie, le Koweït, le Maroc et maintenant l’Egypte. La BDS n’est pas seulement économique, mais aussi culturelle et académique », affirme-t-il. Pour Rami Shaath, l’impact d’une telle campagne peut être très important. « Nous essaierons d’empêcher Israël de participer aux Jeux olympiques, comme cela s’est passé à l’époque pour les équipes sud-africaines durant l’apartheid ».
Empêcher Pérès
Réunis cette semaine, les membres de BDS Egypte ont décidé de se joindre à la campagne internationale BDS et BDS Maroc afin d’empêcher le président israélien Shimon Pérès de visiter le Maroc, et de rayer Israël de la liste des pays membres de la Fédération Internationale de Football (FIFA).
Pour Georges Isaaq, un des leaders du mouvement d’opposition Kéfaya, et membre de la campagne, « le but de BDS est de faire pression sur Israël jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les principes des droits de l’homme et qu’il mette fin à son occupation des territoires palestiniens ». Pour Rami Shaath, il est temps de remettre les exactions d’Israël sur le devant de la scène. « La montée des Frères musulmans et leur coopération avec le Hamas ont fait oublier aux Egyptiens le vrai problème. Il faut se rappeler que notre seul ennemi reste Israël. Cette campagne vient nous rappeler que collaborer avec un Etat coupable de crimes et d’exactions n’est pas acceptable », ajoute-t-il.
L’Egypte a mené 4 guerres contre Israël (1948, 1956, 1967 et 1973). Le mouvement anti-israélien est très actif en Egypte depuis de longues années, et s’est manifesté avec force sous l’ancien président Anouar Al-Sadate avec le rejet des accords de paix de Camp David, puis pendant l’ère Moubarak, sous forme de manifestations massives contre les agressions israéliennes répétées à l’égard du peuple palestinien. Ces manifestations étaient tolérées par l’Etat égyptien. Cependant, après la révolution du 25 janvier 2011 et la chute de Moubarak, l’Egypte s’est engagée dans une phase de tumultes politiques durant laquelle les questions internes ont pris le dessus sur la solidarité avec les Palestiniens. « Beaucoup de jeunes sont cependant aujourd’hui moins optimistes sur les perspectives politiques en Egypte en raison notamment des restrictions sur les libertés. Or, il est bien connu que lorsque les perspectives internes sont bloquées, on a tendance à se tourner vers les causes externes, et la cause palestinienne figure tout naturellement en bonne place parmi celles-ci », conclut Rabab Al-Mahdi, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire.
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