La tristesse paraît sur le visage de Morsi après sa condamnation à 20 ans de prison.
Morsi était accusé d’être impliqué dans des actes de torture contre des manifestants durant son mandat, et d’avoir incité à la violence. Le verdict reste cependant très «
clément » selon beaucoup d’observateurs qui s’attendaient à une peine de mort pour incitation au meurtre de deux manifestants et du journaliste Al-Husseini Abou-Deif, lors d’affrontements devant le palais présidentiel en 2012 entre les Frères musulmans et leurs opposants qui protestaient contre un décret étendant les pouvoirs de Mohamad Morsi, élu six mois plus tôt. Dans le même contexte, douze autres cadres de la confrérie des Frères musulmans, dont Mohamad Al-Beltagui et Essam Al-Erian, ont été également condamnés à 20 ans de prison pour avoir «
fait usage de la violence, arrêté et torturé des manifestants ».
Dès l’annonce du verdict, les condamnés, enfermés dans une cage, ont tourné le dos au juge Ahmad Sabri Youssef, levant quatre doigts, symbole du rassemblement des Frères musulmans à Rabea, et se sont mis à scander : « Dieu est le plus grand ! », pour exprimer leur refus de ce jugement. Ossama, le fils de Morsi, a, lui, affirmé que son père était « toujours président en exercice » et que le tribunal « n’est pas habilité à juger un président en exercice ».
En réponse, la défense de Morsi a souligné après la prononciation du verdict que « des pro-Morsi avaient aussi été tués dans les heurts du palais d’Al-Ittihadiya » et que « les preuves existantes ne condamnaient pas son client », selon les avocats de Morsi qui ont annoncé qu’ils feraient appel du jugement.
Mohamad Morsi avait été arrêté et placé en détention après la révolution du 30 juin, qui a témoigné de manifestations massives contre son régime. Outre l’usage de la violence contre les manifestants, Morsi, impliqué dans 4 autres procès, fait notamment face à des accusations d’espionnage au profit du Qatar, du Hamas et du Hezbollah. Il fait également face à un procès pour évasion de prison durant la révolte de 2011 et pour insulte à la magistrature.
Vives réactions
Le verdict a soulevé des réactions controversées. La famille du journaliste Al-Husseini Abou-Deif a ainsi décidé de faire appel du verdict qu’elle juge trop clément. « Morsi a tué des gens. Pourquoi le juge n’a pas pris en considération les meurtres, mais uniquement les actes de violence et la possession d’armes, alors où sont les droits des martyrs ? », s’interroge Salem Abou-Deif, frère du journaliste assassiné lors des affrontements. Le verdict a également soulevé des réactions dans les rangs de la confrérie des Frères musulmans. Le « Conseil révolutionnaire », formé par les Frères musulmans en Turquie, affirme dans un communiqué : « Après ce verdict, il n’est plus question de parler de stabilité (…) Nous sommes engagés jusqu’à la fin à défendre notre but, et ce verdict poussera plus de jeunes à la violence ».
Les heures qui ont suivi le verdict ont témoigné d’actes de violence menés par les partisans de la confrérie. Ainsi, deux hommes armés ont assassiné un inspecteur de police, Waël Tahoun, et son chauffeur, le soir du verdict, devant sa maison dans le quartier de Zeitoun.
A Alexandrie aussi, des partisans de la confrérie ont coupé la route de la rue Port-Saïd et y ont enflammé des pneus, en guise de protestation contre le verdict. Ils ont scandé des slogans contre le régime, l’armée, la police et la justice. Même chose dans le gouvernorat de Charqiya où les pro-Morsi ont coupé les routes en guise de protestation.
Au-delà de ces incidents, c’est la portée politique du verdict qui retient l’attention. Le politologue Yousri Al-Azabawi, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, commente : « Ce verdict est relativement clément comparé aux autres verdicts prononcés à l’encontre des dirigeants de la confrérie des Frères musulmans dont certains ont écopé de la peine capitale. Mais il ne faut pas oublier que ce procès n’est pas le plus grave dans lequel Morsi est impliqué ». Il établit un parallélisme avec le procès de l’ancien président Hosni Moubarak : « A l’instar du procès de Moubarak, ce procès est avant tout politique. Moubarak a été condamné d’abord à 25 ans de prison, puis il a fini par être acquitté. Il est probable que de la même manière les peines prononcées contre Morsi soient allégées », ajoute Al-Azabawi.
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