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Ecoles : Le gouvernement veut rétablir la discipline

Ola Hamdi, Jeudi, 16 avril 2015

Pour rétablir l'ordre dans les écoles, le ministère de l'Education annonce la mise en place d'une nouvelle « charte de discipline ». Celle-ci devrait entrer en vigueur dès la prochaine rentrée.

Ecoles
L'école n'a plus aucun rôle dans la vie des élèves. (Photo : Mohamad Hassanein)

Violence dans les classes, absentéisme record et manque de discipline. L’école en Egypte est en proie au désordre et à l’anarchie. Pour rétablir l’ordre dans les 48 000 écoles d’Egypte, le ministre de l’Education, Moheb Al-Rifaï, annonce une « charte de discipline » dans les écoles. Cette charte sera appliquée dès la prochaine rentrée scolaire. « Le ministère de l’Education est soucieux de rétablir la discipline à l’école et de lutter contre le phénomène de la violence scolaire », indique un communiqué du ministère de l’Education, affirmant que la nouvelle charte « ramènera les élèves à leurs écoles » et mettra fin à l’absentéisme de masse, en particulier dans les écoles secondaires. « La relation entre l’enseignant et l’élève doit être fondée sur le respect mutuel. La nouvelle charte de discipline a été préparée par des experts de l’éducation, après avoir étudié la situation dans certains pays comparables à l’Egypte », ajoute le communiqué.

Les écoles gouvernementales égyptiennes souffrent d’un taux d’absentéisme record, surtout dans le cycle secondaire, mais aussi du phénomène de la violence mutuelle entre les élèves et les enseignants. Le mois dernier, un élève de 12 ans est mort des suites de coups portés par son maître d’école. Les châtiments corporels sont monnaie courante dans les écoles où les cas de violence contre les élèves sont en augmentation. La charte de discipline rend obligatoire la présence des élèves en classe pendant toute la durée des études. Car la plupart des élèves dans les écoles gouvernementales ont, en effet, l’habitude de déserter l’école plusieurs mois avant l’examen, ne comptant que sur les cours particuliers, surtout dans le cycle secondaire. La charte prévoit, en outre, des sanctions sévères à l’encontre des élèves indisciplinés ou coupables de violences au sein de l’école. Elle est déjà au coeur d’un débat houleux. « Le ministre veut qu’on soit ponctuel, mais pourquoi faire ?! Les enseignants sont quasi absents et n’expliquent pas les leçons. Ils ne s’intéressent qu’aux cours particuliers. L’état des locaux dans les écoles est lamentable. Je ne peux pas me permettre de perdre ma journée à l’école, parce que je n’apprends rien. Je prends des leçons particulières, sinon je n’ai aucune chance de réussir », confie Ahmad Abdel-Qader, étudiant en troisième secondaire à l’école secondaire d’Imbaba. Maha, mère de 2 enfants, est d’accord avec lui. « Mon fils Omar est en 3e préparatoire, il n’apprend rien à l’école et tout ce que je peux faire c’est de lui donner des leçons particulières », affirme Maha. Pour elle, ce règlement ne peut pas réussir tant que l’école ne joue pas son rôle pédagogique. « Si le ministère veut faire une réforme réelle, il n’a qu’à se tourner vers les cursus scolaires », ajoute Maha.

L’école quasi absente

En effet, si l’école avait autrefois un rôle dans la vie des élèves, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Une école parallèle, celle des cours particuliers, a émergé et a pris sa place. Résultat : les élèves n’éprouvent plus aucun respect à l’égard de l’école. Pour rétablir ce respect, aussi bien les élèves que les parents et les enseignants ont un rôle à jouer. C’est ce qu’affirme la directrice du Lycée Al-Horriya de Maadi, Hala Chawkat. Pour elle, le règlement proposé par le ministère de l’Education ne peut réussir qu’à 40 %. « Si l’on veut rétablir le respect perdu de l’école, il doit y avoir une coopération entre les élèves, les enseignants et les parents, explique Hala Chawkat. Le problème est qu’il y a un manque de confiance entre les trois côtés du triangle. Il y a des parents qui n’aident pas la direction de l’école, et préfèrent donner des cours particuliers à leurs enfants car ils n’ont pas le temps de les suivre. Si la confiance est rétablie entre ces trois parties, les élèves, les parents et les enseignants, la plupart des problèmes seront résolus ». Les enseignants, eux, justifient leur faible présence dans les classes par les salaires médiocres. « Je suis professeur de langue arabe depuis 15 ans, et j’ai 4 enfants, mon salaire ne répond pas aux exigences de la vie. Je suis obligé de donner des cours particuliers pour gagner mon pain. L’Etat doit améliorer la situation financière des enseignants s’il veut rétablir la discipline dans les écoles », explique un enseignant qui a requis l’anonymat.

Réformer le système éducatif

Névine Chéhata, conseillère du ministre de l’Education, défend, elle, l’initiative du ministère : « La charte sera envoyée dès cette semaine aux directions des écoles, mais elle ne sera appliquée qu’à la prochaine rentrée, car l’année scolaire touche à sa fin. L’objectif de ce règlement n’est pas d’appliquer des sanctions aux étudiants, mais de rétablir le respect aux écoles et de mettre fin au phénomène de la violence. La tâche est difficile, mais elle n’est pas impossible », explique-t-elle. Et de souligner que les sanctions disciplinaires prévues dans la charte sont progressives pour ne pas compromettre l’avenir des étudiants. « Les sanctions commencent par un entretien avec l’assistante sociale et vont jusqu’à l’isolement de l’élève. Les enseignants coupables de violences sur des élèves seront punis de différentes façons, comme la diminution de salaire, l’absence de promotion et finalement la mutation vers un poste administratif », explique-t-elle.

Elle reconnaît que le rôle de l’école a diminué. « Le ministre va prendre des mesures pour améliorer le processus éducatif. Nous avons également un plan de formation pour améliorer le niveau des enseignants », affirme-t-elle. Et pour lutter contre le phénomène des leçons particulières, le ministère va augmenter les notes de la créativité, qui représenteront 60 % de la note finale. Pour Kamal Moghis, chercheur au Centre des recherches pédagogiques, régler les problèmes de discipline est une bonne chose, mais c’est l’ensemble du système éducatif qu’il faut revoir. « Celui-ci souffre depuis des années d’un faible budget et de l’absence de créativité et de l’esprit critique. Il faut cesser le parcoeurisme et respecter l’esprit des élèves. L’école doit informer les élèves des changements qui ont lieu au sein de la société, et doit leur fournir une formation adaptée aux besoins du marché du travail ». C’est la seule manière de redonner à l’école son respect d’autrefois.

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