Le premier ministre, Ibrahim Mahlab, a accepté la demande du ministre de la Justice transitionnelle, Ibrahim Al-Héneidi, qui préside le comité chargé de modifier les lois électorales jugées inconstitutionnelles, de prolonger l’activité du comité jusqu’au 10 avril, alors que le président Abdel-Fattah Al-Sissi avait demandé, début mars, un amendement dans un délai maximum d’un mois. Les partis politiques ont été invités à soumettre, ce jeudi, leurs différentes propositions autour de l’amendement des lois en question. «
Nous allons écouter les propositions des partis politiques, en particulier en ce qui concerne la réforme du système électoral. Toutes les propositions seront étudiées sérieusement par le comité » a expliqué Al-Héneidi. L’expert constitutionnel, Abdallah Al-Moghazi, estime qu’un dialogue réel avec les partis politiques est nécessaire. «
Nous ne voulons pas un dialogue de pure forme. Seul ce dialogue peut garantir la stabilité du prochain parlement », déclare-t-il.
En effet, la majorité des partis politiques se plaignaient de ne pas avoir été consultés au sujet des lois électorales. Nader Bakar, vice-président du parti salafiste Al-Nour, affirme que cette invitation du premier ministre, Ibrahim Mahlab, est « une étape très importante, bien qu’elle soit arrivée en retard ».
Le découpage des circonscriptions
La loi sur le découpage des circonscriptions, jugée inconstitutionnelle car ne réalisant pas l’équilibre entre le nombre de sièges et la densité de la population, sera la première a être amendée. Al-Héneidi a déclaré qu’une augmentation du nombre de sièges du parlement est très probable pour garantir un équilibre entre les différentes circonscriptions. La plupart des partis s’opposent à l’ancien découpage en 4 grandes circonscriptions. Certains partis, comme le Wafd, appellent à diviser les gouvernorats en 8 régions électorales comprenant chacune 15 candidats au lieu de 4 régions avec des listes à 45 candidats dans la loi objet de l’amendement. « Les grandes listes de 45 candidats représentent un grand problème pour les électeurs qui ne connaissent pas forcément tous les noms qui figurent sur les listes », explique Essam Chiha, membre du comité suprême du néo-Wafd.
Un avis partagé par Chéhab Waguih, porte-parole du parti des Egyptiens libres, dont le parti soutient cette même proposition. « Le découpage en 4 circonscriptions seulement a provoqué un grand problème pour la majorité des partis. Une répartition en 8 circonscriptions est beaucoup plus logique pour les partis et les électeurs », affirme-t-il.
D’autres partis, comme la Réforme et le développement, proposent une liste pour chaque gouvernorat. « Nous avions dit depuis le début que 4 listes ne suffisaient pas. Il faut que chaque gouvernorat ait sa propre liste comprenant des candidats connus par l’électorat, ce qui n’est pas le cas avec le découpage en 4 circonscriptions », explique Amr Nabil, membre du parti.
Le système électoral
Bien que le système électoral ne soit pas parmi les articles jugés inconstitutionnels, il est au centre des propositions des forces politiques. La plupart des partis rejettent le scrutin électoral à dominance individuelle. En effet, en vertu de la loi électorale jugée inconstitutionnelle, 80 % des sièges étaient pourvus au scrutin individuel et 20 % au scrutin de liste. Les trois quarts des 567 députés du parlement seront donc élus conformément au scrutin individuel, et 120 députés élus selon le scrutin de liste majoritaire, et les 27 restants seraient désignés par le président de la République.
Pour Abdel-Ghaffar Chokr, membre de la Coalition populaire, consacrer la majorité des sièges au scrutin individuel ne fera qu’affaiblir les partis politiques et donnera un parlement dominé par les hommes d’affaires. « Nous proposerons lors de la réunion que seuls 40 % des sièges soient pourvus au scrutin individuel, 40 % au scrutin de liste proportionnel et de garder 20 % des sièges pour les quotas consacrés aux femmes, aux jeunes, aux coptes, aux handicapés, aux ouvriers et aux paysans », affirme Chokr.
Cette proposition est saluée par plusieurs partis comme notamment Al-Nour et Al-Wafd. Une autre proposition du Wafd consiste à pourvoir 50 % des sièges au scrutin individuel et 50 % au scrutin de liste proportionnel. « Nous avons préparé ces deux propositions et nous espérons l’application de l’une d’elles pour ne pas consacrer la grande majorité du parlement au scrutin individuel », affirme Essam Chiha.
Amr Nabil note aussi que le parti de la Réforme et du développement proposera de consacrer 80 % des sièges aux listes proportionnelles et 20 % au scrutin individuel.
Pour Al-Moghazi, il sera difficile pour le comité de modifier le scrutin électoral actuel : « Le scrutin électoral n’a pas été jugé inconstitutionnel, de plus il garantit, et selon la Constitution, la représentation des minorités. Le comité ne voudra sûrement pas y toucher pour éviter toute nouvelle contestation constitutionnelle », dit-il.
La Haute Cour constitutionnelle avait aussi jugé inconstitutionnelle une disposition empêchant les détenteurs de la double nationalité de se présenter aux élections parlementaires. Pourtant, les propositions des partis ont négligé cette clause. Le problème de l’inconstitutionnalité des lois électorales a poussé le gouvernement à envisager une surveillance préalable de la Haute Cour constitutionnelle sur les lois électorales, plutôt qu’une surveillance ultérieure. Ainsi, il est question de modifier la loi sur la Cour suprême constitutionnelle, de manière à ce que celle-ci examine les lois électorales avant leur ratification. Une décision saluée par la majorité des partis qui y trouvent un moyen d’immuniser le futur parlement. « Le comité actuel va essayer à tout prix d’éviter les erreurs du passé pour présenter des lois constitutionnelles et surtout consensuelles », conclut Al-Moghazi.
Le pourquoi des rejets
Deux articles de la loi électorale ont été déclarés inconstitutionnels. Explications.
L’article 3 de la loi sur le découpage électoral a été jugé inconstitutionnel. L’article en question concerne les 237 circonscriptions où 420 députés devaient être élus suivant le système de vote uninominal.
L’article stipule que « les limites (géographiques) et les composantes de chaque circonscription, le nombre de sièges consacrés à chacune d’elles, ainsi qu’à chaque gouvernorat doivent être fixés en tenant compte d’une représentation équitable de la démographie et des gouvernorats ».
La nouvelle Constitution égyptienne précise en effet que les circonscriptions doivent refléter le poids relatif des électeurs, même si elle permet une certaine marge de manoeuvre. Théoriquement, il faut 131 000 électeurs par siège. Une marge qui a été dépassée par la loi, selon la Haute Cour constitutionnelle du pays.
La Haute Cour constitutionnelle avait aussi jugé inconstitutionnelle une disposition empêchant les détenteurs de la double nationalité de se présenter aux élections parlementaires. La justice égyptienne a jugé inconstitutionnelle la phrase « bénéficient de la nationalité égyptienne uniquement » évoquée dans la clause 1 de l’article 8 de la loi sur la Chambre des députés, promulguée par la décision du président de la République numéro 47 pour l’année 2014.
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