Le roman graphique Oum Kalsoum, naissance d’une diva, aux éditions Lattès, retrace la vie de celle que l’on surnommait L’Astre céleste. La journaliste Nadia Hathroubi Safsaf et la dessinatrice Chadia Louestali racontent sa carrière qui tient du miracle. Née à une époque où la musique commençait tout juste à être enregistrée dans le monde arabe, elle découvre les grands chanteurs du Caire, capitale de la musique orientale, où elle s’installe avec sa famille. Son talent est alors reconnu et ses proches comprennent qu’ils doivent miser sur elle plutôt que sur son frère. Elle s’entoure notamment du parolier Ahmad Ramy, qui racontait en 1979 : « J’ai entendu une voix d’une douceur, d’une maîtrise et d’une puissance incomparable ». Ce dernier est resté son admirateur secret et l’un de ses proches jusqu’à la fin.
Les origines modestes de la chanteuse mythique incarnent rapidement les idéaux des mouvements républicains arabes. En 1936, elle chante pour le couronnement du roi Farouq, contraint d’abdiquer en 1952, après la révolution menée par les Officiers libres. Nasser, le second président de la République égyptienne, fait de la chanteuse une icône patriotique. La chanson Wallah Zaman Ya Silahi, interprétée par la diva lors de la crise du Canal de Suez en 1956, devient en 1960 l’hymne national du pays, avant d’être remplacée en 1979. Si on considère que le président Nasser s’est servi de la chanteuse pour promouvoir son régime — prémisse d’un soft-power égyptien — en retour, on constate qu’Oum Kalsoum a utilisé ce pouvoir pour la promotion des droits des femmes et de la musique arabe dans le monde.
Féministe, elle a fait de la place des femmes dans la société égyptienne l’une de ses plus grandes préoccupations. En utilisant son statut de star, renforcée par une carrière d’actrice lancée dans les années 1940, elle a poussé les jeunes à étudier, à participer à la vie active et à l’essor d’un pays en plein développement.
Un album poétique et lumineux
Dans l’album jeunesse Oum, Alice Brière-Haquet et Bruno Liance offrent un portrait poétique et lumineux de la célébrissime chanteuse égyptienne. Ecrit à la première personne, le texte d’Alice Brière-Haquet rappelle combien son histoire hors du commun est liée à ceux qu’elle aime (sa famille) et à son engagement auprès de Nasser. Son père comprend vite que sa plus jeune enfant (la 3e de la fratrie) a un don pour chanter. Alors qu’il formait jusqu’alors son frère aux chants religieux pour prendre sa succession à la mosquée une fois adulte, il embarque aussi Oum dans les cérémonies religieuses et mariages où il est convié. Elle chante sous l’apparence d’un garçon ! Côté illustrations, on retrouve avec plaisir les planches de Bruno Liance qui avait déjà illustré, dans la même collection, l’album sur Nina Simone. L’orange, couleur du soleil et du désert, joue avec le vert, couleur de l’islam. C’est d’ailleurs le vert que la diva choisit pour sa première robe de concert. A la fin de l’ouvrage, trois pages dressent la biographie de l’artiste, permettant de donner du sens à des détails glissés dans les illustrations.
Au temple de la pop music à Paris
L’ouvrage illustré de Martine Lagardette et Farid Boudjellal, Oum Kalsoum, l’arme secrète de Nasser, qui vient de paraître aux éditions Oxymore, nous fait découvrir les coulisses d’un événement exceptionnel, à savoir le concert de celle surnommée « La Perle du Nil » à l’Olympia en novembre 1967, cinq mois après la guerre des Six jours, dans une France préoccupée par les premières grèves annonçant mai 68. La rumeur attribue l’événement à une intervention du Grand Charles de Gaulle. « Politique arabe de la France » pour les uns, « arme secrète de Nasser » pour les autres. Que s’est-il joué devant et derrière le rideau rouge ? Secrets d’Etat ?
Artistes du siècle dernier
Dans Ô nuits, Ô mes yeux, le beau livre illustré de la Libanaise Lamia Ziadé, on retrouve les cabarets du Caire, les studios, villas, casinos, les maris, les amants, l’alcool, les somnifères, l’argent, les suicides, les brownings, les scandales, les palaces. Il y a le chant, la musique, la voix, les ovations, les triomphes, la gloire. Il y a l’audace, le génie, l’aventure, la tragédie. Il y a aussi Oum Kalsoum, Abdel-Wahab, Asmahane, Farid Al-Atrache, Samia Gamal, Laïla Mourad … la classe, le glamour, la passion, la haine, la vengeance. Bref, il y a l’âme de toute une époque révolue, marquée par la chute de l’Empire ottoman, la guerre en Palestine, la prise du Canal de Suez et la défaite de 1967. Paru en 2015 aux éditions POL.
Les icônes de la musique arabe
Divas, d’Oum Kalsoum à Dalida invite à découvrir des légendes de la musique et du cinéma arabes de 1920 aux années 1970. Oum Kalsoum, Asmahane, Fayrouz, Warda ou encore Sabah, Hind Rostom, Samia Gamal, Tahiya Carioca, Faten Hamama, Souad Hosni, Dalida et tant d’autres, toutes ont contribué à une révolution artistique qui s’est jouée en Egypte et au Liban. Femmes puissantes, émancipées, avant-gardistes ... Qui sont ces icônes qui furent les voix et les visages du monde arabe ? Quels enjeux de l’histoire politique, sociale et intellectuelle se dessinent derrière leurs vies et leurs carrières ? Ces trajectoires personnelles posent des questions passionnantes sur le rôle des femmes dans la société et leur image dans l’idéologie panarabe, ou encore sur les liens entre l’art et le féminisme. Un regard inédit sur les femmes artistes dans le monde arabe est proposé dans cet ouvrage. 21 articles rédigés par des experts, historiens et sociologues apportent un éclairage nouveau sur ces questions. Plus de 200 illustrations rendent hommage à l’âge d’or de la chanson et du cinéma arabes qui continuent à nourrir les plus belles créations. Editions Skira Paris, 2021.
Un conte oriental sublime
Publié en 2016 aux éditions du Rocher, l’ouvrage d’Ysabel Saïah Baudis, L’Etoile de l’Orient, a fait date à sa sortie. Préfacée par Omar Sharif, cette biographie a été traduite en arabe par le Centre national de traduction du Caire. Ysabel Saïah Baudis, journaliste et auteure, a écrit cette biographie nourrie des témoignages des proches et des admirateurs d’Oum Kalsoum, révélant comment cette dernière a traversé le XXe siècle et a milité pour les innombrables changements qu’a connus l’Egypte en intégrant toutes les nouvelles techniques, du cinéma à la radio, pour devenir « la voix des Arabes ». Née à Alger d’une mère pied-noir et d’un père algérien, l’auteure a publié un autre livre sur la star orientale qu’elle a intitulée Oum Kalsoum for Ever, aux éditions Orients qu’elle dirige depuis 2011.
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