Fait divers, mais pas anodin. Au début de la création des jeux de réalité virtuelle à travers des lunettes de réalité virtuelle (VR), la police belge a annoncé qu’elle enquêtait sur une affaire de viol virtuel, suite à une plainte déposée par une fille accusant un jeune homme de l’avoir violée à travers un jeu de réalité virtuelle. Bien que la fille n’ait pas été réellement violée, elle a vécu toutes les affres du viol à travers le jeu et la police a enquêté sur cette communication virtuelle qui a eu des conséquences réelles sur la santé psychique de cette fille. Parallèlement, en 2016, une agence américaine a signalé, par le biais d’utilisateurs de réalisateurs virtuels, les problèmes causés par la réalité virtuelle pendant l’utilisation, entraînant un harcèlement de 49% de femmes et de 39% d’hommes.
Voici l’un des effets psychologiques attendus de l’utilisation du Metaverse, explique le psychiatre consultant Ibrahim Magdi, affirmant que plus on s’intègre à la technologie, plus la facture que l’on paye s’élève.
Déjà, l’usage excessif des technologies modernes, en particulier des smartphones, d’Internet et des médias sociaux est l’un des principaux responsables de la diminution de notre capacité de concentration. Avec l’avènement du Metaverse annoncé par Mark Zuckerberg, il y aura un changement majeur dans le modèle de consommation de la technologie, explique Dr Ibrahim Magdi : « Cela risque d’affecter négativement la vie humaine, en termes d’interaction avec les pairs dans divers domaines de la vie. Ce changement permettra à la technologie de pénétrer davantage la vie des autres, séparant progressivement une personne de son monde réel, et apportant ainsi des changements significatifs dans ses comportements et son état psychologique. C’est un monde en ligne qui fusionne la vie virtuelle avec la vie réelle, créant ainsi un pont entre deux réalités ».
Le psychiatre explique qu’en appuyant sur un bouton, ou tout simplement en portant un casque, les utilisateurs seront engloutis dans un monde virtuel, où ils peuvent être en contact avec n’importe qui et mener une vie qui n’est pas la leur. « Avec le risque d’un impact destructif sur les personnes atteintes de problèmes de santé mentale associés à la psychose et à la schizophrénie ».
Les plus fragiles durement affectés
« Jusqu’à présent, il n’y a pas d’informations disponibles et les études n’ont pas été correctement appliquées, mais l’American Society for Child and Adolescent Psychiatry (société américaine de la médecine psychique des enfants et des adolescents) a confirmé que l’utilisation du monde virtuel provoquerait l’isolement, ajoutant que l’utilisation excessive de la technologie numérique est associée à de nombreux problèmes de santé mentale ». Dr Ibrahim étaye avec chiffres à l’appui: cet usage augmente la dépression (6 %), la psychose (4%), la pensée paranoïaque (0,5%) et les maladies mentales graves (2%). Cependant, la psychose est l’un des cas les plus graves et mérite donc une certaine attention, surtout si une entreprise avec environ 1,9 milliard d’utilisateurs par jour suggère de passer à une nouvelle expérience immersive numérique qui est le Metaverse. Et comme il s’agit de techniques relativement nouvelles, dit le consultant, « il n’existe aucune étude à long terme sur les effets physiques et psychologiques de cette technologie, mais de nombreuses études montrent que certains patients, comme ceux qui souffrent d’hallucinations, d’hyperactivité ou d’isolement, seront les plus affectés ». Et d’ajouter : « L’idée de passer de la réalité réelle à la réalité imaginaire, entre deux décors, espaces et surfaces, peut entraîner une augmentation de l’activité électrique du cerveau, réduire la concentration et conduire à la schizophrénie, parce que la conscience et l’esprit humains ne sont pas équipés pour ce comportement ».
Les dimensions et les distances ne seront plus les mêmes. Le concept de la famille dans sa forme naturelle et la répartition des rôles vont changer. « Et comme les jeunes âgés de 12 à 19 ans sont principalement ciblés par ce type de technologie, les enfants auront l’impression d’en savoir plus que leurs parents et cela ne s’arrêtera pas, car le développement technologique va se poursuivre. Cela s’ajoute à la séparation et à l’isolement dans lesquels les parents n’auront pas assez d’autorité pour tout savoir sur ce que leurs enfants font dans ce monde. Utilisant plus de technologie signifie la limitation des défis de la créativité et de l’imagination des enfants, ainsi que leur développement sensoriel ».
Bonheur imaginaire versus vraie souffrance
Cela créera également un nouveau type de souffrance en raison de la présence d’une personne dans une compétition irréelle pour de faux gains. Le psychiatre explique: « Cela va provoquer de l’insatisfaction et de la dépression parce que tout le monde créera librement son monde idéal, qui peut ne pas ressembler du tout à la vérité, et ne sera plus en mesure d’accepter sa réalité. Citons l’exemple de quelqu’un qui possède réellement une petite maison et dans le monde du Metaverse il peut avoir une grande maison de luxe qui répond à toutes ses attentes et tous ses critères. Un autre exemple, un homme qui tombe amoureux fou d’une femme qui est entrée virtuellement dans sa vie et ne peut pas vivre avec elle dans le monde réel et ainsi de suite ».
Cela signifie-t-il qu’il faut rejeter le développement technologique ou y résister? Bien sûr que non. Parce que nous vivons déjà dans ce monde virtuel et nous en dépendons de nombreuses façons et formes dans notre vie quotidienne, comme les banques, l’éducation, la médecine et la pandémie de Covid-19, durant laquelle l’expérience virtuelle s’est avérée positive et pratique. « Tout comme ce monde virtuel peut affecter négativement la santé mentale et psychique des hommes s’ils en abusent, il peut être quand même une cause pour le traitement de certains cas, tels certaines phobies, certains cas de dépression ou pour les patients toxicomanes, afin d’imaginer qu’ils luttent contre les trafiquants de drogue virtuellement, ce qui va entraîner leur esprit à rejeter cet état de fait en réalité ».
Dr Ibrahim Magdi estime qu’il est important d’être suffisamment conscient de ne pas laisser ceux qui contrôlent l’industrie de la technologie mettre en oeuvre leur plan de dominer les hommes à des fins purement de marketing et de rentabilité. « Personnellement, j’accepte la théorie qui dit que la psychiatrie n’est pas la même, avant et après l’ère des réseaux sociaux. La nature et la définition de la maladie mentale ont considérablement changé au cours des dix dernières années, et c’est sur quoi travaillent l’Organisation mondiale de la santé et l’Association américaine de la psychiatrie, nos références scientifiques dans ce domaine, pour tenir compte de ces changements dans la prochaine version périodique de la psychiatrie », conclut-il .
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