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La politique des murs, art et action

Alban de Ménonville, Mardi, 11 juin 2013

Revolution Graffiti, titre du dernier ouvrage de Mia Gröndahl, est quasiment devenu un pléonasme. Dénué de réflexion, il dresse pourtant un constat indéniable : la vitalité de cet art fait de lui un moteur de l’innovation sociale.

Revolution Graffiti
Aya Tareq est l'une des premières à avoir associé évolution sociale et Street Art en Egypte.

Des traces. Voilà les seuls témoins de la présence de graffitis en Egypte avant la révolution. Et d’un coup, le mouvement a explosé et ne cesse de se renouveler, dans le style comme dans les thèmes. Revolution Graffiti suit cette explosion avec un regard neutre et distant. Après son travail sur Gaza, Mia Gröndahl signe un nouvel ouvrage sur le Street Art, centré cette fois sur le 25 janvier.

Dès les premières pages, l’on s’attend à trouver des explications sur un constat qui fait l’unanimité : les bouleversements politiques ont aussi bouleversé la scène artistique. Pourquoi, partant de rien en Street Art, sommes-nous aujourd’hui dans la profusion ? Qui sont ces jeunes qui peignent les murs avec passion et acharnement ? Pourquoi le fontils ? Et surtout, au-delà de leur art très politique, quelles sont leurs idées ?

Le livre évite ces questions. Il s’avère vite être une suite de photographies classées par thème ou par artiste avec autant de passion que dans une thèse universitaire sur la méthode quantique. Seuls de très courts textes introduisent chaque chapitre, donnant quelques repères historiques ou éléments biographiques. Rien non plus sur les techniques utilisées ou les ressemblent plus à des cris de colère bariolés et plus ou moins réussis qu’à un véritable mouvement d’évolution sociale.

Déclic ?


Parmi les graffeurs les plus talentueux, deux se distinguent : Amma Abou-Bakr et Alaa Awad. Et curieusement, ce n’est ni au Caire, ni à la place Tahrir que l’histoire commence, c’est à Louqsor sur les bancs de la faculté des beaux-arts. Un déclic, une rage formidable et les murs du Caire prennent vie sous leurs pinceaux. Mais pourquoi un tel engagement, une telle passion ? Que s’est-il passé pour que deux professeurs assistants à l’Université de Louqsor soient aujourd’hui à la pointe de l’innovation sociale ? Et quel impact leur art a-t-il ? Pour répondre à cela, il faut approcher ces artistes de près, comprendre que derrière la retenue et le calme de Alaa Awad, bouillonnent un dégoût et une haine, l’esprit d’un politique et d’un visionnaire en rébellion avec son époque Les graffitis, ce ne sont pas seulement les témoins d’une histoire de luttes pour la dignité d’un peuple. C’est le dessein complexe d’individus à la recherche d’un modèle de société qui n’emprunterait ni au capitalisme, ni à l’islam politique les fondements de son renouveau. Ce sont les premières pierres indestructibles d’un édifice, dont les plans restent vagues, mais qui devra contenir la liberté, le respect, la dignité et exclure l’intolérance, l’extrémisme et la violence. C’est l’avenir d’un monde qui prend forme. C’est cet avenir à côté duquel l’auteur passe dans son ouvrage.

C’est pourtant l’unique combat des artistes présents dans le livre. D’où l’importance de comprendre la mutation sans cesse renouvelée de l’idée politique à l’idée artistique. Pour Alaa Awad, il part de l’esthétisme du quotidien. C’est en voyant les masses d’ouvriers sur les chantiers de construction qu’il perçoit immédiatement deux problématiques : l’une politique, l’autre artistique. La première, socialiste, est cette indignation face à ces ouvriers exploités pour quelques dizaines de livres par jour, travaillant dans la chaleur, le vacarme et la poussière. Des fourmis, des marionnettes, des crève-la-faim, toujours en masses.

La seconde, esthétique, est visuelle. La simple représentation de ces masses ainsi perçues suffit à rendre l’art engagé, la technique et le talent n’étant que les garants de la réussite de l’oeuvre. Ce n’est pas un hasard si le tagueur qui se surnomme Keizer tient à se présenter en « artiviste », synthèse indissociable de l’art et de l’activisme. Il n’y aurait donc plus de différence entre l’art et l’action politique, les graffitis les ont intimement liés, comme un nouveau-né lierait deux parents. Ainsi scellée, l’union est promise à un avenir fécond.

Revolution Graf_ti, Street Art of the New Egypt, Mia Gröndahl, AUC Press, 2013

Tag et graff, quelle différence ?

De racines différentes, les deux mots tendent à prendre un sens similaire. Graff, abréviation de graffiti, dérive du latin graphuim lui-même emprunté au grec graphein : peindre, dessiner. Le mot français est tiré de litalien graffiti, pluriel de graffito. On peut ainsi écrire en français des graffitis (avec un s) ou des graffiti (invariable).

Le tag provient de laméricain. A lorigine, il désigne la signature dun artiste plus ou moins calligraphiée. Un tag peut ainsi servir à signer un graffiti ou être un signe de reconnaissance laissé par un artiste. Les deux mots ont cependant tendance à se confondre. Si celui qui trace des tags est un tagueur, celui qui peint des graffiti est soit un graffeur soit un graffiteur. Le verbe transitif graffiter est aussi admis (il graffite sur un mur) .

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