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Analyse: Le cercle infernal de la dette extérieure

Rania Hassanein, Mardi, 23 avril 2013

L’Egypte a toujours porté un lourd fardeau de dettes extérieures et la démarche pour sortir de la crise actuelle est la même. C’est la thèse de l’économiste Galal Amin dans son dernier ouvrage.

Dans le contexte des négociations autour du nouveau prêt du Fonds Monétaire International (FMI) d’une somme de 4,8 milliards de dollars à l’Egypte, le nouvel ouvrage de l’économiste Galal Amin est d’une actualité brûlante. Car ces difficiles négociations, peinant depuis novembre dernier, pour faire face à la crise économique, nous mènent à chercher des réponses aux questions de l’endettement égyptien. Question soulevée par Galal Amin dans L’Histoire de l’économie égyptienne, depuis l’ère de Mohamad Ali pacha jusqu’à l’ère de Moubarak. L’auteur égyptien réussit comme toujours à imbriquer le social, le politique et l’économique pour esquisser un tableau exact de l’Etat égyptien.

L’auteur estime que l’Egypte est passée par deux modèles sous deux leaders. Le premier, au XIXe siècle, l’ère de Mohamad Ali pacha (1805-1848), et le deuxième, au XXe siècle, celui du président Gamal Abdel-Nasser (1954-1970). Les deux ont témoigné d’une réussite au début de leur règne, mais ensuite, l’étranger s’est interféré pour freiner cette réussite qui contredit ses intérêts. Amin précise que les années de réussite du règne de Mohamad Ali pacha vont de 1805 à 1840, tandis que celles de Gamal Abdel-Nasser de 1959 à 1965. Les deux périodes se caractérisent par un développement réalisant une autonomie économique. « Lors de la période de Mohamad Ali, l’Egypte avait un surplus de production alimentaire de riz, de blé, de fèves et de maïs.

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Le commerce extérieur était le moteur principal de l’économie égyptienne et l’exportation du coton était la ressource principale du revenu national », souligne l’auteur. Quant à Abdel-Nasser, le début de son règne était, selon l’écrivain, les années représentatives de l’expérience nassérienne. Elles ont connu, elles aussi, une relance économique et une hausse considérable du niveau d’investissement. De même, une progression de la structure de production et de l’économie en général qui s'est traduite par un taux de croissance de 6 % et une augmentation du revenu des habitants de 3 % annuellement, après une stagnation de cet indice pendant près de 40 ans. « Mohamad Ali ne se permettait pas de s’enchaîner au cycle de l’endettement extérieur pour assurer le développement. C’était l’un des atouts principaux de son régime ». Quant à Abdel-Nasser, il a dû avoir recours à l’endettement pour réaliser ses projets de développement. Bien que l’Egypte ait été débitrice de l’Angleterre de 80 millions sterlings en 1959, ceci ne l’a pas empêchée de recevoir près de 800 millions de L.E. durant cette période sous forme de prêts et d’aides.

Interférence de l’étranger

Puis la chute de l’expérience ambitieuse des deux leaders a été presque la même. Elle se résume simplement en deux mots : interférence de l’étranger. Au XIXe siècle, l’année 1840 a été l’année de revers pour Mohamad Ali. Elle a témoigné de la signature par l’Angleterre d’un accord avec l’Etat ottoman, dans le but de limiter toutes sortes de monopole qui empêcherait aux commerçants britanniques de nouer des relations directes avec les Egyptiens. Ce qui a entamé une défaite du système monétaire établi par Mohamad Ali et a entravé tous les efforts de production nationale en Egypte, en Syrie, en Iraq et au Soudan. Ces pays arabes étaient privés des taxes douanières pour protéger leurs industries.

Au XXe siècle, l’année 1965 était celle de l’échec de l’expérience nassérienne. Les Etats-Unis ont décidé de stopper les aides alimentaires qui ont atteint 200 millions de L.E. durant la période de 1961 à 1965. De même les autres aides financières étrangères, en particulier de l’Union soviétique, et celles des pays arabes ont, à leur tour, diminué. S’ajoute à ce facteur la défaite de 1967 qui a eu des répercussions très négatives sur l’économie égyptienne.

L’Etat égyptien a vécu d’autres périodes plus importantes de souffrance économique due soit à la mauvaise gestion du gouverneur ou aux pressions exercées de l’étranger pour l’obliger à se soumettre à ses conditions. Comme l’exemple du règne d’Ismaïl pacha (1863-1879), tout à fait semblable, selon l’auteur, à celui du président Anouar Al-Sadate (1970-1981), de même qu’à celui de son successeur Hosni Moubarak (1981-2011), du point de vue de la gestion économique et de la subordination aux Etats-Unis. Dépenser pour les projets d’infrastructure sans réaliser de changement à la structure de l’économie en faveur de la production industrielle ; de même, libérer les importations pour se fournir en produits essentiels et luxueux ont été les facteurs de la chute des trois dirigeants. Les trois ont subi les pressions de l’étranger pour sortir de leur crise. Ismaïl pacha a dû céder à son trône, Sadate devait accepter le sacrifice politique, il s’est rendu en Israël en 1977, et a signé avec l’ennemi l’accord de paix malgré la victoire égyptienne de 1973. Moubarak a dû envoyer des forces de son armée pour soutenir les Etats-Unis dans sa guerre contre l’Iraq lors de son invasion du Koweït.

« Les périodes de renaissance de l’économie égyptienne ont toujours été, ces deux siècles derniers, celles où le pays jouissait d’un niveau acceptable d’indépendance de gestion », décrit l’économiste Galal Amin.
L’Histoire se répète, les leçons ne sont jamais acquises et ne semblent pas l’être. Le nouveau règne cette fois-ci, du courant islamique, déploie à son tour tous ses efforts pour s’endetter de l’étranger même en cherchant de nouveaux alliés comme l’Inde, le Pakistan et même l’Iran.

L’Histoire de l’économie égyptienne, depuis l’ère de Mohamad Ali pacha jusqu’à l’ère de Moubarak, de Galal Amin, éditions Dar Al-Shorouk, 2013.

Chroniques de la crise

Sadate a eu recours à plus d’endettement, même durant la période florissante de l’économie. La dette extérieure a atteint 14,3 milliards en 1981.
Sous Hosni Moubarak, les dettes extérieures ont atteint 24 millions de L.E. en 1994, et cela ne posait pas de problème à l’économie. La raison est simple : le pays obéissait à l’interférence du FMI et de la Banque mondiale pour la restructuration de l’économie. « Le dernier gouvernement d’Ahmad Nazif a été sélectionné juste pour mettre en place les consignes de ces deux organisations », souligne Galal Amin.

En décembre 2004, l’accord QIZ a été conclu avec Israël et les Etats-Unis. Un nouveau sacrifice qui permet à quelques produits égyptiens d’accéder aux marchés américains sans tarifs douaniers, mais à condition d’être produits en coopération avec Israël.

A son tour, l’opération de privatisation s’est accélérée pour vendre même les services publics. La recette a atteint 8,2 milliards de dollars en 2007.

L’Egypte à cette époque avait connu une relance des investissements étrangers et a réalisé un taux de croissance de 7 % jusqu’à la crise économique internationale de 2007, qui a fait perdre à l’Egypte en une seule année 10 milliards de dollars, suite à la diminution des investissements étrangers et du revenu du Canal de Suez. Par la suite, le taux de croissance est passé à près de 3 % avec un déséquilibre de la structure de l’économie, une augmentation du taux de chômage et une mauvaise distribution du revenu national en faveur des couches aisées contre celles pauvres.

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